A l'ombre des deux bulbes baroques d'une abbaye cistercienne, le lycée de ski de Stams, au Tyrol (ouest), forme avec rigueur depuis 41 ans la relève de la Wunderteam autrichienne, meilleure équipe au monde.

Un petit panneau le rappelle à l'entrée, une défaite est à l'origine de cet établissement dont les anciens ont glané 136 podiums en championnat du monde et 71 médailles olympiques toutes disciplines hivernales confondues.

L'insolente réussite des skieurs français lors des Mondiaux de 1966 à Portillo (Chili) -- 16 podiums sur 24 possibles -- piqua au vif les Autrichiens, qui allèrent s'inspirer en France du système qui avait produit des talents tels que Jean-Claude Killy et les soeurs Goitschel.

Ils en revinrent avec un concept pour allier scolarité et formation des sportifs de haut niveau. Une première classe fut ouverte en 1967 à Stams, petit village paisible au creux d'une vallée, à une trentaine de kilomètres d'Innsbruck.

Aujourd'hui, ce sont 170 jeunes skieurs alpin, sauteurs à ski, fondeurs et depuis 1995 snowboardeurs qui effectuent chaque jour un programme harassant.

Former l'élite

Levés à 6 heures, ces aspirants champions de 13 à 19 ans alternent classes, entraînements et études jusqu'à 22 heures, sous les voûtes en béton brut du lycée et dans les stations des vallées voisines, encadrés par une cinquantaine de professeurs et d'entraîneurs.

Mais, devenir l'égal de Benjamin Raich ou de Nicole Hosp, vainqueurs de la Coupe du monde et anciens du lycée, est à ce prix.

«Nous avons un but élitiste: former des personnalités. Tous veulent devenir champion du monde mais, pour cela, il faut apprendre à nager contre le courant», explique Arno Staudacher, directeur de cet internat original, également chargé de la formation des jeunes à la Fédération autrichienne de ski (ÖSV). «Notre plus par rapport à un sports-études classique, c'est la continuité de l'encadrement à l'école et sur les compétitions», poursuit-il.

Le calendrier et les cursus (classique ou professionnalisant) sont flexibles, adaptés aux rythmes des courses.

Les effets de cette recette sont éloquents: environ 50% de l'équipe alpine et 90% des sauteurs de la Wunderteam sont issus de Stams.

Cette réussite est aussi conditionnée par un écrémage rigoureux. Sur la trentaine de sélectionnés chaque année, seuls une petite dizaine atteindra un niveau national et un ou deux auront peut-être un avenir couvert de métal olympique, selon Arno Staudacher.

Concurrence

Alors, le lycée se sépare de un à deux élèves par classe chaque année dont les performances sportives -- «ou scolaires», insiste le directeur -- ne suivent pas.

«Même si on arrive pas au sommet, on a tout de même un diplôme et toutes les possibilités pour continuer», reconnaît Johannes, 14 ans. Son but est néanmoins d'imiter Gregor Schlierenzauer, champion du monde de saut à skis 2008, qui prenait encore il y a peu son envol sur le tremplin du lycée, adossé à la montagne à quelques centaines de mètres de là.

Signe d'une volonté d'Etat, le lycée bénéficie d'un financement public, complété par des sponsors et les contributions des élèves.

L'établissement est aussi ouvert aux étrangers. Le vainqueur du slalom géant d'ouverture de la Coupe du monde 2008/2009 à Sölden le week-end dernier, le Suisse Daniel Albrecht, est d'ailleurs diplômé de Stams.

Autrefois unique, le lycée a depuis quelque temps de la concurrence en Autriche.

«Les moyens ne sont pas infinis», s'inquiète Arno Staudacher, regrettant que le football, où l'Autriche n'excelle pas, attire plus de capitaux.

Présent depuis 1986 au lycée, il note aussi que «de moins en moins de jeunes sont prêts à prendre ce chemin exigeant. Avant, il y avait vingt personnes pour te remplacer si tu jetais l'éponge».