On connaît bien les soeurs Dufour-Lapointe, mais l'équipe canadienne de bosses compte aussi trois «frères». Mikaël Kingsbury, Philippe Marquis et Marc-Antoine Gagnon, qui ont récemment réussi un triplé historique aux mondiaux de Kreischberg, en Autriche, sont en effet bien plus que coéquipiers.

«Leur complicité remonte à plusieurs années déjà, racontait hier matin Rob Kober, l'entraîneur des trois. Leurs parents m'ont montré des photos où on les voit ensemble, encore enfants, quand ils ont amorcé la compétition. Et tout au long des années, ils n'ont jamais laissé la rivalité prendre le dessus sur leur amitié.»

Philippe, le plus âgé (25 ans), est arrivé en équipe nationale en 2007, 2 ans avant Mikaël (22 ans) et Marc-Antoine (23 ans). Très vite, on les a vus grimper les échelons et si Kingsbury est aujourd'hui au sommet de la discipline, Marquis et Gagnon sont abonnés aux podiums et aux finales.

«Je connais Mik [Mikaël Kingsbury] depuis que j'ai 9 ans, à l'époque de nos premières compétitions régionales dans les Laurentides, racontait Marc-Antoine, en fin de journée après l'entraînement. On a connu Phil [Philippe Marquis, qui est de Québec] un peu plus tard, dans les compétitions provinciales.

«Et on s'est toujours côtoyés. Être skieur dans l'équipe nationale, c'est un travail à temps plein, surtout ici, au Canada, où nous avons la chance d'être entourés par une équipe de professionnels qui nous poussent à toujours nous surpasser. Mais on a quand même le temps de profiter de la vie... et c'est habituellement avec Mik et Phil que je le fais!»

Les trois athlètes ont ainsi pris l'habitude de voyager ensemble et de s'offrir de rares escapades en touristes. «La saison dernière, on avait une semaine de pause entre deux compétitions et, plutôt que de rentrer à la maison, nous sommes allés à Dublin, en Irlande. On prépare quelque chose cette année, mais on ne sait pas où on va aller.»

Un sport d'équipe...

La compétition peut être très vive entre les athlètes - on l'a vu la saison dernière entre Kingsbury et Alexandre Bilodeau -, et le ski acrobatique n'est pas un sport d'équipe. Il l'est pourtant un peu devenu, le 19 janvier à Kreischberg, quand les Québécois ont compris qu'ils avaient une chance d'écrire une page d'histoire.

Deux fois en Coupe du monde, des skieurs québécois ont balayé le podium: en 2009 au mont Gabriel (Vincent Marquis, Alex Bilodeau, P.A. Rousseau) et à Are, en Suède (Bilodeau, Rousseau, Marquis). L'équipe canadienne n'avait toutefois jamais réussi à répéter aux Mondiaux cet exploit accompli une seule fois, en 1999, par les Finlandais menés par le légendaire Janne Lahtela.

Comme Gagnon l'explique: «Ça prend un peu de chance pour réussir un triplé en duels. Les probabilités de s'affronter l'un l'autre avant les demi-finales sont élevées, comme cela est arrivé aux filles cette journée-là. Mais là, tout était bien aligné...»

Encore fallait-il gagner les duels et sortir les autres favoris. Kingsbury s'est chargé de l'Américain Dineen, Gagnon du Russe Alexandr Smyshlyaev, puis de l'Américain Sho Kashima en finale pour la médaille de bronze. Quand son concurrent a quitté le parcours, à mi-pente, Marc-Antoine a compris que le balayage était acquis et son dernier saut, le poing en l'air, laissait éclater toute la joie de «l'équipe» canadienne.

«C'est vraiment une sensation extraordinaire de réussir ça avec mes deux amis, a encore raconté Gagnon. Je n'aurais voulu partager ça avec personne d'autre, on se connaît depuis tellement longtemps.

«Et c'était aussi une récompense pour toute l'équipe. On n'aurait eu aucune chance de réussir ça sans nos entraîneurs - les meilleurs au monde -, sans toute l'équipe de soutien aussi, sans oublier nos parents, nos amis, nos coéquipiers, tous ceux qui nous encouragent depuis nos débuts.»

Féru d'histoire et de statistiques, Kingsbury mesurait bien hier encore l'importance de ce podium historique. Le triple champion de la Coupe du monde pourrait réécrire le livre des records du ski acrobatique en bosses et il aura sans doute un jour de la difficulté à se rappeler toutes ses victoires.

«Mais je n'oublierai jamais celle-là», a-t-il convenu en jetant un coup d'oeil complice à Gagnon et Marquis.