Jean-Philippe Le Guellec n'a pas su avant la toute fin de sa course de 10 km, samedi à Östersund, en Suède, que quelque chose d'exceptionnel se passait. Il savait bien sûr que ses deux premières boucles étaient bonnes. Après tout, son premier tir couché était un sans-faute.

«Allez J-P, lâche pas, le rythme est bon!» lui criait son entraîneur en bord de piste. Mais le biathlète québécois se disait que «bon» est un terme bien imprécis: «Je ne savais pas si j'étais dans les 30 premiers ou dans les

20 premiers.»

Après son deuxième tir sans faute, debout cette fois-ci, son entraîneur a été plus clair. Limpide, même. «Tu es premier avec cinq secondes d'avance!» Piqué, survolté, Jean-Philippe Le Guellec a bouclé la dernière partie du parcours pour terminer avec 18 secondes d'avance sur son plus proche poursuivant, le Français Alexis Boeuf.

Le Guellec est devenu le premier Canadien à remporter une épreuve en Coupe du monde de biathlon; un exploit que Myriam Bédard a réussi cinq fois chez les femmes. Avant samedi, le meilleur résultat masculin avait été la sixième place du Canadien Glen Rupertus en 1993.

«Quand on m'a dit que j'étais premier, ça m'a donné des ailes pour le restant de la course, a expliqué le fondeur de Val-Bélair, lorsque joint à son hôtel en Suède. J'ai surpris tout le monde quand j'ai franchi la ligne d'arrivée. Et je me suis surpris moi-même.»

Des années difficiles

Cette victoire historique est un baume pour l'athlète de 27 ans qui a connu son lot d'ennuis dans les dernières années. Après sa sixième place en sprint aux Jeux de Vancouver, le fondeur a vu sa progression ralentie par une mononucléose. Les entraînements ont été réduits et les résultats en ont souffert. L'été dernier représentait, après deux années de galère, son retour complet à l'entraînement.

«Quand on s'entraîne moins, ça se répercute en hiver. Si l'entraînement est réduit, on ne peut pas s'attendre à revenir et à tout casser. Là, c'est le premier été où l'entraînement a été à peu près normal.»

L'athlète franco-ontarien avait été sacré champion mondial du sprint dans la catégorie benjamine en 2004. Depuis, d'autres compétiteurs coriaces l'ont devancé, comme le Norvégien Emil Svendsen. Il espère donc que le résultat de samedi est l'indice d'un retour à une forme optimale et le signal qu'il pourra rivaliser avec les meilleurs cette saison.

«La beauté de notre discipline, qui parfois est aussi très frustrante, c'est que c'est un sport de développement, explique-t-il. Chacun se développe à sa vitesse. Pour moi, ç'a juste été plus long que pour d'autres.»

«Mais je ne me fais pas d'illusions. Je sais que ça n'arrivera pas à toutes les Coupes du monde. Si ça arrive deux ou trois autres fois, ce serait déjà superbe, note-t-il avec prudence. J'ai encore pas mal de croûtes à manger.»

Sotchi dans la ligne de mire

Mais même s'il ne s'enfle pas la tête, Le Guellec - dont le meilleur résultat avant samedi en Coupe du monde était une septième place - sait qu'il n'y a pas meilleure façon de commencer une saison. La Coupe du monde d'Östersund était en effet la première de la campagne.

L'avant-dernière épreuve de la saison aura par ailleurs lieu à Sotchi et sera une excellente préparation en vue des Jeux de l'hiver 2014. Le Guellec le sait, mais n'ose pas trop se projeter dans l'avenir. Il a un résultat historique à savourer, une saison à faire et le reste suivra.

«Samedi, ç'a été un grand moment, lâche-t-il. Je commence seulement à pouvoir vraiment apprécier ce qui s'est passé et ce que ça implique. Quand même, c'est assez grandiose!»