(Kanata) On aurait aimé dire qu’on n’avait pas vu venir cette contre-performance. Mais ce serait aller à l’encontre de notre incessante quête de vérité.

Avant ce duel contre les Sénateurs d’Ottawa, le Canadien n’avait gagné qu’une seule fois, en huit tentatives, le deuxième match d’une série de deux en deux soirs. Et jamais encore il n’avait réussi, malgré cinq essais, à enfiler trois gains de suite.

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Le Tricolore, en outre, s’est récemment fait une spécialité d’offrir le meilleur de lui-même face à des adversaires supérieurs, et vice versa. Cette défaite de 6-2, jeudi, avait donc un point en commun avec l’échec de la série Adam et Ève : on l’a vue venir de loin.

PHOTO MARC DESROSIERS, USA TODAY SPORTS

Joel Armia (40) et Joonas Korpisalo (70)

Comme Mike Matheson l’a noté après la rencontre, les éléments n’étaient pas favorables à sa troupe. L’équipe était rentrée du New Jersey au petit matin, et les Sénateurs, eux, n’avaient pas joué depuis l’avant-veille, à domicile en plus.

Ce n’est pas évident, mais en même temps, c’est ça, la ligue. Ça ne va pas changer. Il faut s’y habituer et trouver une façon de gagner.

Mike Matheson

Martin St-Louis, lui, a parlé d’une autre rencontre au cours de laquelle ses hommes étaient « à plat » [flat, en anglais]. De mauvaises décisions en possession de la rondelle ont aussi drainé leurs forces.

« On n’était pas capables de passer du temps en zone offensive parce qu’on manquait d’exécution ou qu’on commettait des revirements, a-t-il analysé. Habituellement, ça vient ensemble. On essayait de faire des jeux alors qu’il n’y avait pas grand-chose, au lieu d’envoyer des rondelles en fond de territoire et de faire de l’échec avant, qui est une force de notre game. Alors c’est sûr qu’on manquait d’énergie. Et quand tu es fatigué, tu es plus fragile mentalement. Tu es moins alerte. »

Cette fragilité s’est manifestée d’au moins deux façons, cette semaine. Au cours de son bilan de mi-saison, lundi dernier, le directeur général Kent Hughes a fait remarquer qu’une équipe en déficit de profondeur, comme le Canadien, subira un impact plus grand si la liste des blessés s’allonge. La qualité d’une équipe est forcément proportionnelle à celle de ses joueurs, ceux de premier plan comme ceux de remplacement.

Le succès des équipes dans un deuxième match en deux soirs est, lui aussi, éloquent. Sept des huit organisations les plus efficaces dans ces circonstances feraient partie des séries éliminatoires si elles commençaient ce week-end. À l’inverse, sept des huit pires rateraient les séries.

Révélateur

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Justin Barron (52) et Ridly Greig (71)

L’incapacité du CH à gagner trois matchs de suite est également révélatrice. Les meilleurs clubs étant ceux qui gagnent davantage, ils y arrivent forcément avec plus de régularité. L’inverse, là encore, est aussi vrai.

« On doit trouver une manière de réunir nos bonnes performances, a estimé Michael Pezzetta, auteur du second but du Tricolore. Pour passer d’une bonne équipe à une très bonne, et pour devenir une équipe qui aspire aux séries éliminatoires, il faut aligner les victoires et saisir les chances qui se présentent à nous. »

Il y a enfin ce curieux paradoxe qui voit la Flanelle tenir son bout contre les adversaires de grande qualité et échapper des matchs contre des clubs théoriquement accessibles.

Depuis le début de l’année 2024, le Canadien a maintenu une fiche de 4-0-1 contre les Stars de Dallas, les Rangers de New York, les Oilers d’Edmonton, l’Avalanche du Colorado et les Devils du New Jersey. À elles cinq, depuis le début de la saison, ces équipes récoltent 63,3 % des points de classement à leur portée. En revanche, le CH n’a pu faire mieux que 0-3-1 contre les Sabres de Buffalo, les Flyers de Philadelphie, les Sharks de San Jose et les Sénateurs d’Ottawa. Leur rendement combiné : 44,6 %.

L’échantillon n’est pas énorme, mais la tendance est saisissante.

« On est toujours prêts, a assuré Martin St-Louis. Les autres équipes aussi le sont, par exemple. Parfois, c’est un jeu ici ou là qui fait la différence. Mais je trouve qu’on est une équipe qui est prête. »

Les discussions d’avant-match, jeudi, ont principalement porté sur, justement, les Sénateurs, qu’il ne fallait pas prendre à la légère, malgré leur saison de misère. « On n’a jamais cru que ce serait une balade dans le parc », a imagé Mike Matheson.

On connaît quand même la suite. Une suite prévisible.

Le pire, c’est que, selon les mêmes tendances, le Canadien pourrait bien battre les Bruins à Boston samedi. Serait-ce logique ? Pas vraiment. Mais cohérent avec cette curieuse saison ? Assurément.

En hausse : Jordan Harris

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Jordan Harris (54)

Il n’a rien accompli d’extraordinaire, mais dans une telle déconfiture, c’est déjà bon. Il a bien paru défensivement et servi une passe impeccable à Sean Monahan en tout début de rencontre qui a bien failli donner l’avance à son club.

En baisse : David Savard

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David Savard

Il était sur la glace pour trois buts des Sénateurs à cinq contre cinq. La feinte que lui a servie Tim Stützle, sur le but numéro 5, le hantera longtemps.

Le chiffre du match : 8 min 31 s

C’est le temps qui restait au cadran, en troisième période, lorsque Martin St-Louis a rappelé Cayden Primeau au banc afin de donner à son club un avantage numérique de deux hommes.

Dans le détail

Primeau a peiné

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Cayden Primeau (30)

Les gardiens du Canadien n’ont pas connu beaucoup de mauvais matchs, cette saison. Cayden Primeau peut toutefois en ajouter un à sa fiche. Le jeune homme n’a pas bien paru sur au moins deux buts des locaux, soit celui de Brady Tkachuk, qui a ouvert le pointage, et celui de Vladimir Tarasenko, qui donnait une avance de 4-1 à son club en fin de deuxième période. « Il a un peu été comme notre équipe, a souligné Martin St-Louis. Mais on ne lui a pas rendu la tâche facile devant lui. On n’a pas joué aussi serré que dernièrement. » Sans égard à la portion de blâme qui lui revient (ou pas), Primeau a maintenant subi la défaite à ses trois derniers départs. C’était d’ailleurs la septième fois en dix départs qu’il était envoyé devant le filet pour un match sur la route.

Tout ou rien à Ottawa

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Vladimir Tarasenko et Rourke Chartier

Il existe une statistique toute simple à laquelle on porte peu attention, mais qui est pourtant souvent un bon indicateur de la santé d’une équipe : le différentiel de buts. Après avoir malmené le Canadien, les Sénateurs affichaient un différentiel de — 12, et ce, malgré leur fiche de 16-24-0, au 29rang du classement de la ligue. Ce dont ça témoigne, c’est que pour cette équipe, c’est généralement tout ou rien. Jeudi, les Sénateurs ont signé une 10victoire par une marge d’au moins 3 buts — la grande majorité de leurs 16 gains jusqu’ici ont été obtenus avec un tel écart. À l’inverse, 10 de leurs 24 défaites ont aussi été subies par cette marge appréciable. Le duel contre le CH s’est classé dans la première catégorie. Ça n’a pas été parfait, mais les gros canons ont tonné et le gardien Joonas Korpisalo, même s’il a eu l’air fou sur le but de Cole Caufield, a relativement sauvé les meubles. Des conditions gagnantes, en somme.

Tout ça pour ça

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Michael Pezzetta et Jacob Bernard-Docker

La foule s’est animée, en fin de première période, lorsque Michael Pezzetta et Zack MacEwen ont engagé le combat au centre de la patinoire. Les deux adversaires ont fait les choses en grand, jetant leurs gants et leurs bâtons sur la glace et paradant loin l’un de l’autre. Ils se sont étudiés pendant un long moment, avant finalement de s’empoigner pour… cinq secondes. Le pugiliste du CH, comme c’est son habitude, n’a pas « choisi » son vis-à-vis, un colosse de 6 pi 4 po et 240 lb. Pezzetta a néanmoins eu l’avantage. Il a expliqué après la rencontre qu’il avait voulu insuffler une dose d’énergie à son équipe, qui tirait alors de l’arrière 2-1. Or, la bagarre ayant eu lieu à peine une minute avant la fin de l’engagement, son effet a été essentiellement nul. De beaux moments.