« Il y a beaucoup de points d’interrogation en ce moment. » Venant d’un directeur général qui a perdu son capitaine et qui pourrait faire son deuil de son deuxième centre, c’est là un euphémisme.

Mais telle est la situation devant laquelle se retrouve Marc Bergevin, à peine deux semaines après que le Canadien a atteint la finale de la Coupe Stanley. C’est dans ce contexte imprévisible que le DG abordera donc la période charnière du repêchage (ce vendredi et samedi) et du marché des joueurs autonomes (à compter du 28 juillet).

Son équipe est à remodeler, car le pilier autour duquel il a instauré sa culture ratera la totalité de la prochaine saison et la suite de sa carrière semble, au mieux, incertaine. Ce dénouement a pris de court Bergevin, même si dès février 2020, l’informateur Nick Kypreos soulevait des doutes sur l’avenir de Weber. Même si, le 7 juillet au soir, pendant que les joueurs du Lightning se sautaient dans les bras, ceux du Canadien enlaçaient leur capitaine comme des gars qui sentaient que la fin approchait.

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Shea Weber

« Personnellement, je n’étais pas au courant. Selon ce que j’ai amassé comme information, personne d’autre n’était au courant, a affirmé Bergevin, en visioconférence, jeudi. Shea est un homme de peu de mots et il ne se plaint jamais. J’étais très surpris.

« On a eu une discussion émotive, profonde. J’ai beaucoup de respect pour Shea. Ce sera impossible de le remplacer. Sur la glace et en dehors, on fera de notre mieux. Mais on ne pourra jamais remplacer Shea Weber. »

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De l’espace sous le plafond

Le DG ne pourra pas remplacer, du jour au lendemain, Weber le capitaine, celui qui se donnait corps (c’est le cas de le dire) et âme. Par contre, il aura les sous pour remplacer Weber le joueur. Celui qui aura 36 ans cet été, qui jouait encore un rôle prépondérant, mais qui ne pouvait plus offrir les 25 minutes par match qu’il donnait à son apogée.

En fait, avec l’absence de Weber et la quantité de joueurs autonomes qui pourraient lever les feutres, Bergevin aura de la flexibilité pour remodeler son équipe.

D’une part, en simplifiant à l’extrême, l’absence de Weber ne lui liera pas les mains, car le salaire du numéro 6 pourra être placé sur la liste des blessés à long terme. Le salaire d’un joueur sur cette liste ne disparaît pas des livres, mais il permet à son équipe de dépasser le plafond salarial d’une somme équivalente. C’est donc dire que le Canadien pourra opérer avec un plafond salarial légèrement supérieur à 89 millions de dollars (81,5 millions + le salaire de Weber).

Ce mécanisme permet donc à l’équipe de continuer à opérer de façon relativement normale, sans forcer le joueur à prendre sa retraite, et donc à renoncer aux sommes qui lui sont dues. Weber doit encore toucher 12 millions de dollars en salaire d’ici l’expiration de son contrat.

La liste des blessés à long terme est un mécanisme extrêmement complexe. Pour plus de détails, le site CapFriendly a préparé une explication en français.

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Phillip Danault

D’autre part, les attaquants Phillip Danault, Tomas Tatar, Joel Armia, Corey Perry et Eric Staal et les défenseurs Jon Merrill et Erik Gustafsson n’ont toujours pas signé de contrat en vue de la saison prochaine. Ils deviendront autonomes sans compensation le 28 juillet s’ils ne s’entendent pas avec le CH d’ici là. Du lot, Perry est celui qui semble avoir les meilleures chances de revenir à Montréal. Ce qui laisse évidemment de gros trous ailleurs dans la formation.

À vue de nez, les besoins criants semblent être un défenseur droitier, un centre de deuxième trio (si Danault ne s’entend pas avec le Tricolore) et un ailier gauche capable de jouer dans les trois premiers trios.

Selon nos calculs (grâce aux données des sites de référence PuckPedia et CapFriendly), et en tenant compte du coussin généré par l’absence de Weber, Bergevin aurait 21,9 millions de dollars de marge de manœuvre. De cette somme, on peut toutefois retrancher de 5 à 5,5 millions pour la somme des ententes à venir de Jesperi Kotkaniemi, Artturi Lehkonen et Ryan Poehling, tous joueurs autonomes avec compensation.

C’est donc plus ou moins 16 millions que Bergevin aurait à sa disposition pour pourvoir les trois postes vacants. Et s’il doit frôler le plafond salarial comme il l’a fait l’hiver dernier, il le fera. Son vice-président aux opérations hockey, John Sedgwick, a effectué la gymnastique comptable pour y arriver, même si les démarches avaient retardé l’entrée en scène de Cole Caufield.

« On a quand même géré ça, a rappelé Bergevin. Si on a la chance d’aller chercher un joueur et que ça nous colle au plafond, on va le faire. S’il faut le refaire, on va le faire. »

Transactions et choix au repêchage

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Dougie Hamilton

Pour combler le trou en défense à droite, la cible la plus évidente est Dougie Hamilton, grand défenseur capable de jouer autant de minutes que Weber, mais avec un profil bien différent. Sinon, le Québécois David Savard, que l’on a vu à l’œuvre en finale avec le Lightning, deviendra lui aussi autonome. Au centre, Mikael Granlund, Alexander Wennberg et le vétéran Paul Stastny sont les principaux noms disponibles, mais aucun d’eux n’est aussi fiable défensivement que l’est Danault.

Cela dit, historiquement, Bergevin a privilégié les joueurs autonomes avec compensation qui étaient incapables de s’entendre avec leur équipe. Il concoctait donc une transaction et s’entendait ensuite avec le joueur. C’est de cette façon qu’il a obtenu Josh Anderson, Joel Armia, Max Domi, Jonathan Drouin et Andrew Shaw, tout ça depuis 2016.

Avec 11 choix au repêchage en main, dont cinq dans les trois premiers tours, de même qu’une bonne banque d’espoirs en défense, Bergevin a les atouts pour obtenir de l’aide. « On est à l’écoute pour s’améliorer dans un échange avec un des choix », a-t-il dit.

Devant le filet

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Jake Allen

Au fait, le seul endroit où il n’aura visiblement pas à rebattre les cartes, c’est devant le filet, où il retrouvera son même duo que l’an dernier, mais à moindre coût puisque le nouveau contrat de Jake Allen compte pour 2,875 millions, en baisse par rapport aux 4,35 millions de la dernière saison.

Reste toutefois à s’assurer que Price soit prêt pour le début de la saison. Le gardien se rendait à New York cette semaine pour subir des examens.

« Ce n’est rien d’alarmant au moment où on se parle. Il a joué toutes les minutes en séries et il a très bien joué, a rappelé Bergevin. Comme tous les joueurs, il a eu des bobos en séries. Il va voir les médecins. On ne s’attend à rien de majeur, mais tant qu’ils n’iront pas voir de près, c’est peut-être juste six à huit semaines [après une possible opération]. Sinon, ce sera peut-être plus long. Mais on ne le sait pas en ce moment. »