Finalement, on vient de voir un peu le Carey Price qu'on nous a tant promis. Celui qui est confiant, un brin baveux, et qui appuie cette belle arrogance sur de bonnes performances sur la glace. Finalement, on vient de voir le Carey Price qu'on attend depuis longtemps. Depuis quatre ans, pour être plus précis.

La grosse question, maintenant: est-ce que ça va durer?

Mes amis vous le diront, les prédictions, ce n'est pas mon fort. Pour vous donner une idée, j'ai déjà écrit que Kari Lehtonen allait révolutionner la position de gardien de but, et j'ai déjà affirmé, il y a plus longtemps, que le Pepsi Cristal était là pour rester. Alors non, je ne vais pas m'aventurer à vous dire si le «vrai» Carey Price est de retour, et s'il va gagner plus souvent la Coupe Stanley que la coupe Molson.

De toute façon, ce n'est pas si important. L'important, c'est que Carey Price obtienne enfin le respect de ses coéquipiers, ce qui n'était pas nécessairement le cas la saison dernière.

Ça aussi, c'est en train de changer.

«Pour un joueur, c'est énorme de savoir que même si on fait une erreur, notre gardien peut nous tirer d'affaire avec un bel arrêt, m'expliquait hier Mike Cammalleri. Quand le gardien n'est pas solide, les gars sont nerveux. Dernièrement, nos gardiens sont solides... Quand on voit Carey jouer comme il l'a fait récemment, on veut tous être à notre mieux et l'aider à obtenir un blanchissage.»

Dans le fond, les joueurs du CH sont un peu comme nous, mais avec de plus grosses voitures. Comprendre par là qu'ils voient eux aussi si leur gardien-vedette se traîne les patins à l'entraînement, s'il prend ça un peu trop mollo, s'il joue sans trop se forcer.

C'était la réputation de Carey Price la saison dernière. Dans les coulisses du Centre Bell, on le disait distrait, un peu grosse tête, déjà satisfait du chemin parcouru. Bref, on chuchotait que Price se croyait «arrivé», comme on le dit si bien en langage de hockey.

Ce qui était un peu la faute à ses patrons, remarquez. Ce sont eux qui ont passé le plus clair de leur temps à le chouchouter et à le traiter comme s'il avait remporté plus de fois la Coupe Stanley que Martin Brodeur et Patrick Roy réunis.

Sauf que cette saison, Carey Price n'a plus droit aux petites faveurs. Que non. Jacques Martin n'a pas hésité à le laisser sécher sur le banc, et après la victoire de mardi soir, le coach a refusé les sacs de confettis qu'on voulait lui faire verser sur la tête de son gardien. Au mieux, il a parlé de Carey Price comme d'un «work in progress»...

Personnellement, j'ai adoré. Enfin quelqu'un dans cette bâtisse qui ose se tenir debout devant le Sauveur de la direction. Enfin. Faut croire que le Sauveur en avait besoin, puisqu'il vient de répondre avec ses meilleures performances de la saison.

Avec un brin de belle arrogance, en plus.

«Carey est démonstratif, et pourquoi pas? a ajouté Cammalleri. Nous, quand on marque, on se fait aller les bras. Pourquoi ne pourrait-il pas en faire autant à la suite d'un bel arrêt? Je n'ai aucun problème avec ça. On voit qu'il retrouve peu à peu sa confiance.»

Que Price soit divin ou non, on ne devrait quand même pas oublier l'essentiel: le CH n'ira pas bien loin s'il offre trop souvent des soirées de 50 tirs et plus aux rivaux.

«Il ne faut pas oublier que le hockey est un sport d'équipe, a tenu à dire Cammalleri. Carey va aller aussi loin qu'on va le mener, et vice versa. Un gardien qui gagne des matchs à lui seul, c'est rare. Voyez ce qui est arrivé à Roberto Luongo en Floride. On disait qu'il était le meilleur gardien de la ligue, mais avec l'équipe qu'il avait devant lui, il n'a jamais pu jouer longtemps au printemps.»

Mais personne ne demande à Carey Price d'être Roberto Luongo. En fait, tout ce qu'on demande à Carey Price, c'est d'être Carey Price.

Ce n'est pas trop demander, il me semble.