Bon, c'est vrai, j'ai toujours été un brin sceptique envers Carey Price. Pas contre le gars, mais contre toute la «hype» qui est venue avec. Le prochain Dryden. Le prochain Patrick. Le joueur de concession. Pour un mec qui n'avait rien prouvé chez les pros, ça m'agaçait. Ça m'agace encore.

Mais de là à dire que Carey Price est un joueur fini, il y a une sacrée marge.

C'est pourtant ce qu'on entend ces jours-ci. Souvent, ça vient des mêmes «experts» qui étaient prêts à l'admettre au Temple de la renommée il y a un an. C'est drôle comme ça change vite, dans notre ville de connaisseurs. En moins d'une saison, Carey Price est passé du prochain Patrick au prochain Jim Carey. Méchante débarque.

Je ne peux croire que Carey Price est un joueur fini. Pas à 21 ans. Ce que je crois, par contre, c'est qu'il est tout mêlé. Qu'il a besoin de faire un peu de ménage dans sa tête. Et ça, ça peut prendre du temps.

«Il faut être patient avec les jeunes gardiens comme lui, m'a expliqué hier Robert Sauvé, agent de joueurs qui a aussi été gardien pendant 13 saisons dans la LNH. Ce métier-là, c'est un métier difficile, surtout à Montréal, à cause des comparaisons avec les gardiens du passé. Dans le cas de Carey Price, il faut respirer par le nez. Un gars comme ça, ça ne perd pas tout son talent et tout son potentiel du jour au lendemain.»

En effet. Parlons plutôt d'une mauvaise passe. Depuis le match des Étoiles, il n'a remporté que deux victoires en 11 sorties. Il a accordé cinq buts ou plus à six reprises lors de cette triste série.

En plein le genre de résultats qui mènent les gardiens sur le chemin du doute.

«Quand tu joues comme ça, tu te mets à vouloir trop en faire, a ajouté Sauvé. Tu veux réparer les erreurs de tout le monde. Ta technique commence à être déficiente, tes déplacements sont plus difficiles. Quand ça arrive à un jeune gardien, il faut lui dire de prendre du recul, de se changer les idées.»

Les plus méchants diront justement que Price a peut-être trop voulu se changer les idées, rapport aux photos un peu folles qui circulent sur le web. Mais bon, passons gentiment. Ce qui est clair, vraiment clair, c'est que le Sauveur ne sauve plus personne. Surtout pas son propre club.

Pour les joueurs d'une équipe, il n'y a rien de pire qu'un gardien sur lequel on ne peut pas compter.

«Malheureusement, oui, un gardien qui joue mal affecte le reste de l'équipe, admet Sauvé. Autant un gardien peut stimuler son club en faisant les arrêts importants, autant il peut le miner quand il accorde des mauvais buts.»

Au fond, ce qui arrive à Price est peut-être de notre faute à tous. Nous l'avons mythifié un peu trop vite. Nous avons dressé des comparaisons hâtives avec Jésus-Christ (qui était un pas pire goaler dans son jeune temps, à ce qu'il paraît). Nous avons inscrit son nom de manière obsessive sur les bulletins de vote du match des Étoiles.

J'imagine que tout cela a probablement monté à la tête du Sauveur. À force de se faire lancer des fleurs, Price a fini par croire à son propre mythe.

Mais le mythe vient de se faire tasser par un Slovaque repêché en neuvième ronde.

«Le pire, c'est que Carey Price n'est pas le seul à jouer tout croche chez le Canadien, a conclu Sauvé. Mais pour un gardien, c'est toujours plus grave, parce qu'il a le pouvoir de gagner ou de perdre des matchs à lui seul.»

Price a aussi le pouvoir de se reprendre en main et de devenir le gardien que l'on croyait. Le Canadien nous a souvent vanté la force de caractère du jeune homme. À lui de prouver que ses patrons avaient raison.