Si elles venaient à remporter le championnat, la direction de la Scuderia pourrait se vanter d'avoir réussi à surmonter l'une des phases de changement les plus délicates de son histoire.

Si elles venaient à remporter le championnat, la direction de la Scuderia pourrait se vanter d'avoir réussi à surmonter l'une des phases de changement les plus délicates de son histoire.

Car chez Ferrari, le respect de la tradition est une philosophie, une religion, presque un art de vivre imposé par son fondateur, le Commendatore Enzo Ferrari. À l'époque, dans ses usines, le fils d'un mécanicien était automatiquement embauché pour succéder à son père.

Cet hiver, il fallut pourtant faire fi de ce genre de considération, puisque la Scuderia dut combler les départs simultanés de Michael Schumacher, Ross Brawn, le directeur technique, et Paolo Martinelli, le responsable des moteurs. Rory Byrne, le concepteur des monoplaces, avait pris du recul un an plus tôt.

Pour compliquer cette vague de départs, Jean Todt a été hissé au rang d'administrateur délégué de Ferrari, une charge l'obligeant à consacrer une part importante de son temps aux voitures de tourisme.

Ces bouleversements créaient une situation à haut risque pour la Scuderia, qui devait réagir sans se tromper.

Côté pilotes, Michael Schumacher a été remplacé par Kimi Raikkonen, que l'écurie a d'ailleurs mieux payé (45 millions de dollars canadiens) que l'Allemand. «En cherchant un remplaçant à Michael, nous avons immédiatement pensé à Kimi, explique Todt. Son caractère et son approche de la compétition nous semblaient compatibles avec la nôtre. Nous n'avons jamais envisagé une seconde de nous offrir les services de Fernando Alonso. Question de caractère.»

Côté technique, la situation était plus complexe. Après 11 années passées à diriger le bureau technique de la Scuderia, Brawn a démissionné pour prendre un repos mérité. Pour le remplacer, la Scuderia a procédé à des promotions internes: Mario Almondo a été nommé directeur technique, mais il ne se déplacera pas sur les circuits, où ce rôle sera tenu par Luca Baldisseri alors que l'ex-team manager Stefano Domenicalli a été promu au rang de directeur sportif.

Côté moteurs, Martinelli a lui aussi été remplacé en interne par le Français Gilles Simon. Todt, pour sa part, continuera de diriger la Scuderia sur les circuits, nommant Schumacher au titre d'assistant personnel. Le septuple champion du monde prend ainsi part à certaines réunions, à Maranello, mais semble rechigner à se déplacer sur les Grands Prix.

Il restera à juger des conséquences de ces bouleversements. Sur un circuit, une équipe de Formule 1 est constituée de plus de 100 personnes devant fonctionner en parfaite harmonie.

Sur la question, Schumacher savait motiver et fédérer ses mécaniciens mieux que personne. Même les plus fanatiques des tifosi de Raikkonen admettent que le Finlandais n'aura pas le même charisme. Brawn, de son côté, savait mieux que personne mener des réunions techniques et prendre les bonnes décisions. Il n'est pas certain que ses remplaçants soient bénis du même flair.

Reste la rivalité entre les deux pilotes, un problème que la Scuderia n'a pas connu depuis des années en raison de la domination incontestée de Schumacher. Raikkonen peut compter sur son talent insolent, du calibre des Finlandais les plus mémorables, tels Keke Rosberg ou Mika Hakkinen. Felipe Massa, pour sa part, peut jouer de sa connaissance intime de la Scuderia Ferrari, avec laquelle il bénéficie d'un contrat depuis 2001. Sa maîtrise de l'italien lui confère un avantage supplémentaire par rapport à Raikkonen. Alors que le petit Brésilien se sent comme un poisson dans l'eau chez Ferrari, le Finlandais y cherche encore ses marques. «Pour l'instant, on essaie toujours d'intégrer Kimi dans notre structure, explique un ingénieur de l'écurie. Nous essayons de comprendre ce qu'il attend de sa voiture afin qu'il s'y sente bien. On y est pas encore vraiment parvenus.»

Le Finlandais en est conscient. «Je dois encore peaufiner mes réglages, mais je pense que nous serons compétitifs», se contentait-il d'affirmer hier du ton taciturne dont il a le secret. «Il y a des circuits qui nous conviendront mieux que d'autres, mais nous semblons disposer d'un bon ensemble. L'ambiance est bonne. Felipe et moi nous avons de bonnes relations.» Pour le moment...

Chez Ferrari, les changements intervenus depuis l'an dernier sont si nombreux qu'ils constituent une petite révolution au sein d'une Scuderia qui en a horreur. Elle n'avait pourtant pas d'autre choix que de faire face à la vague de départs qui l'a frappée. Ferrari a changé l'équipe qui gagnait. Au tour de la nouvelle de faire ses preuves...