Depuis bientôt trois ans, l'illustratrice Lotta Nieminen trompe sa Finlande natale avec la métropole new-yorkaise. Nous l'avons rencontrée à Brooklyn, où elle habite un loft qui affiche la même grâce qu'elle.

C'est pendant un séjour d'études à l'École de design du Rhode Island que Lotta Nieminen «descend» à New York pour la première fois, avant de rentrer à Providence, sous le charme, convaincue qu'elle y retournera un jour.

De retour à Helsinki, la Finlandaise d'origine travaille pour un magazine de mode lorsqu'elle apprend que son travail a été sélectionné pour faire partie d'une exposition regroupant les jeunes talents internationaux en arts visuels, à Manhattan. L'occasion est trop belle. «Je ne pouvais me résoudre à l'idée de faire l'aller-retour une autre fois, raconte Lotta. Tout allait tellement bien en Finlande... J'ai eu besoin de me mettre en danger. J'ai pensé: j'ai l'énergie pour le faire. C'était maintenant ou jamais.»

Comment traduit-elle cet élan passionnel pour New York? «Ici, je n'ai jamais eu le sentiment d'être une étrangère - et plusieurs expatriés seront d'accord avec cette affirmation. Je l'avoue avec difficulté, parce qu'il s'agit d'un cliché, mais tu sais, quand on rencontre une personne et que, pour toutes sortes de raisons inexplicables, on a vraiment très, très envie d'être amie avec elle? C'est l'effet que m'a fait New York.»

Deux semaines avant son départ, elle envoie son curriculum vitae à cinq agences parmi ses «préférées» à New York, en croisant les doigts. Elle décroche cinq entrevues d'embauche. Trois mois plus tard, elle déménage officiellement dans la métropole américaine. Aujourd'hui, Lotta Nieminen travaille à son compte comme designer graphique, illustratrice et directrice artistique.

Son loft est situé dans une ancienne fabrique de pâtes alimentaires construite dans les années 20, au bord de l'East River, à proximité du pont de Williamsburg (qu'on voit bien de la grande baie vitrée du 8e étage), dans un quartier de Brooklyn où vivent des milliers de juifs hassidiques.

C'est une amie de Lotta qui est propriétaire des 650 pi2 que forme l'unité d'habitation. Cette dernière, mutée en Californie, a proposé à Lotta, alors locataire d'un microstudio trois fois plus étroit dans le Lower East Side, d'habiter les lieux pendant son absence.

Si Lotta s'est approprié l'endroit, on trouve encore quelques traces de la précédente logeuse. Les meubles les plus imposants lui appartiennent (la table de la cuisine, le lit, le canapé gris). Elle a aussi érigé le mur, qui devient tête de lit, au fond de la chambre, composé de lattes de bois. Mais la décoration, les détails portent bel et bien l'empreinte de Lotta.

Sa touche personnelle? «Je suis de celles qui croient dur comme fer que des fleurs et des chandelles suffisent à embellir n'importe quel espace.» Les bouquets de fleurs fraîchement coupées, qu'elle choisit chez le fleuriste Sprout Home (rue Kent, à Williamsburg) et qu'elle arrange selon son inspiration, comptent parmi ses accessoires fétiches. «Et je préfère de loin une lumière qui provient de plusieurs petites chandelles allumées à l'éclairage artificiel d'une lampe suspendue au plafond», précise-t-elle.

Un jeu de contrastes

L'avantage de cette vaste pièce ouverte est qu'elle se modèle au gré de ses envies. Le pari de Lotta a été de jouer avec les contrastes, d'apporter de la douceur à cet intérieur brut et industriel. Les fleurs, les bougies, mais également les textiles et les motifs (voir particulièrement les tapis et les coussins) ont donc pour objectif d'ajouter couleur et délicatesse, par petites notes, aux poutres de bois massif, aux planchers de béton et à la tuyauterie au plafond. Lotta aime également disposer autour d'elle des éléments plus naturels, plus organiques (fruits, coquillages, branches d'arbres, roches), qui revêtent la même fonction.

Dans le même esprit, le cadre composé de blocs de couleurs de différentes tailles, appuyé sur l'étagère de la salle à manger, est une création de Lotta, dont la confection donne des idées. «J'adorais ce cadre, mais je n'arrivais pas à trouver l'image idéale, celle qui le mettrait en valeur. J'ai donc fait un collage à partir de morceaux de papier de mes couleurs favorites. Je suis restée plus d'une heure à la papeterie, à agencer les teintes...» Le style émane des détails.

Autre parti pris de Lotta: ne garder que l'essentiel, que des pièces qui résisteront au temps, qui ont de l'importance, une charge émotive. Un réflexe qui a à voir avec sa fréquentation des petits logements - qui l'a obligée à devenir d'autant plus sélective -, mais qui était présent dès le départ chez celle qui a l'habitude de voyager léger, et qui a la bougeotte.

«Il m'est impossible de dire combien de temps encore je resterai à New York. Je viens tout juste d'obtenir ma carte verte. Cette stabilité me donne le droit de penser à m'installer à long terme... Mais peut-être qu'un jour, je me lèverai, comme ce matin-là en Finlande, avec le sentiment, l'urgence de repartir. Entre-temps, j'essaie de vivre dans un environnement assez confortable pour que je me sente à la maison, mais pas suffisamment pour que je sois incapable de le quitter, lorsque le moment sera venu. Un endroit stable et transitoire. L'harmonie est dans cet interstice. J'ai beaucoup voyagé, enfant. J'ai réalisé que le chez-soi n'est pas une donnée physique; il est composé des gens qui nous entourent.»

En octobre dernier, l'ouragan Sandy a forcé Lotta à réfléchir à ce qu'elle possède. Inquiète, elle a trouvé refuge dans la salle de bains, tandis que la tempête menaçait de faire éclater les fenêtres de l'immeuble. Là, pour tuer le temps, elle a pensé à ce qu'elle sauverait en premier dans son appartement, si le pire survenait. La réponse l'a elle-même surprise: «Je tiens à absolument tout!» L'arbre, malgré tout, a bel et bien des racines...