Comme dans les films d'espionnage où les bibliothèques pivotantes s'ouvrent sur des lieux secrets, le long rangement contre le mur mitoyen d'un appartement d'Outremont, à Montréal, cache bien des choses, dont une cuisine!

C'est une idée qui bouscule les modes en matière de design d'intérieur. Voici une cuisine qui, plutôt que de prendre la vedette, peut disparaître...

«J'ai tout regroupé, incluant la cuisine, contre le mur aveugle afin de libérer complètement l'espace, explique Jean-Maxime Labrecque, architecte. Ensuite, j'ai percé une fenêtre pleine hauteur dans le mur arrière et réalisé un immense puits de lumière pour, ultimement, créer un volume de lumière parfait.»

Lors de cette rénovation, le concepteur a décloisonné et soigneusement réorganisé les deux tiers de la surface du logement. «Les pièces dans la partie arrière étaient sombres et mal positionnées. On y trouvait, entre autres, deux petites salles de bains étonnamment installées côte à côte», révèle-t-il.

Dans une démarche exploratoire, il réunit donc jusqu'aux limites de la compression un maximum de fonctions et d'objets encombrants dans un long rangement. Laqué blanc, ce dernier est doté de 30 panneaux de 421 mm (environ 16 po 1/2) de largeur et de 3 m (10 pi) de hauteur chacun. Quant à la profondeur, elle a été déterminée par la largeur de l'escalier, qui est de 900 mm (près de 35 po 1/2).

«J'ai travaillé au millimètre près afin d'aligner avec précision les interstices des panneaux du long mur avec ceux des armoires de l'îlot. Cela peut sembler exagéré, mais cette subtilité contribue à l'harmonie de l'ensemble», soutient le fervent disciple de l'esthétique minimaliste.

Dans l'épaisseur de ce mur, on trouve donc, en partant de la grande fenêtre, un espace renfermant les portes coulissantes conçues pour dissimuler la cuisine. Celle-ci comporte notamment un plan de travail en quartz blanc et une plaque de cuisson au gaz. Ensuite, on découvre un garde-manger, un réfrigérateur, un placard, une laveuse et une sécheuse superposées, un chauffe-eau, une salle technique (système de chauffage, ventilation et climatisation), un débarras et l'escalier qui mène au toit. Une fois les portes fermées, tout s'éclipse, ce qui dégage l'aire de vie en un tournemain!

Du concept à la réalité

La propriétaire des lieux avoue toutefois ne pas faire coulisser fréquemment les portes qui permettent de camoufler la partie réservée à la cuisine. «En raison des manipulations requises», dit-elle.

«En effet, le déplacement des six portes dans le chemin de roulement exige un certain temps, environ trois minutes», reconnaît l'architecte de 38 ans.

Le but de cette manoeuvre est d'aligner les six panneaux coulissants avec les 24 autres, qui se trouvent dans le même plan.

«La création d'un tel aménagement est unique. C'est en quelque sorte un prototype», explique Jean-Maxime Labrecque.

«De toute façon, je peux laisser la cuisine apparente en tout temps, car son design est soigné», précise l'occupante.

«Et la composition du long rangement demeure aussi nette et précise», enchaîne le créateur.

Quant aux autres armoires, elles sont munies d'un loqueteau automatique. Il suffit donc d'exercer une pression sur leur surface pour les ouvrir.

L'îlot «range-tout»

À l'exemple du mur de rangement, l'îlot dans lequel un évier a été encastré affiche des lignes d'une grande pureté. «Les tranches des panneaux de contreplaqué russe ont été jointes à 45 degrés afin de dissimuler l'épaisseur du matériau. Ce détail de fabrication épure la forme», explique le fondateur de l'agence INPHO.

Multifonctionnel, ce bloc central «cache» lui aussi de multiples objets derrière ses portes, dont trois tabourets!

«Comme le grand mur, l'îlot intègre le plus de fonctions possible sans que rien dépasse. Mon but demeure le même au gré des projets: désencombrer pour mieux mettre en valeur la lumière et les occupants», conclut l'architecte.