Certaines sont revêtues de bois. D'autres de briques rouge vif ou de pierres des champs. Tantôt elles nous émerveillent avec leurs jolies corniches et leurs séduisantes alcôves. Tantôt on jette un regard vers leurs ornements victoriens. Et parfois, ce sont leurs toits en forte pente qui captent notre attention. Symboles d'une riche histoire, les maisons ancestrales pullulent dans les Cantons-de-l'Est. Nous vous proposons durant la saison estivale de visiter quelques-uns de ces chefs-d'oeuvre architecturaux.

Déjà, le petit chemin sinueux bordé de fleurs qui mène à son entrée est prometteur. Peu après avoir quitté la 112, à Rougemont, le visiteur s'y engage avec délectation, contemplant la verdure de l'immense terrain parsemé d'arbres matures. Puis, au détour, entre deux bâtiments de service, elle apparaît, belle immuable: la maison en pierres des champs presque bicentenaire de Jacques Racicot, un bijou d'époque qu'il a acquis pour 6000 $, il y a 40 ans.

Un bijou qui aurait bien pu ternir sous l'effet du temps n'eût été la passion de M. Racicot. «Quand je l'ai achetée, il (le propriétaire de l'époque) s'en servait pour mettre son grain. Elle était pleine de grains!», lance l'entrepreneur en construction retraité.

M. Racicot a acquis in extremis la maison qui daterait du premier quart du 19e siècle. Mais c'est un coup de chance, raconte-t-il, attablé dans la cuisine de la maison. «Je cherchais depuis longtemps une vieille maison de pierres, affirme celui qui est originaire de Montréal. Mais je ne trouvais pas.»

En désespoir de cause, M. Racicot avait jeté son dévolu sur une terre, à Rougemont, où il comptait s'établir. «Avant de passer chez le notaire, je me suis dit qu'il fallait que je visite les parages. Je suis allé mettre de l'essence dans le village, je me suis relevé la tête, et je l'ai vue dans le champ. J'ai dit: Wow! C'est ça que je veux!»

L'homme, qui n'a alors pas encore trente ans, ne fait ni un ni deux, et discute de son intérêt avec le garagiste. «On me dit que ça appartient à un vieux garçon, qu'il n'a jamais voulu vendre. Il paraît que même Dominique Michel a voulu l'acheter et qu'il a refusé.»

Tenace, M. Racicot ne jette pas l'éponge. Il part rencontrer le propriétaire en question, un dénommé Richard Gaboury, qui lui permet de visiter la demeure. «Il me dit de faire attention de ne pas caler dans le grain», se souvient M. Racicot. «La maison était complètement abandonnée. Il y avait juste des rats et des oiseaux qui y vivaient», se souvient-il. «Mais sous le grain, il y avait un plancher brillant comme du cristal. Le grain l'avait préservé», relate-t-il, les yeux encore brillants. «Dans le foyer, il y avait une charrue à rouelle en bois», une pièce d'antiquité très rare, découvrira-t-il plus tard.

Coup de chance ou destin, nul ne le sait, mais deux jours plus tard, le propriétaire lui annonce qu'il accepte de lui vendre. «Il m'a vendu ça 6000 $. Il m'a même prêté l'argent, sans intérêt!, s'exclame M. Racicot. Il m'a dit: Tu m'en donneras un peu chaque Noël.» «C'était vraiment quelqu'un de très bien», souligne-t-il. M. Gaboury lui a aussi vendu un vaste terrain. «Il a marché avec moi dehors avec de gros piquets de métal. C'était un homme fort comme un boeuf. Puis il les a plantés pour délimiter le terrain. Il m'a dit: Tiens, c'est ton terrain. Est-ce que ça fait ton affaire?J'avais 100 000 pieds carrés. «

M. Racicot annule illico le rendez-vous pour l'achat de son terrain, et entame peu après les travaux pour remettre la maison en état. «On a nettoyé les poutres de bois (des demi-troncs d'arbres qui soutiennent le plancher de la maison) avec de l'acide pour être sûr qu'il n'y avait pas de termites. C'était vraiment un travail très dur», se remémore-t-il en montrant les pièces du sous-sol. La température y est naturellement climatisée, en raison, notamment, des larges murs de pierre. «Ils ont trois pieds de large ici, et deux pieds dans le reste de la maison», dit-il.

Comme l'intérieur des maisons anciennes est assez exigu, il aménage rapidement sa cuisine dans un second bâtiment, qui est en fait une autre demeure ancienne. M. Racicot l'a dénichée dans les Laurentides, puis l'a déconstruite et reconstruite à Rougemont, morceau par morceau. «J'ai numéroté toutes les pièces», dit-il. L'ancienne laiterie attenante à celle-ci sert de passage avec la maison principale, où ont été aménagés le salon et la salle à manger, les chambres étant à l'étage.

Fait rare, selon M. Racicot, le mur avant de la maison est percé de trois trous, comme des casiers, qui ne débouchent pas sur l'extérieur. «Ça communiquait avec le grenier, et les gens y mettaient leur beurre et les aliments qu'ils voulaient garder au frais», explique-t-il.