Un extraordinaire château à la française du 18e siècle, propriété de la même famille, les Grand d'Hauteville depuis sa construction, et qui domine le lac Léman, au-dessus de Vevey (Suisse), est en vente et son contenu sera dispersé aux enchères les 11 et 12 septembre prochain.

«De telles enchères sont rares, ce château n'a pas changé de propriétaire depuis sa construction entre 1760 et 1767, tous les objets en vente n'ont jamais été déménagés, ils sont tous liés à l'histoire de la famille, c'est exceptionnel de trouver une demeure avec des objets accumulés depuis deux siècles et demi», a commenté mardi devant la presse Bernard Piguet, directeur de l'Hôtel des Ventes de Genève, qui dirigera les enchères.

Selon lui, ces objets ne constituent pas une collection au sens propre, ils ont tous été achetés pour leur utilité, tels les milliers de livres de la bibliothèque qui traitent notamment de la gestion des grands domaines.

La préparation de ces enchères a pris plus d'un an, les quelque 1600 objets, vendus pour la plupart sans prix de réserve, ont dû être classés et répertoriés, des études historiques ont été menées sur certains d'entre eux, liés à la Révolution française où à la 2e guerre d'indépendance des États-Unis, et certains ont même été redécouverts, comme des décors de théâtre des 18e et 20e siècles, empilés sur 4 mètres de hauteur depuis des dizaines d'années au fond d'une remise.

«On pensait que ces décors étaient perdus, on les a retrouvés par hasard», a ajouté M. Piguet, en précisant qu'aux 18e et 19e siècles, les aristocrates jouaient des pièces de théâtre pour leur plaisir et faisaient faire les décors et costumes à cet effet, conservés pour les générations futures.

Des costumes d'époque sont ainsi proposés à la vente, ainsi qu'un ensemble rarissime d'escarpins, ballerines et chaussures en satin.

Le décès en janvier 2014 de la baronne Edith Grand d'Hauteville à l'âge de 83 ans, dernière résidente du château, a été l'élément déclencheur de la vente.

La baronne avait un droit d'usufruit pour habiter jusqu'à sa mort le château, qui devait ensuite revenir aux enfants de son mari défunt.

Ces derniers, la 11e génération des Grand d'Hauteville, n'a pas souhaité le garder, en raison des frais d'entretien élevés.

Les plus beaux objets ont déjà été vendus aux enchères en septembre dernier à Londres.

Ainsi, une commode Louis XV signée Mathieu Criaerd (maître en 1738) a été adjugée 140 500 livres sterling (192 000 euros).

Cette fois-ci les amateurs d'art pourront acquérir des oeuvres de Liotard, telles que ce portrait de famille de Pierre-Philippe Cannac, estimée 20.000 francs suisses (18.500 euros).

Comme tous les aristocrates du 19e siècle, les Grand d'Hauteville ont aussi entrepris un voyage, appelé à l'époque «Le grand Tour», soit le terme employé pour désigner le voyage effectué à travers l'Europe par les membres des grandes familles. Les Grand d'Hauteville ont rapporté de ces voyages de nombreux souvenirs, comme des fragments de mosaïque dorée de la coupole de la basilique Saint-Marc de Venise et des morceaux de fresques d'Herculanum et de Pompéi.

«Une branche de la famille est américaine», a indiqué pour sa part Philip Grand d'Hauteville, l'un des trois héritiers du château.

Un de ses ancêtres s'est marié avec une Américaine. Leur fils, Frédéric Sears Grand d'Hauteville a épousé Susan Macomb, fille du célèbre général américain, Alexander Macomb (1782-1841), commandant en chef de l'armée américaine entre 1829 et 1841.

Une des salles du château a été transformée en petit musée à la gloire de cette branche américaine. Parmi les objets en vente figure notamment une médaille en or en l'honneur du général, remise par le Congrès américain.

Par ailleurs, les amateurs d'histoire américaine pourront aussi acheter un rare drapeau confédéré de la guerre civile américaine datant de 1861.

Les quelque 1600 lots devraient rapporter environ 1 million de francs suisses (925 000 euros), selon une estimation de la maison d'enchères.

Le prix du château et de ses 26 hectares, proposé à la vente par une agence immobilière est gardé secret par les héritiers. Selon des estimations non confirmées, il serait proposé autour de 50 millions de francs suisses (46 millions d'euros).

Photo FABRICE COFFRINI, AFP

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