(New York) Le scénario semble invraisemblable, mais il ne peut pas être écarté compte tenu des circonstances inédites et chaotiques dans lesquelles se trouve la Chambre des représentants des États-Unis.

La semaine prochaine, les élus de la chambre basse du Congrès américain pourraient avoir l’occasion d’élire Donald Trump au poste occupé par Kevin McCarthy jusqu’à sa destitution, mardi.

Au moins un représentant républicain, Troy Nehls, a évoqué la possibilité de nommer l’ancien chef de la Maison-Blanche au poste de président de la Chambre. « Le président Trump, le plus grand président de ma vie, a prouvé qu’il mettait l’Amérique au premier plan et il redonnera sa grandeur à la Chambre », a indiqué mardi soir cet ancien shérif texan sur X.

PHOTO JONATHAN ERNST, ARCHIVES REUTERS

La représentante républicaine Marjorie Taylor Greene

La représentante républicaine de Géorgie Marjorie Taylor Greene a répété jeudi son appui à la candidature du 45président au poste de président de la Chambre, appui qu’elle avait annoncé peu après la destitution de son collègue de Californie.

« Si Trump devient président de la Chambre des représentants, la Chambre sera comme un rassemblement de Trump tous les jours ! », s’est exclamée la pasionaria d’extrême droite sur X. « Ce serait la Chambre MAGA !!! »

Mardi, elle avait écrit : « Nous pouvons faire de lui le speaker et l’élire ensuite président. »

Trump ouvert à l’idée

La Constitution américaine n’exige pas que le président de la Chambre soit un représentant, même si tous les présidents de la Chambre l’ont été. Mais Donald Trump, déjà pris par une campagne présidentielle et une pléthore de procès mettant en jeu sa liberté et son empire, pourrait-il songer à succéder à Kevin McCarthy ?

« Beaucoup de gens m’ont appelé à propos du poste de président [de la Chambre] », a-t-il déclaré mercredi en s’adressant à des journalistes à son arrivée au tribunal de New York où se déroule son procès civil pour fraude.

Tout ce que je peux dire, c’est que nous ferons tout ce qui est le mieux pour le pays et pour le Parti républicain.

Donald Trump, s’adressant à des journalistes à son arrivée au tribunal de New York, mercredi

Vingt-quatre heures plus tard, Donald Trump s’est dit prêt à assumer la succession de Kevin McCarthy pour une courte période.

« On m’a demandé de parler en tant qu’unificateur parce que j’ai beaucoup d’amis à la Chambre », a-t-il déclaré lors d’une interview accordée à Fox News Digital. « S’ils ne s’entendent pas sur un candidat, ils m’ont demandé si j’envisageais de prendre la présidence jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un à plus long terme, car je suis candidat à la présidence. »

PHOTO SAUL LOEB, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le représentant républicain Jim Jordan

Il a précisé qu’il pourrait tenir le rôle de président de la Chambre pour une période de « 30, 60, 90 jours ». Selon des médias, il songe à se rendre à Washington au début de la semaine prochaine pour rencontrer les membres du groupe républicain. Le représentant d’Ohio Jim Jordan, l’un de ses plus proches alliés à la Chambre, est son candidat favori pour succéder à Kevin McCarthy, a révélé un représentant républicain jeudi soir.

Les experts sceptiques

Mais les experts ne parviennent pas à croire que Donald Trump puisse convaincre les représentants du Grand Old Party de l’élire à la présidence de la Chambre dans l’éventualité d’une impasse.

« Il n’obtiendrait pas la majorité », soutient Antoine Yoshinaka, politologue de l’Université d’État de New York à Buffalo et spécialiste du Congrès américain. « De plus, il y a une règle interne au sein du groupe républicain qui interdit à une personne accusée d’un crime sérieux d’accéder à un poste de leader. »

Donald Trump doit répondre à 91 chefs d’accusation dans quatre affaires criminelles différentes, dont deux sont liées à ses efforts pour infirmer les résultats de l’élection présidentielle de 2020 qui ont culminé dans l’attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

« Cela dit, la règle pourrait être modifiée, mais j’imagine très mal que cela se produise », ajoute le professeur Yoshinaka.

Ross Baker, politologue de l’Université Rutgers, au New Jersey, partage ce scepticisme. Mais il note que le scénario d’une candidature de Trump à la présidence de la Chambre illustre l’imprévisibilité de l’époque.

« À l’ère de Donald Trump, rien n’est outrageant, rien n’est impossible, rien n’est invraisemblable », dit cet autre spécialiste du Congrès américain.

Avec Donald Trump, les règles sont complètement différentes. C’est troublant pour beaucoup de gens. Depuis qu’il est entré en scène, il tient le rôle de perturbateur de la politique américaine.

Ross Baker, politologue de l’Université Rutgers

Les démocrates de la Chambre sont particulièrement troublés par les rumeurs du retour de Donald Trump au Capitole.

« Les criminels ont tendance à revenir sur les lieux du crime », a écrit le représentant démocrate de Pennsylvanie Brendan Boyle sur X.

Une avenue évoquée en 2021

L’idée d’une candidature de Donald Trump à la présidence de la Chambre ne date pas d’hier. Son ancien chef de cabinet, Mark Meadows, l’avait évoquée en novembre 2021 au micro de l’émission balado de Steve Bannon. Le représentant républicain de Floride Matt Gaetz, qui a orchestré la destitution de Kevin McCarthy, l’avait relancée un mois plus tard.

Et l’animateur de Fox News Sean Hannity l’a remise sur le tapis mardi soir. « Des sources me disent que certains républicains ont été en contact avec l’ancien président Trump et qu’ils ont entamé des démarches pour qu’il devienne le prochain président de la Chambre des représentants. On m’a dit que Trump pourrait être disposé à aider le Parti républicain, au moins à court terme si nécessaire », a-t-il déclaré.

Pour le moment, outre Jim Jordan, seul le représentant de Louisiane Steve Scalise, numéro deux du groupe républicain à la Chambre, a annoncé sa candidature à la succession de Kevin McCarthy.

Les deux hommes se situent à la droite de McCarthy sur le spectre politique.

Et rien ne dit que l’élection du prochain président de la Chambre sera plus facile ou rapide que celle de Kevin McCarthy, qui avait nécessité 15 scrutins.

« Les mêmes lignes politiques qui ont causé la chute de McCarthy sont en place », dit Ross Baker.