Les deux dernières semaines de la campagne ont été marquées par trois débats des chefs où Justin Trudeau a été attaqué de toutes parts par ses opposants. Mais à moins d’une semaine du vote, où les chefs ont-ils passé le plus clair de leur temps ? Quelles circonscriptions ont-ils visitées ? Pour répondre à ces questions, La Presse a compilé les itinéraires des chefs relayés quotidiennement par les partis.

Trudeau, la cible de tous

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Justin Trudeau de passage dans la circonscription de Longueuil–Saint-Hubert, le 16 août

Depuis le début de la campagne, Justin Trudeau a visité plus d’une quarantaine de circonscriptions, soit une vingtaine de terres libérales, une dizaine de fiefs conservateurs et quelques néo-démocrates. Au Québec, il a aussi fait des annonces dans sept secteurs bloquistes. M. Trudeau a par ailleurs visité deux fois les circonscriptions de Markham–Unionville (Parti conservateur), Vancouver-Centre (Parti libéral) et Longueuil–Saint-Hubert (Bloc québécois). Pendant le premier débat, Justin Trudeau a souvent insisté sur le fait que la démocratie ne devait pas être mise en suspens parce qu’une minorité de la population n’a pas été vaccinée. La semaine 3 du chef libéral a aussi été marquée par le lancement de sa plateforme électorale, qui prévoit de dépenser trois fois plus qu’il ne générera de revenus d’ici cinq ans. À Radio-Canada, mercredi, M. Trudeau a fait une sortie remarquée à l’endroit du bloquiste Yves-François Blanchet, lançant : « Vous n’avez pas l’unanimité sur le Québec », en réponse à une attaque de ce dernier sur la reconnaissance de la nation québécoise. Le chef libéral a d’ailleurs passé le dernier week-end en territoire bloquiste, en attaquant notamment l’incapacité du Bloc à prendre des décisions qui ont un impact sur la vie des Québécois.

Erin O’Toole s’accroche

PHOTO DAVE CHAN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Erin O’Toole est le chef qui cumule le plus d’évènements virtuels depuis le début de la campagne.

Le chef conservateur continue d’être celui qui cumule le plus d’évènements virtuels chaque semaine, depuis son studio d’Ottawa. Il en compte plus d’une vingtaine depuis le début de la campagne, alors que M. Singh – le deuxième à ce chapitre – n’en compte que six. Comme plusieurs autres, M. O’Toole a passé l’essentiel de son temps dans des circonscriptions libérales, visitant environ une vingtaine d’entre elles. Le reste de son temps, il l’a passé en terres conservatrices, néo-démocrates ou bloquistes, notamment. Il a lui aussi visité la circonscription libérale de Vancouver-Centre à deux reprises, tout comme celle de Whitby, en Ontario, aussi détenue par le PLC. Depuis le départ, l’homme de 48 ans a cherché à se dépeindre comme un « nouveau chef », se disant pro-choix, pro-LGBTQ et pro-diversité. Il a toutefois eu fort à faire pour expliquer le cadre financier de son parti, qui a été dévoilé deux heures avant le débat mercredi. M. O’Toole a alors semblé chercher des réponses, en promettant simplement beaucoup d’investissements et de dépenses malgré un retour à l’équilibre budgétaire dans une décennie. M. O’Toole s’est aussi de nouveau mis dans l’embarras lundi sur les armes à feu, en affirmant faussement que l’arme de la tuerie de Dawson avait été obtenue illégalement, avant de se rétracter.

Singh et son message

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jagmeet Singh était de passage dans la circonscription de Berthier–Maskinongé, le 29 août dernier, pour appuyer la candidate Ruth Ellen Brosseau, ancienne députée néo-démocrate.

Le chef du NPD s’est aussi concentré sur des circonscriptions libérales, en visitant plus d’une vingtaine d’entre elles. Il a également visité six terres conservatrices et une circonscription bloquiste, celle de Berthier–Maskinongé, où Ruth Ellen Brosseau espère regagner le siège qu’elle a occupé entre 2011 et 2019. Il n’a visité que quelques fiefs néo-démocrates déjà acquis, mais s’est rendu à trois reprises dans Burnaby-Sud, en Colombie-Britannique, qu’il représente au Parlement. Lorsqu’on tient compte du nombre total des circonscriptions visitées plus d’une fois par M. Singh, on voit que le NPD a surtout concentré ses efforts dans des circonscriptions libérales (32 visites), plutôt que les secteurs conservateurs (8 visites) ou néo-démocrates (6 visites). Son chef adjoint, le député de Rosemont Alexandre Boulerice, a quant à lui concentré ses activités dans l’île de Montréal. Ces derniers jours, Jagmeet Singh a continué de marteler son message de taxation accrue des « ultra-riches » et de lutte contre deux crises, celle du logement et du climat. Lors des débats, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh a cherché à mettre Justin Trudeau et Erin O’Toole dans le même panier en matière d’exploitation pétrolière. En anglais, M. Singh a aussi lancé une flèche bien sentie à M. Trudeau : « Comment voulez-vous restaurer la confiance quand vous avez un premier ministre qui s’agenouille un jour, puis qui emmène des enfants autochtones devant la Cour ? », a-t-il demandé, faisant allusion à la contestation récente du gouvernement Trudeau de deux décisions touchant des enfants autochtones retirés à leur famille. En début de semaine, le chef du NPD a fait campagne dans la Première Nation Neskantaga, qui a un avis d’ébullition de l’eau depuis plus de 25 ans.

Blanchet malmené en anglais

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Yves François Blanchet s’est arrêté dans la circonscription d’Honoré-Mercier, détenue par les libéraux, le 23 août dernier.

Il ne fait campagne qu’au Québec, mais cela n’a pas empêché le chef du Bloc d’aussi se concentrer sur les circonscriptions libérales. Depuis le début de la campagne, il en a visité 17, dont certaines plusieurs fois, pour un total de 29 visites, contre 15 terres bloquistes arpentées lors de 20 visites. M. Blanchet a aussi visité quelques circonscriptions conservatrices ainsi qu’une néo-démocrate, Rosemont, dans les dernières semaines. Il s’est aussi rendu cinq fois dans Belœil–Chambly, sa propre circonscription, et trois fois dans les zones libérales de Ville-Marie–Le Sud-Ouest–Île-des-Sœurs, Gaspésie–Les Îles-de-la-Madeleine, Sherbrooke et Québec. Au débat en anglais, jeudi, Yves-François Blanchet a été talonné sur le racisme systémique, la Loi sur la laïcité de l’État (« loi 21 ») et le projet de loi 96, que l’animatrice Shachi Kurl n’a pas hésité à qualifier de « discriminatoires ». « Vous pouvez répéter autant de fois que vous voulez que ces lois sont discriminatoires. Nous disons qu’elles sont légitimes », a répondu le bloquiste, soutenant que la loi reflétait « les valeurs » des Québécois. Vendredi, plusieurs chefs fédéraux, dont Justin Trudeau et Erin O’Toole, ont parlé de propos « insultants » ou « injustes » envers le Québec, une attitude que M. Blanchet a qualifiée d’« opportuniste ». La scène a suscité une importante controverse au Québec, amenant même le premier ministre François Legault à réclamer des excuses pour « l’attaque » contre sa province. Sur le plan politique, des experts ont parlé d’un « cadeau inespéré » pour le Bloc québécois. M. Blanchet a toutefois annulé une présence au Nouveau-Brunswick, à Caraquet mardi, après un conflit apparent entre son parti et la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB).

Paul veut se distinguer, Bernier s’oppose à O’Toole

PHOTO CHRIS HELGREN, ARCHIVES REUTERS

Annamie Paul a passé beaucoup de temps dans la circonscription libérale de Toronto-Centre, où elle tente de se faire élire.

Chez les verts, la cheffe Annamie Paul continue de miser sur Toronto-Centre, circonscription qu’elle tente de ravir aux libéraux. Elle a tout de même visité quelques autres circonscriptions libérales en Ontario au cours des dernières semaines, en plus de visiter l’Île-du-Prince-Édouard en début de semaine. En tout, la cheffe a visité sept circonscriptions distinctes. Mme Paul a souvent insisté au cours des débats sur le fait qu’elle était la seule femme, de surcroît la première cheffe noire et juive d’un parti. Jeudi, elle a d’emblée attaqué le chef libéral en affirmant qu’elle « ne croit pas que M. Trudeau est un vrai féministe ». « Un féministe ne pousse pas les femmes en dehors de son parti », lui a-t-elle dit, en citant les départs très médiatisés de Jane Philpott et Jody Wilson-Raybould au cours des dernières années. La veille, dans le débat en français, lors d’un segment sur les garderies, elle s’était demandé « si tous les hommes ici ont laissé une femme parler sur un enjeu qui impacte les femmes plus que les autres ».

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Maxime Bernier a pris part à une manifestation contre le passeport vaccinal à Montréal, le 1er septembre dernier.

Maxime Bernier, lui, concentre l’essentiel de ses activités dans des fiefs conservateurs, avec 24 des 45 circonscriptions qu’il a visitées. Il s’est aussi rendu dans plus d’une douzaine de terres libérales, ainsi que cinq bloquistes, en plus d’avoir passé beaucoup de temps en Beauce, où il veut regagner son siège perdu aux mains des conservateurs en 2019. Son parti a par ailleurs invité mardi les « patriotes » qui militent pour son parti à « se mobiliser et agir » à titre de scrutateurs auprès d’Élections Canada, « pour défendre notre démocratie ».

En chiffres

390 : C’est le nombre approximatif d’activités qu’ont tenues les chefs depuis le début de cette campagne, dans environ 150 des 338 circonscriptions canadiennes. Nos données montrent que c’est l’Ontario qui est la province la plus visitée par les leaders, avec plus d’une soixantaine d’évènements distincts.

30 : C’est le nombre approximatif d’activités publiques s’étant tenues en mode virtuel depuis le début de cette campagne. Erin O’Toole domine avec environ 23, Jagmeet Singh suit avec six, pendant que Justin Trudeau et Annamie Paul n’en ont qu’une. Yves-François Blanchet et Maxime Bernier n’en ont aucune.

Avec Thomas de Lorimier, La Presse

Sources : calendrier des chefs publié chaque jour par La Presse Canadienne et agendas publics des partis ; données compilées par La Presse

Période analysée : 15 août au 14 septembre 2021