Pourquoi des élections maintenant ? C’est une question à laquelle les Canadiens cherchent encore une réponse. Afin de prendre le pouls des électeurs de partout au pays, La Presse a fait équipe avec des étudiants ou de récents diplômés en journalisme de partout au pays afin qu’ils nous racontent ce qui préoccupe les gens de leur coin de pays, de Vancouver à Fredericton, en passant par Edmonton, Toronto et Montréal.

Fredericton, Nouveau-Brunswick : une lutte à trois

Felix Arsenault, étudiant en information-communication, volet journalisme à l’Université de Moncton, est passionné de politique, sports et musique.

Une lutte intéressante se dessine dans la circonscription de Fredericton au Nouveau-Brunswick. En 2019, la candidate du Parti vert Jenica Atwin a été élue, mais en juin dernier, elle a quitté le caucus en raison d’une querelle interne sur l’enjeu israélo-palestinien et s’est jointe au Parti libéral. Mais le Parti vert reste populaire dans la région. Les conservateurs ne sont pas à négliger, deuxièmes en 2019, ils pourraient profiter de la division du vote entre les verts et les libéraux.

Robert Nowlan, entrepreneur en construction

La pandémie de la COVID-19 est un enjeu important pour les électeurs de Fredericton. Autre chose, et même si c’est de compétence provinciale, le dossier du financement de la Clinique 554 de Fredericton, seule clinique d’avortement privée de la province, est un enjeu important dans la région. « Pour moi, c’est une priorité, je pense que tout le monde devrait avoir accès aux soins de santé », affirme M. Nowlan. Pour ce qui est du résultat du 20 septembre, il croit que les conservateurs se faufileront vers la victoire. « Le vote va être divisé et c’est les conservateurs qui vont passer. »

François Gouin, agent multimédia

Le traitement de la crise sanitaire et la relance économique sont des priorités des électeurs de la région, selon François Gouin. Il croit que Jenica Atwin restera députée de la région malgré son changement d’allégeance. Il affirme que le moment est mal choisi pour tenir des élections et souhaiterait voir plus d’enjeux dans les débats. « Je suis un peu blasé par ces élections qui arrivent un peu vite. On sait tous que c’est un stratagème libéral, mais qui va peut-être se retourner contre eux », déclare-t-il.

Patrice Cammarano, étudiant en économie et communication

PHOTO FOURNIE PAR PATRICE CAMMARANO

Patrice Cammarano

Les enjeux économiques pour les petites et moyennes entreprises (PME) font partie intégrante du débat dans la région, selon Patrice Cammarano. « Dans les dernières années, Fredericton s’est beaucoup développé et est vraiment devenu un incubateur pour les PME. » Il estime que la lutte sera très serrée entre les trois candidates en importance de la circonscription. « La conservatrice Andrea Johnson a un très grand appui dans la région. Jenica Atwin était très aimée, mais sa décision de passer au camp libéral va sûrement lui coûter certains votes. La candidate verte, Nicole O’Byrne, est aussi très populaire dans la région. Je pense que rien n’est joué jusqu’au jour des élections. »

Hochelaga, Québec : réactions mitigées au débat

Florence Morin-Martel, finissante au DESS en journalisme à l’Université de Montréal, a récemment été embauchée à La Presse au terme d’un stage à l’été 2021. Elle s’intéresse aux enjeux sociaux, aux questions autochtones et aux actualités internationales.

La députée libérale Soraya Martinez Ferrada réussira-t-elle à conserver la circonscription d’Hochelaga ? Aux dernières élections en 2019, elle a obtenu environ 300 voix de plus que le bloquiste Simon Marchand, qui se présente à nouveau cette année. Catheryn Roy-Goyette portera les couleurs du Nouveau Parti démocratique (NPD) et Aime Calle Cabrera se présentera pour le Parti conservateur du Canada. Hochelaga compte plus de 106 000 habitants, dont près du quart est issu de l’immigration, selon le recensement de 2016 de Statistique Canada. L’âge moyen est de 41,4 ans, et près d’une personne sur quatre vit avec un faible revenu.

Louis-Philippe Savard, scénographe

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Louis-Philippe Savard

Pour Louis-Philippe Savard, les débats sont les moments qu’il attend le plus à chaque campagne. « Mais c’est une drôle de dynamique, les chefs n’approfondissent pas grand-chose au final », admet-il. Par rapport à la performance du 2 septembre, ce dernier estime que Justin Trudeau a été « habile et solide ». « Mais j’ai l’impression que le NPD et les conservateurs n’étaient pas très convaincants, remarque-t-il. C’est peut-être leur maîtrise du français qui les bloque. » En ce qui concerne le chef du Bloc québécois, Louis-Philippe Savard soutient qu’il « se débrouille bien dans ce genre d’exercices ». Mais les prises de position d’Yves-François Blanchet, qui s’approchent parfois de celles d’Erin O’Toole, placent le Bloc québécois dans une posture ambiguë. « Je me demande si ça va aider les conservateurs », conclut-il.

Louise Beaupré Lincourt, artiste peintre

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Louise Beaupré Lincourt

Après avoir regardé le débat du 2 septembre, Louise Beaupré Lincourt estime que plusieurs questionnements restent en suspens. « On a toujours l’impression que les participants ne répondent pas aux questions, souligne-t-elle. En particulier M. O’Toole qui répétait toujours un peu la même chose pour ne rien dire finalement. » Le débat en anglais sera possiblement plus avantageux pour le chef conservateur, selon elle. Si cette dernière croit que Jagmeet Singh a eu l’air très empathique et conscient des problèmes sociaux, elle se demande comment « il réalisera toutes ses propositions ». Pour ce qui est du chef bloquiste, Louise Beaupré Lincourt observe qu’il est dans la position de « celui qui n’a rien à perdre ». « Il était un peu agressif et poursuivait son rôle qui est de toujours pousser », soulève-t-elle. En ce qui concerne le premier ministre sortant, elle se dit « agréablement surprise » de sa performance et de sa maîtrise du français. « La question à laquelle Justin Trudeau n’a pas réussi à répondre est celle de la raison du déclenchement des élections », conclut-elle.

Marianne Durand, étudiante en psychologie

Pour Marianne Durand, le Face-à-Face du 2 septembre a permis au chef bloquiste Yves-François Blanchet d’en sortir gagnant. « Il avait des répliques efficaces et il était solide, argue-t-elle. Comme lorsqu’il a dit à Trudeau que financer les mesures écologiques avec le pipeline était comme vouloir soigner une jambe cassée en cassant l’autre. » À son avis, le néo-démocrate Jagmeet Singh n’a pas réussi « à tirer son épingle du jeu et a été enterré par les autres chefs ». L’étudiante en psychologie estime qu’Erin O’Toole n’a pas réussi à bien exprimer ses propositions. « Il répétait “plan et contrat” en boucle », dit-elle. Cette dernière a aimé qu’il soit question des armes à feu durant le débat. Un enjeu qui touche les Montréalais dans leur quotidien, souligne Marianne Durand.

York-Centre, Ontario : un bastion libéral contesté

Jenna Benchetrit est candidate à la maîtrise en journalisme à l’Université Ryerson de Toronto. Amatrice de cinéma et originaire de Montréal, qui lui manque.

York-Centre fait partie de ce qui était autrefois l’arrondissement de North York à Toronto. C’est une circonscription au revenu inférieur à la moyenne ontarienne, où on trouve la plus grande proportion de résidants d’origine philippine, russe et juive de la ville, dans un environnement surtout composé de maisons familiales. Traditionnellement considérée comme un bastion libéral, elle est passée aux conservateurs en 2011, puis prise en 2019 par la libérale, Ya’ara Saks.

Jesse Gold, directeur dans une entreprise de télécommunications

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Jesse Gold

Père de deux enfants, il estime que le débat national sur les garderies subventionnées est attendu depuis trop longtemps. « C’est une proposition populiste, mais aussi un sujet brûlant », dit-il, ajoutant que sa femme et lui, dont les filles sont passées par le coûteux système de Toronto, jalousent leurs amis de Montréal qui ne dépensent que 10 $ par jour pour la garde de leurs enfants. Il penche généralement pour les libéraux et veut donner une chance aux autres partis, mais il note que sa famille a subi les conséquences négatives des décisions fiscales prises par les conservateurs au fil des ans. « L’histoire a prouvé qu’ils ne sont pas meilleurs que les libéraux pour tenir les cordons de la bourse », a-t-il déclaré.

Mary Rosloot-Magnanelli, retraitée

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Mary Rosloot-Magnanelli

Pour cette sexagénaire originaire de la Saskatchewan, la COVID-19 a mis en lumière les failles du système de santé universel. En particulier, sa lenteur à passer en mode numérique de collecte et de diffusion de l’information. « Cela a vraiment mis en lumière la mauvaise gestion du système de santé universel et je pense que c’est un problème majeur », déclare-t-elle. Elle apprécie la qualité des leaders fédéraux cette année, mais reste indécise alors qu’elle se familiarise avec les candidats locaux de York-Centre. Elle rejette la nature de plus en plus clivante de l’esprit partisan des partis : « C’est décevant que la société passe par là. »

April Campbell, greffière

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April Campbell

C’est clair comme de l’eau de roche, avec la vague de cas de COVID-19 dans tout le pays, April Campbell en veut à Justin Trudeau d’avoir renvoyé les électeurs aux urnes. La pandémie reste sa principale préoccupation politique : comment le pays va-t-il se sortir de cette crise, et qui va mieux aider les chômeurs et les entreprises en difficulté sur la voie de la reprise ? Aucun des trois principaux leaders ne lui inspire confiance, c’est pourquoi elle penche pour le Parti vert. « Pas parce que je pense qu’il va être élu, mais parce que j’ai l’impression que les libéraux et les [conservateurs] vont finir par former le gouvernement, et je n’aime vraiment aucun de ces deux choix. »

Edmonton-Centre, Alberta : une lutte à finir

Isaac Lamoureux est étudiant au baccalauréat en communication, avec une spécialisation en journalisme à l’Université MacEwan, en Alberta

Edmonton-Centre reste une des plus chaudes luttes en Alberta, selon le site 338 Canada, alors que libéraux et conservateurs y sont à égalité, suivis de près par les néo-démocrates.

Richard Wallington, directeur au ministère de l’Enseignement supérieur

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Richard Wallington

« Si vous ne nous élisez pas, les conservateurs ne vont imposer aucune règle sur la vaccination au pays. » Pour M. Wallington, cela résume la position libérale. « C’est de la pure tactique de la peur », et il pense que « les libéraux abandonnent l’idée d’essayer d’influencer les conservateurs modérés et, à ce stade, ils essaient simplement de conserver leur base ». Il ajoute que « les libéraux qui présentent leur plan de campagne deux semaines avant les élections sont d’une stupéfiante négligence ». Dans sa circonscription au centre-ville, il a l’impression que le fait de « recycler un ancien candidat qui n’a pas très bien réussi la dernière fois, ça doit être décevant pour les partisans libéraux ».

Brett Bohaichuk, étudiant en histoire et membre de la première nation Athabasca Chipewyan

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Brett Bohaichuk

« La promesse des libéraux de consacrer 1 milliard de dollars à la restauration des lacs et des rivières du Canada ne pouvait pas tomber plus mal, croit Brett. Ce n’est qu’un exemple des libéraux qui essaient d’acheter le vote des Canadiens. » L’étudiant a apprécié la réaction du NPD qui a « souligné la contradiction de Trudeau, qui s’engage à nettoyer l’environnement, mais qui a acheté un pipeline ». Brett pense que « Trudeau semble miser sur l’électeur non informé ».

Summer Santiago, directrice exécutive et bénévole

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Summer Santiago

Elle a été choquée en entendant « le slogan du NPD à la radio selon lequel il veut faire payer l’élite et les riches ». « Comme si les riches étaient en faute », déplore-t-elle. Elle estime que le ton des messages « était désobligeant ». Mme Santiago croit que « c’est erroné » comme point de vue. « J’ai toujours pensé que la plateforme du NPD était pour le peuple. Pour le peuple signifie pour le peuple, pas seulement pour les pauvres ou la classe moyenne. »

Pamela Poch, coiffeuse indépendante

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Pamela Poch

« Le fait que Trudeau n’ait pas pu prendre la parole en raison du grand nombre de manifestants, ou que les médias se soient vraiment acharnés sur lui, c’est ce qu’il mérite », croit Mme Poch. Pamela estime que « tout le monde se demande pourquoi [Trudeau] a déclenché des élections ». La coiffeuse observe que « la popularité de [Trudeau] est en baisse. Cela pourrait très bien prouver qu’il s’est tiré une balle dans le pied ».

Port Moody-Coquitlam, Colombie-Britannique : en attente des débats

Austin Westphal est diplômé de l’École de journalisme, d’écriture et des médias de l’Université de Colombie-Britannique (UBC)

Les électeurs de cette circonscription en banlieue de Vancouver se préparent à suivre les débats des chefs des partis fédéraux les 8 et 9 septembre. Plus près de chez eux, la néo-démocrate Bonita Zarrillo, le libéral Will Davis et la conservatrice sortante Nelly Shin s’apprêtent à participer à un débat (virtuel) le 7 septembre. Ce sera pour les électeurs de ce champ de bataille chaudement disputé l’occasion d’entendre les candidats locaux discuter des questions qui comptent pour eux.

Laura Dick, coordonnatrice au développement d’entreprises

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Laura Dick

« Je pense que les trois principaux partis ont de bons et de mauvais jours. Mais je ne sais pas si quelqu’un est en train de gagner en ce moment, très franchement, analyse Laura Dick. Si vous êtes cynique, vous diriez que les libéraux auront perdu parce qu’ils voulaient aller chercher un gouvernement majoritaire. » Malgré les sondages montrant que les conservateurs ont une faible avance sur les libéraux, Mme Dick pense que le programme du Parti libéral en matière de logement peut influencer les électeurs néo-démocrates et conservateurs indécis. Elle reconnaît que les libéraux n’ont pas réussi à s’attaquer adéquatement à l’abordabilité du logement dans le passé, mais elle estime que le parti s’est finalement engagé à régler le problème.

Scott Place, musicien

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Scott Place

Ayant voté pour différents partis toute sa vie, Scott Place observe comment les candidats établissent des liens avec les indécis au cours de la troisième semaine de la campagne. « C’est à cela que se résument les élections – cette partie de la population qui est indécise. » Il prédit qu’Erin O’Toole et les conservateurs ne s’en sortiront pas si bien en raison du trop grand nombre de candidats antivaccination ou négationnistes du climat. Les libéraux ne sont pas assez concentrés sur leur campagne, pense M. Place. Jagmeet Singh et la candidate locale Bonita Zarrillo établissent de bons liens avec les électeurs de la circonscription et de la province. Mais en fin de compte, c’est le débat qui lui permettra de choisir pour qui voter. « Je vais chercher quelqu’un qui peut réfléchir et répondre aux questions et aux problèmes de manière réfléchie, dit-il. Mais en même temps, je veux voir les chefs de parti mettre en évidence ce que les autres partis ne font pas et sensibiliser à ces choses. »

Peter Struk, promoteur immobilier

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Peter Struk

Le passeport vaccinal est en train de devenir l’un des dossiers chauds des élections. Et il pourrait s’avérer un problème pour les conservateurs, pense-t-il. Alors que de plus en plus de provinces commencent à mettre en œuvre les passeports vaccinaux, il estime qu’une partie importante des électeurs conservateurs pourraient voter plutôt pour le Parti populaire du Canada. Néanmoins, l’offre de logement et l’abordabilité restent sa principale préoccupation. M. Struk est sceptique quant aux promesses électorales de tous les partis en matière de logement, il souhaite que des solutions immédiates et pratiques soient discutées au cours du débat. « Au Canada, nous avons non seulement une crise du logement, mais une crise urgente ! La situation est terrible pour les plus démunis. »

Colin Burton, travailleur en technologie et propriétaire

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Colin Burton

Colin Burton n’a d’yeux que pour le logement. Il aime la plateforme des libéraux, citant son équilibre entre l’augmentation de l’offre et l’amélioration de l’abordabilité. Il croit qu’elle est réalisable. « La plateforme libérale en matière de logement est beaucoup plus équilibrée, car elle touche les deux bouts, dit-il. Le NPD est loin d’avoir une offre suffisante et je pense que les conservateurs vont perpétuer la crise du logement. On doit mettre en place un système – pas seulement jeter de l’argent et réduire les impôts – mais réellement créer des moyens systématiques pour économiser et construire davantage. » M. Burton croit tout de même que les conservateurs ont encore un avantage en raison de la division habituellement importante des votes entre le Parti libéral et le NPD.