Mettez une fleur à votre canon. C'est le défi inusité qu'a lancé hier un électeur d'Ottawa aux cinq politiciens armés de phrases chocs et parés pour le combat qui participaient mercredi au débat en français.

Pierre-Paul Aveline a demandé aux chefs de laisser la partisannerie de côté pour un instant, le temps de faire un compliment à la personne assise à leur gauche. Le bloquiste Gilles Duceppe a ouvert le bal. Galanterie oblige, il a été invité à faire son compliment à la seule femme présente, le leader des verts Elizabeth May, dont il a souligné l'engagement envers l'environnement.

Mais c'est le chef libéral Stéphane Dion qui a remporté la palme du plus beau compliment. Il faut dire que de son propre aveu, il est toujours poli. «C'est ma maman qui m'a élevé comme ça», a-t-il précisé.

Et c'est son grand rival souverainiste qui en a bénéficié. Dans un petit mot bien tourné, il a insisté sur sa sincérité et son dévouement pour le Québec. «M. Duceppe, quand il est à son meilleur, a un sens de l'État.

«Ça, c'est très apprécié de ma part», a-t-il ajouté.

Pour sa part, M. Dion a eu droit aux fleurs de son rival néo-démocrate Jack Layton, dont la formation chauffe la sienne au Québec depuis le début de la campagne électorale. Plutôt que de revenir sur leurs différends, M. Layton a insisté sur leurs points communs. «C'est un professeur comme moi. Un homme honnête, intelligent», a-t-il fait valoir.

Son tour venu, le bon «Jack» en a eu pour son argent. Stephen Harper, avec qui il semble pourtant avoir fort peu d'atomes crochus, a en effet rappelé qu'ils avaient coopéré à plusieurs reprises lors de la dernière session parlementaire, notamment pour les excuses aux victimes des pensionnats indiens.

«Je trouve en général que malgré nos différences, vous êtes honnêtes envers le débat et je l'apprécie», a insisté M. Harper. Craignant sans doute que ce rapprochement momentané avec les conservateurs hérisse ses supporters, Jack Layton n'a toutefois pu s'empêcher de souligner que ces différences étaient «énormes».

La gentillesse de Stephen Harper n'a toutefois pas été payante. Après avoir envoyé une fleur, il a reçu le pot. Elizabeth May, qui devait lui faire un compliment, n'a pu faire mieux - après mûre réflexion - que le décrire comme «un bon père», dont les enfants sont «très charmants et très engagés».

«Je pense que vos efforts pour le pays du Canada sont basés sur vos principes mais évidemment je pense que vos principes vont changer le Canada dans une direction dangereuse», a-t-elle martelé.