Depuis la Berlinale en février dernier jusqu'aux 15es Sommets du cinéma d'animation, qui se sont terminés dimanche à la Cinémathèque québécoise, Vaysha l'aveugle, plus récent court métrage d'animation du Montréalais Theodore Ushev, en aura vu, du pays!

De Dresde à Melbourne en passant par Genève, le film, en lice pour un Oscar, n'en finit plus de voyager - et il a, jusqu'à maintenant, décroché une quinzaine de prix.

Ushev, qui accompagne souvent son film, est heureux de pouvoir se poser à Montréal pour venir le présenter ici. Et avancer son prochain projet dans son atelier de l'Office national du film, fidèle producteur avec qui il travaille depuis plusieurs années. Les détails en six mots.

Présent

Inspiré de la nouvelle de Georgi Gospodinov - un ami, dit le cinéaste -, Vaysha l'aveugle raconte l'histoire d'une fillette qui voit le passé de son oeil gauche et l'avenir de son oeil droit. «Le message est simple, lance Ushev. Nous sommes trop occupés à vivre dans le passé et l'avenir. On manque l'occasion de vivre nos journées, notre présent, avec plaisir.» Plus ancrée dans la réalité que certains de ses films précédents, l'oeuvre de huit minutes sera bientôt adaptée pour être présentée en réalité virtuelle.

Fontevraud

Les premières images du film rappellent certains paysages de Van Gogh peints dans le sud de la France. «En fait, dit Ushev, le projet s'est amorcé à l'abbaye de Fontevraud [Maine-et-Loire] où, grâce à une bourse, je suis allé écrire le scénario durant un mois. J'ai été saisi par la beauté du lieu, du paysage, de l'abbaye [vitraux, fresques] où a vécu Aliénor d'Aquitaine.» Et Van Gogh? «J'ai fait une cinquantaine de peintures durant mon séjour et j'ai été transporté dans un univers postimpressionniste à la Van Gogh et Cézanne», explique-t-il.

Dhavernas

La comédienne Caroline Dhavernas assure la narration hors champ, en français et en anglais, dans le film. «J'en ai discuté avec mon producteur Marc Bertrand, et le nom de Caroline revenait toujours à l'avant-plan, dit le réalisateur. Elle était disponible et s'est approprié parfaitement le rôle. Elle a un énorme talent. Je lui ai demandé de ne pas trop projeter, de faire comme si elle lisait un conte à des enfants. C'est cette retenue qui permet de faire ressortir l'émotion.»

Politique

On lui demande si cette oeuvre est sa plus politique, davantage que Gloria Victoria, par exemple. À la question, il s'esclaffe. «Évidemment qu'il y a une [dimension politique]. Dans le film, Vaysha voit un futur très sombre. Les gens me demandent pourquoi, et je leur réponds qu'ils n'ont qu'à regarder autour d'eux! Durant la préparation, en 2015, j'avais mis un dessin de Donald Trump et un autre de Poutine. Je les ai enlevés au montage, car ça rendait le message trop direct alors que je voulais que ce soit poétique. Plus les gens me parlent du film et plus je le trouve, oui, très politique.»

Constance

Depuis le début de sa carrière, M. Ushev a signé une quinzaine de courts métrages. Y a-t-il une constance? «Ce qui m'intéresse, c'est toujours le point de vue des petites gens. Des gens simples, seuls, pour qui on a de la compassion. Des victimes, en fait. Je n'aime pas faire des films sur des héros. Je préfère ceux qui se battent contre le système, les grandes idéologies, le temps, etc.»

Encaustique

Normalement, le cinéaste travaille avec des linogravures avant de transposer le tout sur ordinateur. Il innovera toutefois avec son prochain projet, Physique de la tristesse, en utilisant de la peinture à l'encaustique. «Ce fut la première technique utilisée pour des portraits, dit M. Ushev. Les Égyptiens s'en servaient pour peindre les visages des pharaons sur des sarcophages.» La cire d'abeille est à la base de cette technique. On la fait fondre avant de l'appliquer sur une toile. Une fois durcie, on la gratte ou on applique d'autres couches pour modifier l'image à volonté. «Ce sera un film de 30 minutes et ce sera la toute première fois que cette technique sera utilisée au cinéma», dit-il.