À l'origine d'À la croisée des mondes - La boussole d'or, une oeuvre fantastique remarquable de Philip Pullman. Le studio New Line a voulu porter à l'écran cet univers dense, riche et complexe. En faire un film, qui est devenu le plus coûteux de ses projets. Plus encore que la trilogie du Seigneur des Anneaux. Aux commandes de ce long métrage mettant entre autres en vedette Nicole Kidman et Daniel Craig, un jeune réalisateur appelé Chris Weitz. Son nom est associé à About À Boy et à American Pie. Bref, un défi tous azimuts les attendait. Tous. Producteur, réalisateur, acteurs. Sonia Sarfati les a rencontrés à Londres et raconte. À lire aujourd'hui et toute la semaine dans La Presse.

Il y a quelque chose de vertigineux à l'idée que la trilogie de Philip Pullman, «À la croisée des mondes», soit portée à l'écran. Quiconque a lu les romans sait à quel point ils sont complexes et jouent avec des sujets sensibles - en particulier celui de la relation entre religion et pouvoir. Combien, aussi, l'univers dans lequel évoluent les personnages est à la fois familier et dissemblable: on y croise des ours en armure doués de parole, des sorcières volantes et des daemons, représentation physique de l'âme des humains auxquels ils sont liés à la vie à la mort (voir encadré).

Ce qui n'a pas empêché New Line, le studio qui a produit Le Seigneur de Anneaux, de plonger dans l'aventure. D'y investir plus que dans tout autre projet auparavant: 150 millions de dollars (certains font même état de 205 millions) pour le premier des trois volets, La boussole d'or, alors que l'adaptation que Peter Jackson a faite de l'oeuvre de Tolkien a, elle, coûté 281 millions pour les trois films.

Pour mener ce paquebot géant, un réalisateur-scénariste qui n'a jamais tâté des grosses équipes, des effets spéciaux ni du fantastique. Chris Weitz, 38 ans, s'est fait connaître en réalisant, avec son frère Paul, la comédie American Pie et en faisant ses preuves en solo, mais avec un film intimiste, About a Boy.

Pourtant.

Il a réussi à convaincre New Line de lui confier les rênes du projet. Et est parvenu à s'entourer d'une distribution de rêve. Si le rôle principal est interprété par une jeune inconnue, Dakota Blue Richards, de très gros noms évoluent autour d'elle: Nicole Kidman, Daniel Craig, Eva Green et Sam Elliott. Et, pour créer le monde parallèle où se déroule l'action: aux effets spéciaux, Michael Fink (Blade Runner, X-Men); aux costumes, Ruth Myers (The Addams Family, L.A. Confidential); à la trame sonore, Alexandre Desplat (The Queen, The Painted Veil).

Autant de personnes que La Presse a rencontrées à Londres et qui, à la question: «Pourquoi?» ont eu une seule et même réponse: «Les romans de Philip Pullman. L'histoire m'a transporté (e).»

Cette histoire est celle de Lyra, 12 ans, orpheline au caractère bien trempé que son oncle, Lord Asriel (Daniel Craig), savant et explorateur, a confié aux soins des érudits du collège Jordan, à Oxford. Elle partage son quotidien avec le garçon de cuisine, Roger, les enfants des gitans et son daemon bien-aimé, Pantalaimon (voix de Freddie Highmore). Or, un jour, Roger est enlevé par une organisation mystérieuse qui kidnappe les enfants. On ne les revoit jamais par la suite.

Lyra, une précieuse boussole d'or dans son paquetage (voir encadré) part à la recherche de son copain. Une quête dangereuse qui la mènera jusque dans les Royaumes du Nord et qui, en route, la mettra en présence d'une femme mystérieuse, Mrs. Coulter (Nicole Kidman), d'un aéronaute américain (Sam Elliott), d'une reine sorcière (Eva Green), de l'ours en armure Iorek Byrnison (voix de Ian McKellen) et de bien des ennemis: Tartares, Samoyèdes, sorcières renégates et d'autres, plus sournois.

«Pour moi, explique Chris Weitz, c'est l'histoire très archétypale d'une fillette qui se donne la mission de faire quelque chose de très personnel - sauver son meilleur ami - et qui, lorsqu'elle atteint son but, a la chance de le sauver mais aussi de sauver son monde et, peut-être, tous les autres mondes qui existent en parallèle au sien.

Chris Weitz a découvert la trilogie de Philip Pullman quand il tournait About a Boy, sur le conseil d'un ami. «J'ai été renversé.» Au point d'écrire un document de 40 pages et de l'envoyer à la productrice Deborah Forte, chez New Line, qui possédait les droits d'adaptation. Il a ainsi vendu sa salade. Pour bientôt se dégonfler. À cause de Peter Jackson.

«Peter était en train de travailler sur King Kong et m'a invité à visiter sa compagnie d'effets spéciaux, en Nouvelle-Zélande, pour me donner une idée des possibilités qui s'offraient à moi. Son intention était bonne. Mais j'ai été terrifié», poursuit le réalisateur. Assez pour démissionner.

Mais il était hanté par le projet. À décidé d'y revenir. La porte était encore ouverte. Il y a consacré les trois dernières années. À appris beaucoup. «Entre autres, à faire la distinction entre les idées justifiées par la panique financière et celles qui viennent de gens ayant l'expérience de faire des films.»

À l'écriture comme à la réalisation, les choix ont été nombreux. Déchirants. Il fallait réduire un roman de 400 pages à un long métrage de moins de deux heures. D'où la décision, prise sur le tard, que le film se terminerait trois chapitres avant la fin du livre. Surprise pour ceux qui connaissent Les royaumes du Nord (titre du premier tome de la trilogie) et savent que les chapitres en question ont été tournés.

«Nous avons fait cela pour respecter l'intégrité de ces chapitres-là, qui sont très sombres, extrêmement troublants, qui abordent des questions fondamentales pour la suite des choses, explique le réalisateur. Il y avait là trop d'enjeux pour les livrer rapidement. Or, le film approchait déjà des deux heures.»

Il a donc été décidé de reporter ces scènes au début du deuxième film. «Je crois que c'était la meilleure chose à faire si l'on pense à ceux qui n'ont pas lu les romans», affirme Deborah Forte.

D'accord. Mais y aura-t-il un deuxième et un troisième films? La question se pose, à cause des sommes énormes mises en jeu. Et la réponse, tant de Chris Weitz que de Deborah Forte, demeure vague. Tout dépend du succès de La boussole d'or. Quant à savoir à combien ils évaluent le succès en question, c'est une autre paire de manches. Il faudrait un aléthiomètre, cette boussole d'or qui mesure la vérité, pour découvrir le chiffre qu'ils ont en tête.