Faubourg 36 est une production ambitieuse que Christophe Barratier a écrite en fonction de ses acteurs: Gérard Jugnot, Kad Merad et Clovis Cornillac. Le nouveau film du réalisateur des Choristes révèle aussi une nouvelle venue, Nora Arnezeder.

À quelques heures de la première mondiale de son nouveau film, Christophe Barratier affichait hier la confiance de ceux qui ont mis tous les efforts nécessaires pour offrir une oeuvre de qualité.

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«Après trois ans de travail, je suis content d'entrer enfin sur le ring! disait-il hier au cours d'une entrevue accordée à La Presse. Je trouve d'autant plus délicieux de commencer ce périple dans un endroit qui m'est familier. Les choristes avait clôturé le FFM il y a quatre ans. Nous sommes ici dans de bons sentiments, de bonnes zones. Cela fait du bien à l'âme!»

Après un succès comme celui qu'a connu son film précédent, Barratier sait fort bien qu'il est attendu au tournant, particulièrement chez lui. Aussi trouve-t-il agréable d'aller présenter son film à l'étranger avant d'aller affronter la «cage aux lions parisiens» à la fin du mois. «Cela dit, je suis optimiste, dit-il. Les premiers échos indiquent que même ceux qui, d'ordinaire, apprécient plus ou moins le genre de cinéma que je fais reconnaissent la qualité du travail. Le danger est de se laisser griser par le succès et de se croire infaillible. Pour éviter cela, j'ai redoublé d'efforts et j'ai essayé de grimper quelques marches de plus.»

Barratier a visiblement le goût du romanesque, le goût du grand cinéma populaire, et une filiation certaine avec l'approche «réaliste poétique» que prisaient les grands cinéastes français d'avant-guerre.

«J'ai toujours baigné là-dedans, explique-t-il. J'ai grandi dans un milieu très théâtral et j'ai toujours eu cette attirance pour les reconstitutions. J'adore l'histoire, les voyages dans le temps. J'aurais du mal à me distinguer en tant que cinéaste si je m'attardais aux petits désordres amoureux des jeunes quadras de ma génération. Je crois que je ne saurais pas faire. En revanche, il y a quelque chose d'un peu magique dès qu'on plonge un acteur dans une autre époque. Déjà, il se passe quelque chose.»

Acteurs en tête

Aussi Barratier a-t-il écrit son scénario en fonction des acteurs qu'il convoitait: Gérard Jugnot bien sûr, mais aussi Kad Merad, Clovis Cornillac, Pierre Richard et Bernard-Pierre Donnadieu.

«Je connais maintenant Gérard et Kad si intimement que je sais ce que je souhaite tirer d'eux. Quand j'écris, j'ai leurs musiques dans la tête, j'entends leurs voix. En revanche, je ne connaissais pas du tout Cornillac, mais j'ai vu tous ses films. Dans mon esprit, il est l'héritier de Jean Gabin. Il incarne l'aristocratie ouvrière.»

Un seul personnage a été inventé sans aucun point de repère. Il s'agit de Douce, seule protagoniste féminine de cette histoire campée à l'époque du Front populaire. Après avoir passé six mois à auditionner des dizaines d'actrices, Barratier a fixé son choix sur Nora Arnezeder, la première qu'il a rencontrée!

«J'étais certaine que c'était foutu! raconte l'actrice quand on lui demande de rappeler le fil des événements qui l'ont menée à tenir ce premier grand rôle. Je suis restée sans nouvelles tellement longtemps que j'avais décidé de mettre cet épisode derrière moi. Quand Christophe m'a finalement annoncé que j'avais décroché le rôle, je ne pouvais pratiquement plus aligner deux mots de façon cohérente!»

Nora Arnezeder, qui a accompagné le cinéaste pour ce passage montréalais, dit être bien consciente de sa chance, d'autant plus que le personnage allie ses deux passions: la chanson et la comédie.

«Je suis au départ une chanteuse de jazz et j'ai dû m'adapter au répertoire que j'avais à défendre dans ce film. J'ai eu droit à trois mois de préparation. Au cours de cette période, j'ai pu faire du chant, de la danse, de même que des lectures avec les autres comédiens. Mais malgré toute cette préparation, j'avoue avoir été impressionnée quand j'ai vu les vrais décors!»

Tourné presque entièrement à Prague dans un décor construit pour la circonstance, Faubourg 36 est un conte à saveur musicale inspiré d'un projet qu'avaient ébauché il y a 10 ans Reinhardt Wagner, Frank Thomas et Jean-Michel Derenne. Dotée d'un budget d'environ 30 millions d'euros (50 millions de dollars), cette production ambitieuse réunit quelques-uns des meilleurs artisans du domaine, dont le directeur photo Tom Stern, qui travaille notamment avec Clint Eastwood, et le chef décorateur Jean Rabasse, concepteur des décors de Love, le spectacle du Cirque du Soleil que Dominic Champagne a mis en scène à Las Vegas.

«Après Les choristes, j'ai reçu plusieurs propositions, dont certaines en provenance des États-Unis, fait remarquer Barratier. Je les ai toutes refusées - ce n'était pas toujours facile - car je trouvais essentiel de faire un cinéma qui me ressemble. Cela dit, je me sentais quand même une obligation d'universalité. Et je ne veux pas dire par là l'obligation de faire un film «international». Au contraire, on n'est jamais plus «international» que lorsque l'on reste bien français. Le fabuleux destin d'Amélie Poulain, Les choristes ou La môme (La vie en rose) en sont les exemples les plus éloquents.»

Faubourg 36
est présenté aujourd'hui à 14h au Cinéma Impérial et prendra l'affiche en salle le 3 octobre.