Dans l'histoire du cinéma, la Deuxième Guerre mondiale a de loin été plus attrayante que la Première. Avec Passchendaele, l'acteur et réalisateur Paul Gross a néanmoins décidé de mettre au jour la participation des Canadiens aux sanglants combats menés de 1914 à 1918.

À 15 ans, Paul Gross pêchait avec son grand-père quand l'activité s'est transformée en un après-midi de confidences. Pour la première fois, Michael Dunne acceptait de relater à son petit-fils son séjour au front comme soldat, de 1915 à 1918. «Grand-papa, as-tu tué des Allemands?» lui demandait depuis toujours Paul Gross. «Mon grand-père m'a alors raconté que les trois premiers jours au front, il ne souhaitait que tuer des ennemis. Mais que très vite, tout ce qui a compté c'était de sauver sa peau pour revoir ma grand-mère.»

Le récit s'était longtemps fait attendre. «Mon grand-père a été blessé trois fois pendant la guerre, mais il n'en parlait pas. Il a vécu une vie normale avec ma grand-mère et ses cinq filles.»
Cela dit, son grand-père a tué. Un jour, alors qu'il se trouvait au nord de la France, sa patrouille est tombée sur des troupes allemandes réfugiées dans les ruines d'une église. Quand tous ses collègues soldats ont perdu la vie, il s'est avancé vers l'église où il ne restait plus qu'un seul ennemi: un jeune soldat qui lui a tendu la main. Michael Dunne lui a alors asséné un coup de baïonnette sur la tête.

Ainsi débute d'ailleurs Passchendaele, un film à grand déploiement qui, sans être biographique, s'inspire des récits de Michael Dunne. Le long métrage s'attarde sur une bataille menée en Belgique qui s'est étirée des mois, remportée par les Canadiens, mais qui a fait de nombreuses victimes.

Un rare film sur la Première Guerre

Un film sur la Première Guerre mondiale? Une rareté quand on pense au nombre d'oeuvres sur les guerres de 39-45 et du Vietnam. «Je ne sais pas pourquoi on en parle moins, dit Paul Gross. Pourtant, cette guerre a transformé la médecine, la science, les façons de combattre et de gouverner.

Passchendale relate un difficile épisode de la Grande Guerre mené sur un territoire imbibé d'eau, dans lequel se sont embourbés et noyés bon nombre de soldats avant même d'apercevoir l'ennemi. Paul Gross y tient le rôle principal: celui d'un soldat de Calgary blessé, mais qui repartira au front pour protéger le frère de celle qu'il aime, une infirmière incarnée par Caroline Dhavernas. «Les trois premiers jours de tournage (dans une réserve indienne albertaine), il pleuvait et on pataugeait dans la boue, relate l'actrice. C'était exigeant, mais ce n'est rien quand on pense aux gens qui ont combattu.»

Caroline Dhavernas est sortie du tournage avec plusieurs questions en tête. «L'histoire du sacrifice m'a fait réfléchir, dit-elle. D'où vient ce besoin de donner sa vie pour une cause? Il y a quelque chose de très beau que je ne comprends pas.

Pour le meilleur et pour le pire, son personnage tombera amoureux de celui de Paul Gross... impliqué à tous les instants sur le plateau. «Je suis fou! lance-t-il. Pour le rôle principal, j'ai pris contact avec deux acteurs canadiens qui font carrière à Hollywood, mais ils n'étaient pas disponibles. Je me suis alors dit que je pourrais aussi jouer puisque j'étais celui qui connaissait le mieux le projet.»

Avant le premier tour de manivelle, Paul Gross avait déjà consacré des années à trouver le financement du film au budget de 20 millions. «Sur le plateau, il n'y a pas un jour où je ne me suis pas dit: j'en prendrais 80 millions de plus! Mais l'histoire du cinéma canadien est basée sur des tournées de festivals. Une façon de faire qui favorise davantage la production de films d'auteur.»

Ce film était nécessaire aux yeux Paul Gross. «J'ai constaté l'ampleur du projet en arrivant à Calgary et en voyant le champ de bataille, se rappelle Caroline Dhavernas. Je m'en suis alors mis beaucoup sur les épaules, car je voulais répondre aux attentes de Paul. Il a souhaité raconter cette histoire toute sa vie.»

Passchendaele prend l'affiche le 17 octobre.