Mauvaises graines, ils ont grandi trop vite, sont mal élevés, dit-on. Apathiques, apolitiques, incultes, craint-on. Loin des habituelles complaintes suscitées par les adolescents, Henry Bernadet et Myriam Verreault tracent avec À l'ouest de Pluton, le portrait d'un âge tendre et con à la fois.

À l'origine de Pluton, l'envie des réalisateurs de revenir sur une période «intense et cruelle» de la vie de tout un chacun: l'adolescence, à qui l'on doit de vraies perles (on pense au Péril jeune, à L'esquive), mais aussi bon nombre de navets (À vos marques... Party!, pour n'en citer qu'un).

 

«Au Québec, Jutra, Groulx ont touché à l'adolescence. Mais après eux, on dirait que l'adolescent n'a été incarné que par des acteurs professionnels. Or, on ne reconnaît pas des ados dans des acteurs de 25 ans. Ce n'est pas ce qu'on voulait faire. On voulait prendre leur langage à eux, corporel et verbal», dit Myriam Verreault.

Premier bon point pour À l'ouest de Pluton: les adolescents sont joués par de vrais adolescents, recrutés à même l'école secondaire de Loretteville, dans la banlieue de Québec. Deuxième bon point: tous sont amateurs, et aucun n'est un ex-enfant-acteur ou futur professionnel.

«On voulait qu'il y ait une rencontre sur les adolescents d'aujourd'hui. Est-ce que ça a changé depuis notre temps? Pour faire ça, on a travaillé sur plusieurs mois, on faisait des ateliers avec eux. On essayait de faire le scénario, de leur donner des thèmes, d'improviser là-dessus», explique Henry Bernadet.

Le film s'attarde sur quelques-uns des nombreux déboires qui jalonnent la vie d'un adolescent sur une période de 24 h. L'engueulade en famille, les sournoiseries fraternelles, les partys qui tournent au pillage ou à l'invasion de domicile. La première brosse, les premiers pleurs, mais aussi l'incontournable - et tout à fait oubliable ici - première fois.

Ces thèmes ont émergé lors des ateliers organisés avec les ados. Les réalisateurs-scénaristes ont dû décliner, par souci de réalisme, les propositions des comédiens qui souhaitaient ajouter un kidnapping au scénario. «Souvent, il fallait les convaincre que leur vie peut être intéressante», s'amuse Myriam Verreault. «Ce n'est pas un film axé sur la narrativité. Il n'y a pas de suspense. L'intérêt est dans les conversations», renchérit Henry Bernadet.

En donnant carte blanche aux jeunes interprètes pour dire leurs textes, Henry Bernadet et Myriam Verreault ont réussi à capter le parler ado, dans toute sa spontanéité et dans toute sa verve poétique. Ainsi, l'un des jeunes personnages se lance dans un numéro de séduction en flattant l'ego de sa belle non pas d'un «t'as de beaux yeux» mais d'un «t'as de beaux cheveux».

«On a toujours l'impression que c'est très spontané, même s'il y a une mise en scène. On leur suggérait des choses à dire, mais on ne voulait pas les emprisonner dans un texte. On a essayé, mais on sentait que ça sonnait faux. On voulait leur laisser la liberté de pouvoir s'exprimer comme ils veulent», explique Myriam Verreault.

Comme leurs personnages, Myriam Verreault et Hebry Bernadet ont grandi à Loretteville, dans une banlieue très uniformément blanche. La banlieue ne suscite pourtant ni railleries ni condescendance de leur part. «On l'a filmée d'une façon affectueuse. On ne voulait pas montrer le côté plate. C'est vivant, quand même. La banlieue, c'est pas juste un mononcle qui passe la tondeuse», explique Henry Bernadet.

L'infiniment petit - le quotidien scolaire des ados, filmé de façon quasi documentaire - est, dans le film, opposé aux séquences oniriques, inspirées par le décor, certes, mais inscrivant l'histoire dans l'infiniment grand (le cosmos, le système solaire et sa planète déchue, Pluton). «Cela suggère un aspect plus intérieur, existentiel, des personnages», croit Bernadet.

Les petites révolutions adolescentes ont amené Bernadet et Verreault à faire la leur. Producteurs, réalisateurs et scénaristes d'un projet qu'ils ont commencé à tourner avec 12 000 $ et de l'équipement professionnel prêté, ils ont reçu l'appui des institutions et d'un distributeur (Séville) seulement en post-production. À l'ouest de Pluton les aura tout de même occupés trois ans. «On peut nous reprocher plein de choses, mais pas de ne pas avoir la foi», constate, amusée, Myriam Verreault.

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À l'ouest de Pluton prend l'affiche aujourd'hui.