De l’emblème touristique canadien par excellence, les chutes du Niagara, Oscar Wilde disait qu’elles constituent la deuxième plus grande déception des jeunes mariées.

Dans Heaven on Earth, l’arrivée de Chand aux chutes marque aussi le début des déceptions et des violences conjugales, un point de non retour.
Incarnée par l’une des étoiles de Bollywood, Prety Zinta, Chand est une jeune femme tout récemment arrivée au Canada pour y rencontrer son mari, Rocky (Vansh Bhadrwaj). Ses rêves et espoirs se briseront vite au contact de la dure réalité de la vie de Rocky. Avec ses parents, sa sœur, son beau-frère et leurs enfants sur les bras, Rocky est vite exaspéré par la venue de sa jeune épouse.

«Ce film parle d’isolement. Il faut voir aussi l’extérieur de Toronto. Chaque banlieue est faite pour les Chinois, les Indiens», faisait remarquer la réalisatrice, scénariste et productrice, lors de son passage à Montréal pour le Festival du nouveau cinéma.

Ce n’est pas la première fois que Deepa Mehta s’attaque à un sujet délicat. Dans son premier long métrage, Fire, Deepa Mehta se penchait sur l’homosexualité féminine en Inde, Earth racontait la partition et Water, le sort des veuves dans la culture hindoue. La violence conjugale avait déjà fait l’objet d’un documentaire, Let’s Talk About It.

«Le documentaire est très différent, explique Deepa Mehta. On y parlait effectivement de violence familiale, mais c’était davantage un film sur la façon dont les enfants qui en sont victimes regardent leur vie. Ici, le film porte sur l’imagination, et aussi sur ce que c’est que d’être un immigré.»

Deepa Mehta se défend d’avoir voulu, avec Heaven on Earth, forcer le trait sur les conditions de vie des immigrés. Au contraire : « Il y a cette arrogance dans les pays démocratiques, cette arrogance selon laquelle tout est meilleur. Je crois sincèrement que parfois la vie est meilleure, mais que parfois elle est plus dure, surtout pour ceux qui se retrouvent coupés de tout. »

Prisonnière de sa vie nouvelle au Canada, Chand va trouver refuge dans son imagination, et rappelle dans son quotidien un conte populaire hindou. Un cobra fait son apparition à Brampton, et c’est tout le quotidien qui prend une nouvelle saveur. «Dans toutes les cultures, se trouve le mythe de la belle et de la bête, d’une jeune femme et d’un animal. Pour moi, c’est quelque chose de très intéressant», dit Deepa Mehta.

«Quand tu quittes ton pays, tu emmènes avec toi tes histoires», estime la réalisatrice. Dans Heaven on Earth, les parents de Rocky se montrent très traditionalistes, tout comme Chand et Rocky. Les jeunes enfants de la famille, nés au Canada, rejettent, eux, ce qui leur parait être des archaïsmes. «Pour la troisième génération, quelque chose se perd», dit Deepa Mehta.

Heaven on Earth a pris l’affiche en version originale anglaise seulement à Montréal.