Emmenez dix scénaristes américains de renom sur l'île du comte de Monte-Cristo, au large de Marseille, laissez courir leur imagination et naîtront des idées d'histoires d'amour, de fantômes, de capitaine maudit ou de prisonniers à Guantanamo.

Mercredi matin, le bateau Chevalier Paul dépose dix Américains travaillant pour les plus grands studios de cinéma au Château d'If, un îlot rocheux inhabité et battu par les vents, à vingt minutes de la deuxième ville de France.

Parmi eux, John August, scénariste de Tim Burton (Charlie et la chocolaterie), Michael Brandt (2 Fast 2 Furious), Edward Neumeier (Robocop) et Duncan Tucker (Transamerica).

Déterminé à attirer davantage de metteurs en scène américains sur le sol français, Film France, organisme de promotion des tournages, a emmené leurs scénaristes découvrir des «lieux à fort potentiel dramatique» à Paris et Marseille en espérant qu'ils s'en inspirent dans de futurs longs métrages.

Alors que les vagues s'écrasent sur les rochers, les dix heureux élus s'engouffrent dans la forteresse du XVIe siècle rendue célèbre par le roman d'Alexandre Dumas, Le comte de Monte-Cristo.

«Comme vous, Alexandre Dumas est venu à Marseille et a décidé ensuite d'utiliser ce lieu pour le comte de Monte-Cristo», rappelle un des guides.

C'est en effet au Château d'If, construit en 1531 par le roi François 1er que le héros de Dumas, Edmond Dantes, fut enfermé durant 14 ans sous de fausses accusations avant de prendre sa revanche sous le nom du comte de Monte-Cristo.

«Cette histoire fictive et légendaire reste plus forte que l'histoire réelle du lieu», remarque une des guides.

Mais le Château d'If a réellement accueilli des prisonniers au destin singulier. Comme en 1720, ce capitaine, Jean-Baptiste Chataud, à qui des officiels assoiffés de profit, ordonnèrent de décharger des marchandises de valeur transportées dans son navire pourtant touché par la peste. La France fut contaminée et les officiels firent emprisonner le capitaine au château d'If durant trois ans.

«Cette histoire de peste serait un bon départ de scénario. Il faut penser à quelque chose de totalement différent de Monte-Cristo», remarque Michael Brandt, avouant «se sentir comme un enfant» en déambulant dans les anciens cachots, les tours de garde et les salles voûtées.

Dans ce lieu «fascinant» où personne n'a le droit de rester la nuit, John August imaginerait une histoire de fantÈmes ou celle de «deux guides qui tombent amoureux et se retrouvent coincés une nuit». Avec une intrusion de l'univers du fantastique si cher à Tim Burton. «On doit penser à ce qui pourrait se passer» dans un tel endroit et non à ce qui s'est passé, dit-il.

Duncan Tucker pencherait aussi pour une nuit au Château d'If. «Pourquoi pas une touriste qui oublierait ses lunettes, revient les chercher et reste coincée, car le dernier bateau part sans elle», durant plusieurs jours à cause de la tempête.

Tous deux ne rejettent pas l'idée d'un Comte de Monte-Cristo revisité: à Guantanamo ou à la manière de V de Vendetta.

«Ces images devront vieillir dans mon esprit, un peu comme le vin», dit M. Tucker. «Il faudra peut-être cinq ans pour retrouver des éléments dans un de mes scénarios», dit M. Brandt.

Marseille attend donc avec espoir. En 2007, le seul tournage hollywoodien dans la ville, The Traitor, qui doit sortir d'ici début 2009, avait généré des retombées estimées entre 1,6 et 1,8 million d'euros en sept jours de tournage.