Le cinéma autrichien, déjà à l'honneur avec l'Oscar 2008 du meilleur film étranger, continue de connaître un état de grâce avec l'attribution dimanche à Cannes de la Palme d'or au réalisateur Michael Haneke et le prix de la meilleure interprétation masculine à Christoph Waltz.

«L'état de grâce du cinéma autrichien continue avec ce nouveau triomphe», s'est félicité la ministre de la Culture, Claudia Schmied dès l'annonce de la Palme d'or dimanche soir.

«Le cinéma autrichien atteint un nouveau sommet sur sa vague de succès», a renchéri lundi Roland Teichmann, directeur de l'Institut autrichien du film.

Historiquement considéré comme un nain cinématographique, dont les stars - comme le réalisateur Billy Wilder ou l'actrice Romy Schneider - devaient chercher à l'étranger les clés du succès, le cinéma autrichien a attendu longtemps d'atteindre à la reconnaissance internationale.

Avec la récompense suprême pour Haneke pour Le ruban blanc à Cannes, un an après l'Oscar de Stefan Ruzowitsky pour Les faussaires, c'est chose faite. Jamais l'Autriche n'avait auparavant engrangé de tels prix.

Déjà primé deux fois à Cannes, avec le Prix de la mise en scène pour Caché en 2005 et le Grand Prix en 2001 pour La pianiste, assorti notamment du prix d'interprétation à Isabelle Huppert, présidente du jury cannois cette année, Haneke, 67 ans, avait prévenu viser cette fois le sommet: «Soit la Palme, soit rien - les autres prix ne sont que des accessits», avait-il déclaré à la presse autrichienne avant le festival.

Pour Roland Teichmann, l'Autriche recueille les fruits d'une politique plus volontariste de soutien au cinéma engagée dans les années 1990.

Celle-ci a notamment permis l'éclosion d'une nouvelle génération de réalisateurs, primés de Venise à Berlin, tels que Götz Spielmann, nominé aux Oscars 2009 du meilleur film étranger pour Revanche, ou encore les documentaristes Hubert Sauper (Le cauchemar de Darwin) et Erwin Wagenhofer (We feed the world, Let's make money).

Coproduction germano-austro-française, Le ruban blanc a lui aussi bénéficié d'un financement de la télévision publique ORF. Mais cet essor reste fragile, selon l'Institut autrichien du film.

L'Oscar des Faussaires avait amené le ministère de la Culture à porter à 20 millions d'euros cette année, contre 15,5 millions en 2008, la dotation de l'institut. Mais l'ORF, elle, en proie à de fortes difficultés financières, envisage de se désengager de la production cinématographique, à laquelle elle consacrait jusqu'à présent 5,9 millions d'euros par an.

«Sans subventions et partenaires fiables, le succès du cinéma autrichien, qui est aujourd'hui plus performant que jamais, ne pourra être pérennisé. C'est précisément maintenant qu'il faut continuer à investir, à tous les niveaux, dans le succès», prévient M. Teichmann.

Le vice-chancelier Josef Pröll s'est toutefois voulu rassurant, soulignant que les récompenses cannoises étaient «la preuve que l'industrie autrichienne du cinéma est un secteur d'avenir avec un grand potentiel».

Mais le cinéma autrichien souffre aussi du désintérêt d'un marché national dominé par les superproductions américaines. En 2008, malgré le sacre des Faussaires qui avait attiré 176 000 spectateurs, seuls 7 % des cinéphiles autrichiens sont allés voir des productions nationales. Un an plus tôt, ils étaient trois fois moins.

Fait révélateur: les deux héros autrichiens de Cannes-2009 vivent la plupart du temps hors d'Autriche: Haneke à Paris et Christoph Waltz à Londres. Primé pour son rôle d'officier SS suave et cruel dans Inglourious Basterds, de l'Américain Quentin Tarantino, l'acteur de 52 ans a effectué quasiment toute sa carrière à l'étranger et n'était pas connu dans son pays avant sa consécration.