Le réalisateur serbe Emir Kusturica a réuni cette semaine, dans son petit village perdu dans les collines du sud-ouest de la Serbie, quelques grandes personnalités du cinéma, dont l'acteur américain Johnny Depp, pour y rencontrer de jeunes réalisateurs de demain.


C'est la troisième année consécutive qu'Emir Kusturica, Palme d'or à Cannes à deux reprises, organise son «Festival international de cinéma et de musique», une manifestation qu'il veut conviviale et où des pointures du cinéma peuvent discuter et échanger avec de futurs metteurs en scène.


Jim Jarmusch avait été l'année dernière l'invité d'honneur de Kusturica.


Et puis il y a aussi la musique, avec concerts et réjouissances tous les soirs. Emir Kusturica dirige lui-même une formation de rock.


«La formule est magnifique, car il y a un lien entre le futur et le présent» du cinéma, résume un invité de la communauté cinématographique, en vantant «l'ouverture et la disponibilité des gens. On se rencontre et on voit des films».


«C'est très bien de se retrouver comme cela entre gens du métier, pour parler du métier» dans un festival «sans protocole», confirme à l'AFP la présidente du jury, Marjane Satrapi, co-réalisatrice du film d'animation Persépolis.


Elle est encore toute étonnée de se retrouver dans cet endroit improbable, non loin de la frontière avec la Bosnie: un village de maisons traditionnelles en bois, avec une petite chapelle, qu'Emir Kusturica a fait construire pour les besoins de son film, La vie est un miracle (2004). Le cinéaste réside là, quand les nécessités du métier ne l'obligent pas à parcourir le monde.


En arrivant sur place, après cinq heures de route depuis Belgrade, «vous ne savez pas exactement où vous êtes», dit-elle amusée.


«Dans un festival normal, vous n'avez jamais le temps de rencontrer les gens... Il y a tout le temps des gens derrière vous. On est toujours en train de poser, de se donner un rôle. Il faut que l'on ait l'air intelligent, il faut que l'on soit bien coiffé, il faut que l'on soit beau, il faut que l'on soit tout!», poursuit la jeune femme française d'origine iranienne, qui prépare un film «sur une histoire d'amour qui finit mal, comme toutes les vraies histoires d'amour».


Il va lui falloir départager 29 courts métrages de jeunes auteurs venus du monde entier pour la remise des prix, mardi prochain.


L'image est insolite: Johnny Depp, l'acteur à la réputation mondiale, quitte le chalet en bois où il a été l'hôte d'Emir Kusturica après avoir célébré tard dans la nuit la fête du Nouvel an orthodoxe. Il va rencontrer des étudiants et se fraie difficilement un chemin, aidé de ses gardes du corps, tant les admirateurs et admiratrices se pressent sur son passage.


Des journalistes ont fait aussi le voyage et attendent impatiemment la conférence de presse de la star, qui répond volontiers et avec aisance à des questions plus ou moins saugrenues.


Il se déclare «très impressionné» par ce rassemblement dans le fin fond de la Serbie et les possibilités de pouvoir «y rencontrer des gens», tandis qu'Emir Kusturica souhaite que son Festival conserve une dimension raisonnable, propice à la proximité. Il le veut uniquement consacré au «cinéma, à la musique et à la vie», loin de ces «blockbusters qui polluent l'esprit».


Johnny Depp s'apprête à jouer de nouveau dans un film d'Emir Kusturica, consacré au révolutionnaire mexicain Pancho Villa.


Et l'acteur américain ne peut échapper bien sûr à la question de savoir ce que lui inspire son étiquette d'«homme le plus sexy» de la planète selon le magazine People. «Cela me déconcerte au-delà de toute expression. Je ne sais pas comment réagir. Quand on me l'a dit, j'ai cru que c'était une plaisanterie!».