«Les ours aiment le miel!». Ainsi s’est exclamé l’un des artisans du film turc BalHoney), lauréat de l’Ours d’or de la 60e Berlinale.

>>>Lisez le blogue de notre envoyé spécial à Berlin, Marc-André Lussier.

Le jury, présidé par le cinéaste Werner Herzog a été touché par ce drame sur l’enfance.

Il est vrai que ce dernier volet d’une trilogie du cinéaste turc Semih Kaplanoglu, séduit par la rigueur de la mise en scène et la composition de ses images.

Le récit initiatique de ce petit garçon s’inventant un monde à l’intérieur d’une forêt a beau distiller un indéniable charme, peu d’observateurs le voyaient décrocher la récompense suprême.

Un peu comme l’an dernier, le jury a préféré mettre en valeur des cinéastes moins connus plutôt que des auteurs confirmés. Parmi les vétérans, seul Roman Polanski a été cité au palmarès, son thriller The Ghost Writer lui valant l’ours d’argent de la meilleure réalisation.

Le producteur Alain Sarde, qui est monté sur la scène du Berlinale Palast pour aller chercher le prix au nom du cinéaste, a évidemment regretté l’absence de ce dernier, assigné à résidence dans son chalet en Suisse. «Il m’a dit que même s’il en avait eu l’autorisation, il ne serait pas venu de toute façon parce que la dernière fois où il s’est présenté dans un festival, il a fini en prison!»

Tiré d’un roman à connotation politique qu’a publié Robert Harris il y a quelques années, The Ghost Writer est un thriller dans lequel Ewan McGregor incarne un auteur embauché pour coucher sur papier les mémoires d’un ancien premier ministre britannique (Pierce Brosnan), à la retraite depuis peu. La situation se corse quand le jeune homme découvre qu’un autre auteur fantôme, embauché pour exercer la même fonction, est mort dans des circonstances pour le moins nébuleuses.

Le film de Polanski prendra l’affiche le 19 mars au Québec.

L’autre grand gagnant de la soirée est le jeune cinéaste roumain Florin Serban. Son premier film, If I Want to Whistle, I Whistle a non seulement obtenu le grand prix du jury, mais aussi le prix Alfred-Bauer remis au film le plus novateur. Fort mérités. Serban propose en effet un film cru et foncièrement humain. Où les sentiments primaires s’expriment brutalement par des jeunes gens «poqués» par la vie. On y raconte l’histoire d’un adolescent qui, cinq jours avant sa sortie d’un centre de détention, prend une visiteuse en otage afin de régler des comptes avec sa (jeune) mère, pratiquement absente de sa vie.

Pour donner au récit des accents de vérité, le cinéaste a recruté ses acteurs parmi les détenus d’un vrai centre pour délinquants. George Pistereanu, dont il s’agit d’un tout premier rôle, crève l’écran. La scène où le jeune homme confronte sa mère est saisissante de réalisme. La mise en scène est à l’avenant : toujours nerveuse, sur le fil du rasoir, mais jamais racoleuse. Avec ces récompenses, le jeune cinéma roumain confirme son ascension.

Kak Ya Provel Etim Letom (How I Ended this Summer), première entrée russe en compétition depuis cinq ans, repart aussi avec deux distinctions. Le film d’Alexei Popogrebsky a valu à ses remarquables deux interprètes, Grigory Dobrygin et Sergei Puskepalis, un prix d’interprétation ex-aequo.

Pavel Kostomarov, qui signe des images d’une beauté âpre, a reçu de son côté le prix de la meilleure contribution artistique. Rappelons que le récit de How I Ended this Summer se déroule sur une base russe dans l’Arctique. Deux hommes s’y retrouvent complètement isolés, mis à part les communications – difficiles – par radio. Une nouvelle tragique survient dans la famille de l’un, que l’autre décide ne pas relayer. Un huis clos étouffant, campé dans l’immensité d’un territoire sans repères. Il ne serait pas étonnant que ce film connaisse une belle carrière sur le circuit des festivals.

Le prix d’interprétation féminine à par ailleurs été remis à l’actrice japonaise Shinobu Terajima, vedette de Caterpillar. Réalisé par le vétéran cinéaste Koji Wakamatsu (United Red Army), Caterpillar est un conte cruel dans lequel un soldat revenu de la guerre complètement mutilé – nous sommes en 1940 – doit réapprendre à vivre sous de nouvelles bases auprès de sa femme. Leur histoire commune comportant une bonne part de zones d’ombres, leurs «scènes de la vie conjugale» sont, dans ce contexte, particulièrement dures. Et aussi, parfois, poignantes.

Wang Quan’an, qui a déjà reçu à Berlin l’Ours d’or il y a trois ans grâce à Tuya’s Marriage, a reçu cette fois le prix du meilleur scénario avec son film Tuan Yuan (Apart Together).

Présenté lors de la soirée d’ouverture, ce drame relate l’histoire d’un homme d’âge mûr retournant à Shanghai plus de 50 ans après avoir été forcé à l’exil à Taïwan. La femme qu’il devait épouser à l’époque ayant refait sa vie, il faut désormais gérer des sentiments jamais effacés.

Ce long métrage est ponctué de beaux moments d’émotion pudique mais ne se distingue pas particulièrement par son écriture…

Qu’à cela ne tienne, le jury est parvenu à composer un palmarès cohérent, même si aucun titre ne se démarquait vraiment dans la compétition.