Tout oppose Viviane et Guillaume, personnages principaux de Tromper le silence, film présenté aujourd'hui en compétition mondiale au Festival des films du monde. Or, sous la surface, ces deux êtres ont un dénominateur commun: des blessures familiales. Comment jouer, exprimer, révéler un tel état avec une économie de mots? La Presse en a parlé avec Suzanne Clément et Maxime Dumontier.

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Il y a quelque chose de métaphorique dans le fait que Viviane, personnage principal du film Tromper le silence, utilise un appareil à pellicule pour photographier Guillaume, jeune homme plein de secrets. Comme avec la pellicule, tout n'est pas dit, révélé, déballé le temps d'un clic.

Dans ce film de Julie Hivon, presque tout passe dans le regard, l'attitude, le non-dit. Le vécu de Viviane et de Guillaume est tissé de zones d'ombres, de contre-jour. Ils ont peu de mots pour exprimer leurs maux. Rien ne se révèle trop vite.

Sans cette opacité planant sur tout le film, le résultat serait loin d'être le même, croient Suzanne Clément (Viviane) et Maxime Dumontier (Guillaume).

«Les deux personnages sont des êtres qui se protègent. Ils ont une grosse faille. Ils ont une grande sensibilité, une grande vulnérabilité qui est cachée et qui se révèle tranquillement à travers le film, analyse Suzanne Clément. J'aimais cette lente progression vers l'ouverture à l'autre. En ce sens, le film a une finesse dans l'écriture.»

Entre Viviane et Maxime, il y a une ambiguïté constante. La relation est indéfinissable et le restera. Cette ambiguïté peut déstabiliser et la comédienne le reconnaît d'elle-même. Mais si le spectateur accepte de ne pas voir toutes les coutures au premier coup d'oeil, le résultat est emballant.

«Parfois, je lisais le scénario et je me disais qu'il était parfait, super bien ficelé, poursuit Suzanne Clément. Et parfois, je me disais qu'il manquait quelque chose. Il fallait accepter cela. Comme spectatrice, j'aime quand je ne sais pas où la relation s'en va. Un des films de ce genre que j'ai beaucoup aimé est Sur mes lèvres de Jacques Audiard avec Vincent Cassel et Emmanuelle Devos. Tout le long, on ne sait pas...»

Sonner vrai

À 21 ans, Maxime Dumontier partage des réflexions pleines de maturité sur son rôle. Lorsqu'on lui suggère qu'il est sans doute plus facile de définir un personnage en disant plein de choses, il réplique qu'au contraire, ce sont les silences qui donnent toute la consistance de Guillaume.

«J'aime quand il y a peu de paroles, dit-il. Plus on en dit et moins ça devient intrigant, moins il y a de surprises. Lorsqu'on en dit moins, il y a plus de place pour comprendre des choses, voir des doubles sens, etc.»

Celui qui incarnait Josh dans Tout est parfait se définit comme une personne à l'opposé de Guillaume. «Je ne suis pas torturé et je ne fais pas de mauvais coups», lance-t-il en riant. Par contre, il est carrément «tombé amoureux» de Guillaume, au point d'avoir eu de la difficulté à s'en détacher.

«Lorsque j'ai reçu le scénario avant les auditions, je me suis dit: «Je veux faire ce rôle-là.» Je voulais être ce gars-là, raconte Dumontier. J'ai été attiré par son espèce de liberté, d'arrogance. Il m'a vraiment intrigué.»

Suzanne Clément a vu en Dumontier l'intériorité nécessaire pour donner vie à Guillaume. «Il y avait quelque chose dans la retenue, dit-elle. Dans Tout est parfait, c'est déjà là. Tu sens que c'est quelqu'un qui est en ébullition mais qui ne montre rien.»

Avec la réalisatrice, les deux comédiens ont minutieusement défini et préparé la courbe dramatique de leurs rôles.

«Ce sont des personnages complètement différents, qui n'ont pas vécu la même chose mais qui se rejoignent dans le fait qu'ils ont un secret, dit Maxime Dumontier. Ils ne savent pas comment vivre avec ça et ils font des choix un peu étranges.»

On peut penser que Viviane a un côté très voyeur derrière l'appareil photo. Mais cet objet sert également à communiquer. «L'appareil est une façon de se protéger, mais aussi d'entrer en contact avec quelqu'un, rappelle-t-elle. Avec un appareil photo, tu as une raison d'aller beaucoup plus près physiquement de quelqu'un et de t'ouvrir à cette personne. Tu as un intermédiaire. C'est un pont entre deux personnes.»

La photo est tout autant une autre façon de voir le monde. Suzanne Clément l'a constaté, elle qui s'est acheté un appareil durant le tournage du film.

«Je me suis découvert un regard, dit-elle dans un registre plus léger. Je ne savais pas que j'avais un regard photographique, une vision à moi.»