Le cinéaste iranien Jafar Panahi, proche de l’opposition, a été condamné à 6 ans de prison, et la justice lui a interdit de réaliser des films ou de quitter le pays pendant les 20 prochaines années, une décision qui a provoqué la mobilisation du monde du cinéma, notamment français.

«M. Panahi a été condamné à six ans de prison pour participation à des rassemblements et pour propagande contre le régime», a indiqué lundi son avocate, Farideh Gheirat, selon des propos rapportés par l’agence de presse Isna.

«Il est frappé d’une interdiction de réaliser des films, d’écrire des scénarios, de voyager à l’étranger ou de donner des interviews à des médias locaux ou étrangers durant les 20 prochaines années», a-t-elle précisé.

Elle a ajouté qu’elle allait interjeter appel.

Selon l’intellectuel français Bernard-Henri Lévy, Téhéran vient «d’inventer le délit de synopsis» et «a déclaré la guerre à ses artistes et à sa société civile toute entière».

«Son seul crime est d’avoir soutenu (Mir Hossein) Moussavi», le candidat de l’opposition lors de la dernière élection présidentielle, a estimé BHL, espérant annoncer dès mardi la forme que prendrait la mobilisation pour le cinéaste iranien en France.

De son côté le ministre français de la Culture, Frédéric Mitterrand, a exprimé son «indignation» qualifiant la condamanation de Jafar Panahi de «pseudo-jugement».

Un autre jeune réalisateur, Mohammad Rasoulof, qui travaillait sur un film avec M. Panahi avant son arrestation, a aussi écopé de six ans de prison, pour des faits similaires, a indiqué son avocat, Iman Mirzadeh, à l’agence Isna.

Agé de 50 ans, Jafar Panahi, l’un des cinéastes de la «nouvelle vague» iranienne les plus connus à l’étranger, avait été arrêté le 1er mars à son domicile de Téhéran avec seize autres personnes, dont sa femme et sa fille. La plupart ont été libérées. M. Panahi a été libéré fin mai, après le versement d’une caution de 200 000 dollars.

Le ministère iranien de la Culture avait affirmé en avril que son arrestation était liée au fait que le metteur en scène «préparait un film contre le régime» portant sur les manifestations ayant suivi la réélection contestée de M. Ahmadinejad en juin 2009, ce que M. Panahi a démenti.

Pendant son séjour en prison, M. Panahi avait entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention et réclamer une libération sous caution.

M. Panahi, connu pour ses critiques sociales grinçantes, a notamment reçu le Lion d’or à la Mostra de Venise en 2000 pour Le cercle et l’Ours d’argent à la Berlinale en 2006 pour Hors-jeu.

Il a été primé deux fois à Cannes (Le ballon blanc, Prix de la Caméra d’or 1995, et l’Or pourpre, Prix du Jury-Un Certain Regard en 2000), où son siège de juré avait été symboliquement laissé vide lors de la cérémonie d’ouverture du festival en mai dernier.

De nombreuses voix s’étaient élevées à l’étranger comme en Iran pour protester contre son arrestation, notamment celles de Steven Spielberg, Martin Scorcese, Ang Lee, Oliver Stone.

Après sa condamnation, le délégué général du festival de Cannes, Thierry Frémaux, a souligné la nécessité d«agir vite», et cherchait à organiser dès lundi soir un comité de soutien avec la cinémathèque française et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), présidée par le réalisateur français Bertrand Tavernier.

«C’est important qu’il sache que nous sommes là», a-t-il dit. «Ce qui vient de se passer montre qu’on avait eu raison de prendre au sérieux les premières menaces à son encontre».

En septembre, dans un entretien avec l’AFP, M. Panahi avait dit à quel point il était «reconnaissant à tous mes collègues pour leur soutien» pendant son séjour en prison.