Abel, premier film du comédien mexicain Diego Luna, s'annonce comme une des (nombreuses) curiosités du deuxième Festival du cinéma latino-américain, qui se poursuit jusqu'au 24 avril au Cinéma du Parc. Il nous a accordé cette entrevue exclusive.

Diego Luna s'est fait connaître chez nous en 2001 pour son rôle dans Y tu mamá también, où il partageait la vedette avec Gael Garcia Bernal, un ami depuis toujours. Dix ans plus tard, l'acteur mexicain a décidé de faire le saut derrière la caméra. Si l'on en juge par Abel, son premier film de fiction, la conversion s'annonce intéressante.

Le long métrage, qui sera présenté les 16 et 17 avril au Festival du cinéma latino-américain de Montréal, raconte l'histoire d'Abel, jeune garçon instable de 9 ans qui se prend pour le chef de famille après le départ inexpliqué de son père. Cette situation pour le moins étrange, qui amènera son lot d'absurdités, se compliquera encore davantage avec le retour imprévu du paternel.

«Le film n'a rien d'autobiographique, explique le cinéaste de 32 ans, joint chez lui à Mexico. Mais il a quelque chose de très personnel. Cet enfant qui cherche à devenir adulte, je dirais que c'est un peu moi l'acteur qui essaie de devenir réalisateur.»

L'envie de faire des films ne date pas d'hier, dit-il. Présent à la télé et au cinéma depuis l'âge de 10 ans (il a joué dans une quarantaine de films et de séries télé depuis 1989, dont The Terminal, Milk et Frida), Luna avait plusieurs fois fait le tour du jardin. Il avait envie de s'investir plus avant dans le processus cinématographique et attendait simplement de «trouver la bonne histoire».

Apparemment, il ne regrette pas sa conversion. «Quand tu es acteur, tu n'es pas propriétaire de l'histoire. Tu vis dans une bulle qu'on a créée pour toi. Et en général, l'aventure d'un film ne dure que quelques semaines. La réalisation, c'est complètement autre chose. C'est un périple. Un film peut te prendre quatre ans. C'est ton histoire, ton point de vue. Du coup, l'expérience devient beaucoup plus profonde et plus intime.»

Travailler autour de l'enfant

Il va sans dire que son passé d'enfant-acteur l'a énormément aidé pendant le tournage. Le cinéaste savait comment diriger sa jeune vedette (Christopher Ruiz-Esparza, 9 ans) et a tout fait pour ne pas commettre les erreurs de plateau habituelles.

«La plus grosse gaffe, quand on fait un film avec des petits, c'est qu'on a tendance à les traiter comme des adultes. J'ai plutôt choisi de travailler autour de l'enfant. D'abord, on a tourné le film en ordre chronologique, pour qu'il comprenne bien où l'histoire s'en allait. Ensuite, ses blocs de travail ne duraient pas plus d'une heure et demie. Enfin, il ne connaissait pas le script avant le matin où on tournait la scène. Chaque journée était pour lui comme un nouveau défi.»

On aurait bien aimé parler du message d'Abel. De ce que le film nous dit sur la société mexicaine, avec son père absent, menteur, trompeur, sa mère presque sanctifiée et ses archétypes familiaux traditionnels. Mais au moment d'y arriver, le téléphone de Diego Luna est mort et on n'a pas pu rétablir la communication. Happé par ses répétitions pour le théâtre, le nouveau cinéaste n'a pas davantage eu le temps de répondre aux courriels que son attachée de presse nous avait suggéré de lui envoyer.

Tout ce qu'on sait, c'est que ce fan avoué de films comme Barton Fink et The Royal Tenenbaums ainsi que du cinéaste d'Y tu mamá también (Alfonso Cuaron) ne se débarrassera pas si facilement de sa peau d'acteur. On le verra bientôt dans deux productions: Contraband, avec Mark Wahlberg, et Untitled Spanish Comedy, avec Will Ferrell et son pote Gael Garcia Bernal. Il jouera également dans la pièce Cock, qui prend l'affiche dans deux semaines à Mexico.