Tout vient à point à qui sait attendre, dit le dicton. Un dicton qui sied parfaitement au nouveau documentaire de Sylvie Groulx, La passion selon Gabriel, consacré à son oncle, le comédien Gabriel Gascon.

Dans la grande famille des Gascon (14 enfants, dont Jean et Gabriel), d’aucuns souhaitaient que la documentariste Sylvie Groulx, nièce maternelle des deux hommes de théâtre et cousine de Nathalie, tourne sa caméra vers Gabriel. Mais pour elle, pas question d’en faire une œuvre de jeunesse.

Elle a donné le temps au temps, enfilant, depuis 1976, une douzaine de documentaires, dont bien sûr La classe de madame Lise, prix Jutra du meilleur documentaire en 2006. À la même époque, en plein milieu d’une grande fête de famille, Sylvie Groulx a tourné les yeux vers son oncle et s’est dit que le temps était venu.

« C’est la première fois que je me retrouve sur un terrain aussi intime, dit-elle dans un restaurant du quartier Hochelaga-Maisonneuve situé à deux pas de sa résidence. Avant, je me trouvais trop jeune. Je ne voulais pas qu’on me dise que je voulais montrer que j’appartiens à une famille connue. »

De toute manière, le comédien ne courait pas non plus après l’idée de défendre le rôle-titre d’un documentaire. Homme coffre-fort, Gascon est bien davantage chez lui sur les planches ou dans la peau d’un personnage. Sylvie Groulx ne cache pas qu’il y a eu une période d’apprivoisement.

« Gabriel est une personne de famille, dit-elle. Il a un grand sens de la famille (il est père de huit enfants), mais c’est en même temps quelqu’un de très discret. Il n’aime pas avoir les projecteurs sur lui, à moins que ce ne soit pour jouer. Au fil de nos rencontres, je l’ai découvert petit à petit. C’est un être mystérieux, très intérieur. Il est davantage dans l’écoute. C’est peut-être ce qui fait de lui un bon acteur. »

S’animer autrement

Principalement consacré à sa vie professionnelle, le film se penche néanmoins sur quelques pans de la vie personnelle du comédien. C’est loin d’être inintéressant. Surtout lorsque Gascon porte un regard sur lui-même.
Enfant, Gascon fut très malade, au point de ne pas aller à l’école. Ce qui ne l’a pas empêché de nourrir son âme d’art dramatique. « Il s’échappait de la maison et allait voir tous les spectacles de variétés en ville. Il était de connivence avec les portiers des salles », dit Mme Groulx.

Gascon évoque cette période avec une étincelle de malice dans les yeux. « J’ai appris à développer le mensonge. J’avais une part de culpabilité qui était très excitante », dit-il.
Ayant autant joué au cinéma qu’à la télévision, c’est tout de même sur les planches que Gabriel Gascon, 84 ans, a vécu les hauts faits de sa carrière.

« Il s’animait d’une façon différente en parlant de théâtre, dit Sylvie Groulx. Il avait toutes sortes de souvenirs qui le ramenaient au théâtre. Il a aimé toutes les facettes de son métier, mais le théâtre, c’était autre chose. »

Lorsqu’elle a décidé de l’amener sur les planches du Théâtre de Quat’Sous afin de revisiter plusieurs des personnages qu’il a incarnés, M. Gascon s’est tout de suite senti chez lui.

Son travail en compagnie du metteur en scène Denis Marleau a été prolifique. Le documentaire s’y attarde longuement, insistant sur ce qu’on pourrait sans gêne appeler la « méthode Gascon », à travers laquelle le comédien se fond petit à petit dans un personnage.

« Lorsque j’ai contacté Gabriel, il était dans une période assez intense de sa vie d’acteur, dit Mme Groulx. Il travaillait beaucoup avec Denis Marleau, qui lui a donné des rôles très importants dans sa carrière. Marleau lui a offert des rôles superbes. Et Gabriel, qui est en recherche constante, quitte à se lever la nuit pour réfléchir, a mis parfois des mois à trouver ses personnages. »

La passion selon Gabriel est à l’affiche à l’Excentris