Denis Côté en a marre du «politiquement correct». En matière de diversité culturelle, le cinéaste, dont le film Boris sans Béatrice ouvrira les 34es Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ), croit que la place accordée aux minorités visibles s'améliore et «qu'il faut arrêter de marcher sur des oeufs».

Interrogé par La Presse hier dans le cadre du dévoilement de la programmation des RVCQ, qui se tiendront du 18 au 27 février, M. Côté s'est dit étonné par la vidéo qui résume la programmation du festival.

«J'ai été carrément agacé en voyant la bande-annonce parce que c'est devenu de la paranoïa totale. Tout le monde marche sur des oeufs. Chaque plan où on peut trouver un Noir, on le montre. C'est rendu qu'on entend des phrases comme "les acteurs issus de la diversité". C'est complètement fabriqué pour le politically correct», s'impatiente celui qui s'envolera dimanche pour Berlin, où il présentera en primeur mondiale son film Boris sans Béatrice à la 66e Berlinale.

«Il faut qu'une rencontre se fasse entre le Québec très blanc, notre cinéma très blanc, et tous ces gens issus des communautés [culturelles]. Est-ce que cette rencontre se fait déjà? J'ai tendance à dire que oui.»

La porte-parole des Rendez-vous du cinéma québécois, Pascale Bussières, croit pour sa part qu'il reste beaucoup de travail à faire.

«D'ailleurs, il ne faut pas voir ça comme un travail. Tout le monde doit se décomplexer là-dedans», précise-t-elle d'emblée.

«Je pense que notre cinéma n'est pas encore représentatif de la diversité culturelle dans laquelle on vit au Québec. Maintenant, la balle est dans quel camp? Chez les créateurs? Chez ceux qui financent? Chez les diffuseurs? Je ne suis pas en mesure de le dire, mais je me surprends souvent à dire que c'est pas mal blanc, ce qu'on fait», affirme Mme Bussières.

Une programmation riche et diversifiée

Cette année, la question de la diversité culturelle fera d'ailleurs l'objet d'une plénière dans le cadre des 34es Rendez-vous du cinéma québécois, dont la programmation a été annoncée hier.

Le festival projettera 330 films, dont 125 premières, à commencer par Boris sans Béatrice.

Les festivaliers pourront aussi profiter d'une trentaine d'événements gratuits, d'un nouveau volet compétitif pour les courts métrages et de la 3e édition de l'Elvis Gratton Picture Show. Ce spectacle à grand déploiement, présenté le 27 février à 20 h à la place des Festivals dans le cadre de la Nuit blanche, réunira sur scène et à l'écran les mythiques personnages de Pierre Falardeau, le tout animé musicalement par le groupe Misteur Valaire.

Pour Pascale Bussières, porte-parole de l'événement, le message à retenir est «venez voir "vos" films en salle».

«Ce sont les entrées en salle qui garantissent la pérennité de nos réalisateurs, de nos producteurs et de toute la chaîne de production.»

«Les films ont bien sûr d'autres vies que sur grand écran, mais les gens ne paient malheureusement pas toujours pour les visionner, poursuit l'actrice. Ceci dit, moi aussi, je regarde parfois des films sur mon petit écran. Quand je vais au cinéma en famille, à quatre, ça me coûte 100 $. Je choisis donc les films que je vais voir en salle», affirme l'actrice.

Fantasia prend du galon, le FFM ignoré

Alors que tout le gratin du cinéma québécois était réuni hier pour le dévoilement de la programmation des RVCQ, la Ville de Montréal a annoncé que le Festival international de films Fantasia rejoignait le groupe sélect des événements majeurs financés par la métropole. Pour les années 2016 et 2017, 7,47 millions seront répartis entre 11 festivals, dont Fantasia, qui recevra 100 000 $. Les Rendez-vous du cinéma québécois touchent quant à eux la somme de 150 000 $.

Pour la troisième année consécutive, le Festival des films du monde (FFM), dirigé par Serge Losique, ne figure pas sur cette courte liste. À ce sujet, le cinéaste Denis Côté n'est pas surpris.

«Pour moi, le FFM est le navire d'un seul individu: Serge Losique. Je pense qu'on est passé à autre chose. Ce n'est pas tant la guerre des festivals que les habitudes de consommation. Je ne suis plus certain que Montréal peut soutenir tous ces événements.»

James Hyndman, qui joue le rôle de Boris dans le film Boris sans Béatrice de Denis Côté, ne s'étonne pas non plus de cette absence. «La question est de savoir ce qui est le mieux pour Montréal et le Québec. Est-ce que c'est d'en faire sauter un pour que d'autres creusent leur sillon? C'est une question que je me pose», affirme-t-il. «C'est un changement de garde, croit pour sa part Pascale Bussières. Certains festivals étaient là depuis longtemps et ne s'étaient pas renouvelés. Fantasia présente des films plus pointus. Il y a un intérêt pour ça. Un moment donné, il faut suivre l'auditoire.»

Selon Denis Côté, les habitudes de consommation changent rapidement. Les festivals doivent se tenir à jour.

«Regarde l'affluence qu'il y a aux Rendez-vous du cinéma québécois ou au Festival du nouveau cinéma. Ce n'est pas en baisse, mais ce n'est pas en [forte] progression. Et ce n'est pas de leur faute! [...] Ils sont obligés de bouillonner d'idées pour trouver de nouvelles façons de sauver le cinéma en salle, mais c'est vraiment juste les habitudes qui changent», croit le cinéaste.

«Ceux qui ne peuvent pas suivre, comme le FFM, tant pis pour eux. On ne va pas pleurer sur leurs cercueils», conclut-il.

Au moment de publier, l'organisation du Festival des films du monde de Montréal n'avait pas répondu à notre demande d'entrevue.