Robert Downey Jr. et Robert Duvall ont foulé le tapis rouge du Roy Thomson Hall pour soutenir la présentation en primeur mondiale de The Judge. Le 39e TIFF ne pouvait être lancé sur une note plus hollywoodienne.

Il se passe quelque chose d'un peu plus particulier cette année dans la Ville reine. Cela ne se voit pas d'emblée dans les quartiers généraux du Festival international du film de Toronto (TIFF). Mais cela se sent, cela s'entend. Comme si la menace d'une nouvelle distribution des cartes sur le grand échiquier des festivals internationaux commençait à peser.

Autour du Bell Lightbox, magnifique quartier général du festival depuis maintenant quelques années, un seul sujet semble meubler les conversations: la guerre ouverte qu'a déclarée le TIFF au festival de Telluride, au Colorado. Avec ses 285 longs métrages au programme, le géant ne devrait en principe rien craindre d'un «petit» festival qui présente à peine une trentaine de longs métrages triés sur le volet. Or, le géant a la trouille.

Ici, on se fait une gloire de recevoir depuis plusieurs années les films qui, des mois plus tard, deviennent les plus sérieux candidats aux Oscars. Or, l'influence du TIFF est en train de diminuer à ce chapitre. La responsabilité pèserait sur les épaules de ce petit festival qui, à peine quelques jours avant l'événement torontois, mobilise la presse spécialisée américaine. Maintenant, les rumeurs d'Oscars partent du haut des montagnes. Telluride crée le buzz. À King Street, on ne le prend tout simplement pas.

On connaît la réplique. Depuis cette année, le TIFF force producteurs et distributeurs dont les films ont été sélectionnés à Telluride à choisir, sous peine de voir leur film relégué à la deuxième partie du programme. Pour l'instant, le TIFF ne semble pas sortir vainqueur de la joute. Les artisans de Wild (Jean-Marc Vallée), The Imitation Game (Morten Tyldum), Foxcatcher (Bennett Miller) et de quelques autres productions de prestige ont préféré aller d'abord à Telluride, créer une rumeur là-bas et se rendre ensuite à Toronto. C'est aussi ce qu'avait fait Denis Villeneuve l'an dernier avec son film Prisoners.

Bon face-à-face

Hier, le TIFF ne s'est pas aidé non plus lorsqu'il a annoncé que les journalistes ne pourraient pas visionner le film d'ouverture The Judge à midi, comme le prévoyait l'horaire. La projection a été reportée à 18h30. Ce genre de changement spontané alimente bien entendu les pires suspicions. Du coup, des rumeurs de navet potentiel se sont vite répandues. Or, sans être un chef-d'oeuvre, The Judge tient quand même assez bien la route.

Il s'agit d'un drame judiciaire de forme très hollywoodienne dans lequel s'affrontent un père magistrat (Robert Duvall) et un fils avocat (Robert Downey Jr.). Ce dernier, qui s'est beaucoup éloigné de sa famille, revient dans sa petite ville de province pour enterrer sa mère. Les conflits non réglés avec un frère aîné (Vincent d'Onofrio) et, surtout, avec le paternel auront tôt fait de resurgir. Le récit joue ainsi sur le tableau tant personnel que professionnel. Très respecté dans son patelin, le magistrat se retrouve accusé au criminel après un délit de fuite mortel. Le fils devra défendre son père au procès contre un procureur redoutable (Billy Bob Thornton).

Respectable à défaut d'être passionnant

Il y a des drames, une fillette adorable, un frère cadet un peu simple d'esprit totalement attachant (Jeremy Strong), une ancienne amoureuse éconduite (Vera Farmiga), de la maladie, de la musique larmoyante, quelques clichés, bref, tous les ingrédients sont réunis pour offrir un drame qui répond parfaitement au cahier des charges hollywoodien.

Heureusement, le scénario est dans l'ensemble solide sur le plan des dialogues. Et le face-à-face Duvall et Downey Jr. produit des étincelles.

Était-ce le meilleur choix pour lancer le 39e TIFF? D'aucuns vous diront que la sélection d'un film d'ouverture constitue souvent un exercice très difficile pour un comité de sélection. Cette année, les grands gagnants ont manifestement été Berlin (The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson) et Venise (Birdman, d'Alejandro G. Iñárritu). Cannes s'est de son côté offert une daube avec Grace de Monaco (quand même justifiable dans les circonstances).

À Toronto, l'exercice semble souvent se révéler un peu plus difficile qu'ailleurs. Pendant des années, le TIFF s'était donné l'obligation morale de toujours choisir une production canadienne en ouverture. Depuis que cette règle a été abandonnée, force est de constater qu'on attend toujours le film qui lancerait vraiment ce festival sur les chapeaux de roues. Même si The Judge reste un film respectable, on n'y est pas encore.

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The Judge prend l'affiche le 10 octobre partout en Amérique du Nord.