Ils étaient tous là. Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Maria Bello, Melissa Leo, Terrence Howard, Paul Dano. Il y avait aussi la productrice Kira Davis, le scénariste Aaron Guzikowski, de même que le compositeur Jóhan Jóhansson. À la table installée à la tête de la salle où se déroulent les conférences de presse, tout ce beau monde encerclait le réalisateur de Prisoners, un dénommé Denis Villeneuve, assis au centre.

La star du jour, c'était lui. Quand les acteurs furent invités à commenter le travail du cinéaste québécois, Maria Bello a pris la parole. «Je crois que tous ceux qui sont assis ici seront d'accord pour dire que Denis sera reconnu comme un maître de la réalisation pour encore bien des années.» Cette déclaration fut suivie par les applaudissements spontanés de tous les artisans du film.

Ce n'est pas du chiqué. Grâce à ce premier film hollywoodien, son premier long métrage à prendre l'affiche depuis Incendies aussi, Denis Villeneuve a visiblement conquis tout le monde. Les superstars qui jouent dans Prisoners l'adorent, tout autant que les artisans, souvent vénérables, ou l'équipe de production qui l'a entouré dans cette aventure. D'ailleurs, la société Alcon Entertainment s'est empressée d'offrir à Villeneuve un contrat les liant l'une à l'autre pour les deux prochaines années.

Surtout, la presse s'est emballée pour Prisoners depuis la présentation surprise la semaine dernière au festival de Telluride. Dans certains articles, le nom de Villeneuve a même souvent été placé sur le même pied que celui de David Fincher au rayon des maîtres du suspense sombre. On commence aussi à parler de possibles nominations aux Oscars. On estime en outre que la performance de Hugh Jackman devrait directement valoir à ce dernier une sélection dans la catégorie du meilleur acteur. Le nom de Villeneuve pourrait aussi bien circuler quand viendra le moment de choisir les finalistes de la catégorie de la meilleure réalisation.

Autrement dit, la rumeur est très forte. Il semble bien que pour Villeneuve, le pari ait été gagné haut la main.

Une grande chance

Rencontré tôt hier matin, alors qu'il s'apprêtait à entreprendre une journée très chargée, le cinéaste québécois tentait de mettre les choses en perspective.

«Je sais la chance que j'ai, confie-t-il à La Presse. Pour mon premier film dans un contexte hollywoodien, franchement, je ne peux pas demander mieux. J'ai été choyé, car j'ai pu garder mon identité de cinéaste. Les réalisateurs étrangers qui sont allés tenter leur chance à Los Angeles n'ont pas tous eu le même privilège. Et on entend souvent des histoires d'horreur. Pour être bien franc, j'ai le sentiment d'avoir été protégé d'une certaine façon. Par les producteurs, par les grands artistes avec qui j'ai eu l'occasion de travailler - Roger Deakins est un génie -, par les vedettes aussi, je pense. Qui se sont toutes mises au service du film. Aucun problème d'ego à gérer.»

Les artisans de Prisoners louent notamment la vision de cinéaste de Villeneuve. Qui a voulu donner à ce drame une vraie profondeur plutôt que de réaliser un thriller hollywoodien standard.

«J'avais déjà eu l'occasion de lire une première version du scénario bien avant que Denis arrive, a expliqué Hugh Jackman. Honnêtement, le film aurait pu être banal si Denis n'en avait pas tiré une étude psychologique complexe, avec une approche faisant en sorte que ce film nous hante encore après l'avoir vu.»

Rappelons que Prisoners relate l'histoire d'un père de famille qui séquestre celui qu'il soupçonne d'avoir kidnappé sa fille et celle d'un couple d'amis.

Une machine de guerre

Denis Villeneuve a par ailleurs précisé que le contrat de deux ans le liant à la société Alcon était quand même plutôt souple.

«L'idée, c'est qu'ils ont un droit de premier regard sur tous mes projets. Même s'il s'agit d'un scénario québécois. Ils vont lire, et ils décident ensuite si ça les intéresse de signer un chèque ou pas.»

Pour l'heure, Denis Villeneuve observe tout ce qui se passe d'un oeil un peu incrédule. Et amusé. Cet habitué du TIFF ne vit pas du tout son festival de la même manière, cette année. Le cinéaste québécois est pratiquement au centre d'une machine de guerre orchestrée par un grand studio hollywoodien, Warner Bros, en l'occurrence.

«C'est comme si tout le monde avait sniffé de la coke tout autour! dit-il. C'est intense! Je fais 10 fois plus de presse. On sent aussi la pression, l'énergie. On te fait sortir par des portes arrière et il y a quand même 2000 fans qui attendent Hugh Jackman. C'est fou!»

Prisoners prend l'affiche en salle le 20 septembre.