Les féministes du groupe Pussy Riot, dont deux membres sont en prison pour avoir chanté l'an dernier une «prière punk» dans la cathédrale de Moscou, donnent de la voix à Sundance, dans un film qui retrace la naissance du collectif, ses aspirations et son cauchemar judiciaire.

Pussy Riot - A Punk Prayer (Pussy Riot - Une prière punk), réalisé par Mike Lerner et Maxim Pozdorovkin, est en compétition au festival américain du cinéma indépendant, qui se tient jusqu'à dimanche à Park City, dans l'Utah.

Les Pussy Riot, inexistantes il y a un an, ont fait la une de l'actualité en 2012, après le scandale provoqué par leur irruption dans la cathédrale moscovite du Christ-Sauveur pour y chanter une «prière punk» anti-Poutine.

Leur intervention n'aura duré que 40 secondes mais l'arrestation d'Ekaterina Samoutsevitch, Maria Alekhina et Nadejda Tolokonnikova, puis leur condamnation, ont suscité l'émoi en Occident et auprès d'une partie de la population en russe.

La chancelière allemande Angela Merkel a plaidé leur cause après du président russe Vladimir Poutine, et des artistes comme Madonna, Paul McCartney ou les Red Hot Chili Peppers leur ont apporté leur soutien.

«J'étais très intéressé par cette histoire où se mêlent l'extrémisme religieux, la politique et le monde de l'art. Cela raconte ce que la société est prête à accepter», déclare à l'AFP Maxim Pozdorovkin.

Utilisant leurs propres images du processus judiciaire, ainsi que des archives des Pussy Riot - qui filmaient abondamment leurs interventions et leurs préparatifs - les cinéastes racontent la naissance et les faits d'armes de ce «collectif féministe», né en mars 2012 au moment de l'élection de Vladimir Poutine à la présidence de la Russie, pour un troisième mandat.

«Leur problème n'est pas Poutine en soi. Pour elles, il symbolise tout un système de gouvernement, vieux jeu et patriotique», explique M. Pozdorovkin. «Leur cible est beaucoup plus large, elles veulent une révolution féministe dans la société».

«Les gens pensent que les Pussy Riot sont un groupe. Mais c'est un collectif féministe anonyme, sans leader et sans structure organisée», explique le cinéaste. «Fondamentalement, leur idée est de provoquer une réponse. Le lendemain (de leurs performances), elles mettent la vidéo sur Youtube, avec leur musique, et lancent le débat», dit-il.

Le film revient sur les premières opérations du collectif, dans un salon de beauté - pour protester contre l'image de la femme - puis sur la place rouge - pour l'affirmation politique - avant le «happening» de la cathédrale.

Après le procès, retracé pas à pas avec des images des débats et des témoignages des proches des jeunes femmes, seule Ekaterina a été libérée.

«L'histoire était énorme en Russie, comme un feuilleton télévisé, tout le monde en parlait. Mais dans l'ensemble, la majorité des Russes sont contre ce qu'elles ont fait et pensent qu'elles ont probablement eu ce qu'elles méritaient», observe le cinéaste.

Pour lui, les Pussy Riot sont avant tout des artistes de performance et devraient être considérées comme telles.

«L'une des raisons de cet emballement, en plus de l'aspect religieux de l'histoire, c'est que la Russie n'a jamais eu d'époque punk-rock, elle n'a jamais eu son année 1977 ni les Sex Pistols. Et elle ne connaît pas l'art de la performance», remarque-t-il.

Mais la «répression» des Pussy Riot est également politique. «L'histoire est similaire à celle d'autre mouvements révolutionnaires dans le monde», observe le cinéaste. «Si l'on regarde les Occupy aux États-Unis, ils ont été tolérés par le gouvernement pendant un temps, mais ils ont été réprimés quand les autorités ont finalement pris le parti des intérêts des grandes entreprises».

Et d'ajouter: en Russie, «le gouvernement s'est rangé du côté des extrémistes religieux».