«Si je pouvais tout rendre pour marcher dans la rue tranquillement, je le ferais...»: la veille de sa mort en 2011 par alcoolisation massive, Amy Winehouse se confie par téléphone à son amie d'enfance sur le coût exorbitant payé pour devenir une diva du soul.

Sélectionné à Cannes hors compétition, un documentaire bouleversant, nourri de témoignages inédits, revient sur le parcours tragique de la chanteuse, disparue en pleine gloire à 27 ans.

Deux ans ont été nécessaires au réalisateur britannique Asif Kapadia pour que les proches de la vedette et sa famille acceptent de témoigner. «Un par par un, ils nous ont fait confiance et ensuite ils ne pouvaient plus s'arrêter. C'était comme une thérapie pour eux», a-t-il dit à propos des amis de la chanteuse qui ont accepté de lui parler.

«Beaucoup de gens me disaient ''Pourquoi voulez-vous faire un film sur une junkie?'' C'est exactement pour ça que je voulais le faire. Elle a été rabaissée alors qu'elle avait tant de choses en elle», a déclaré le réalisateur à quelques journalistes, dont l'AFP.

Selon le réalisateur, de nombreux facteurs expliquent sa descente aux enfers. «Cela a commencé alors qu'elle était très jeune: la notoriété, l'argent, l'industrie musicale, Londres».

«Les paroles des chansons ont été le fil conducteur. Dès lors que l'on connaît mieux Amy, ses textes revêtent une profondeur bien plus importante que ce qu'on pouvait croire au départ. Je me suis dit qu'il nous fallait les décrypter», explique le réalisateur dans le dossier de presse. Le documentaire dévoile de nombreuses images jamais vues, notamment des films de famille.

«Je n'écris que ce qui me touche», confiait la diva, qui était à la fois auteure et compositrice et dont les deux albums apparaissent comme une catharsis d'un mal-être qui l'a entrainée dans de terribles dépendances: alcool et drogues dures.

Le film met en lumière une autre pathologie, une boulimie chronique qui l'a très tôt considérablement fragilisée.

«Un château de cartes à l'équilibre précaire»

Conforté par les témoignages des proches et les confidences de la vedette dans les médias, Asif Kapadia insiste sur les conséquences néfastes d'une gloire planétaire sur cette personnalité structurellement vulnérable: dès l'âge de 13 ans, après le divorce de ses parents, la future vedette a été placée sous antidépresseurs.

«Mon côté destructeur fait 1 km de large. La célébrité, je n'y crois pas une seconde: ça me dérangerait et me rendrait folle probablement», disait-elle en 2003.

«Une vie personnelle compliquée associée à un succès planétaire et un mode de vie instable, ont fait de la vie d'Amy Winehouse un château de cartes à l'équilibre précaire. Le grand public a célébré son immense succès tout en jugeant à la hâte ses faiblesses», déplore le réalisateur.

Asif Kapadia montre aussi à quel point la passion amoureuse qui unissait la vedette et son époux Blake Fielder, toxicomane invétéré qui a mis à mal plusieurs tentatives de désintoxication du couple, a été destructrice. Amy Winehouse en fera deux tubes planétaires: Rehab, après Back to Black sur leur rupture qui a anéanti la chanteuse. Une fois le succès d'Amy établi, Blake est revenu. Le couple convolera à Miami en 2007.

«On a tout fait. On ne guérit pas de force...», estime son père Mitchell Winehouse, chauffeur de taxi reconverti les derniers temps en gérant «motivé par l'argent et la gloire», accuse une amie d'Amy. Un médecin qui a pris en charge la chanteuse peu avant sa mort assure que la chanteuse ne voulait pas mourir. Fragilisée par ses dépendances de longue date, Amy Winehouse a succombé à une alcoolémie excessive par arrêt cardiaque.

Dans un communiqué, la famille de la chanteuse a jugé «trompeur» ce documentaire à l'affiche en France le 8 juillet.

«Le film est une occasion manquée de célébrer sa vie et son talent. Il est trompeur et contient des contre-vérités basiques. Il y a des allégations précises contre la famille et le management qui sont infondées et déséquilibrées». L'équipe d'Amy, elle, défend le travail du réalisateur.

Asif Kapadia avait été récompensé en 2011 par le BAFA du meilleur documentaire pour un premier film consacré à une autre légende, le champion de F1 Ayrton Senna.