Ils ont entre 25 et 52 ans, sont nés en Corée, au Brésil, en Australie, au Rwanda ou au Sri Lanka. Rien ne les unit. Sauf leur identité particulière : celle d’avoir été adoptés. Et ils se racontent.

Les enfants adoptés ont-ils vraiment de la « chance » ? Et si c’étaient leurs parents qui étaient chanceux d’avoir trouvé un enfant ? Comment composer avec ce sentiment de déracinement qui germe, parfois, au fil du temps ?

Ce sont toutes ces questions, et plus encore, qui se posent au fil du long métrage documentaire Une histoire à soi, d’Amandine Gay, qui donne, pour une rare fois, la voix aux principaux intéressés en matière d’adoption.

Née en Corée, mais « construite comme une enfant blanche », dira l’une ; venu du Rwanda, tout en « reniant » ses origines, dira un deuxième. Ou encore adopté au Brésil, mais avec cette peur constante d’être abandonné, dira un dernier, dessins effrayants d’époque à l’appui.

Si le sujet porte certes à l’émotion, la réalisatrice évite habilement le larmoyant, de même que le sensationnalisme, pour donner un ton plutôt politique au film. Oubliez le fantasme des retrouvailles, il est plutôt question ici de disparités nord-sud et de construction identitaire dans un contexte d’inégalités. Dans son infinie complexité.

On suit ici chaque personnage, tour à tour et au fil du temps, de son adoption à aujourd’hui. Si la petite enfance (et son « cocon ») semble en gros pleine de gratitude (« j’avais l’impression que mes parents m’avaient sauvé d’une vie pourrie »), c’est avec les années que les questions surgissent. « On n’a pas choisi d’être adoptés… » Et toutes les interrogations qui s’y rattachent.

Pour réaliser son film, la réalisatrice a rencontré quantité de candidats, enregistré des heures d’entretiens, pour finalement ne retenir que ceux qui avaient suffisamment d’archives. Pour cause : le récit ne possède ici, et à titre d’unique matière première, que ces fameuses images. Rien n’a été filmé, tout reposant sur ces photos, vidéos et autres dessins des familles, en plus de quelques archives médiatiques et historiques. Avec, comme unique narration, la voix hors champ des cinq personnages.

Audacieux (périlleux ?) exercice de style, quoique réalisé avec doigté. Et surtout sensibilité.

Si on s’y perd certes par moments (qui parle au juste, qui est cet enfant ?), et malgré certaines longueurs (davantage de musique aurait sans doute donné plus de rythme au film), les cinq voix finissent effectivement par ne parler que d’une seule. Nous laissant avec cette dérangeante question en suspens : « adoptés » ou « déportés » ?

Une histoire à soi est présenté à la Cinémathèque québécoise.

Une histoire à soi

Documentaire

Une histoire à soi

Amandine Gay

1 h 40

6/10

En salle