Il y a cette idée, idée reçue donc naturellement très partagée et répandue, que la sexualité des femmes serait d'une complexité presque abyssale et d'un raffinement psychologique qui échapperait au mâle ordinairement épais et bandé.

On parle encore de nos jours, d'ordre plus général, d'un mystérieux «éternel féminin». C'est cet univers «insolite» qu'a voulu explorer le cinéaste français Jean-Claude Brisseau (Noce blanche) dans Les anges exterminateurs. Plus précisément, Brisseau, comme son alter ego François, le personnage principal, s'intéresse aux obscurs mécanismes du désir, du phantasme, de la jouissance et de l'orgasme chez les femmes.

François donc (Frédéric van den Diessche) est un cinéaste respectable, dans la force de l'âge, mais traverse professionnellement une période plus ou moins creuse. Délaissant momentanément un projet de film policier, il élabore lentement le scénario d'un étrange film érotique aux vues à la fois pédagogiques et poétiques: un long métrage sur le désir et le plaisir féminins, quelque chose qu'il espère jamais fait, jamais vu.

Pour mener à bien cette expérience, il recrute ici et là de jeunes et jolies Parisiennes et leur propose des auditions très spéciales, où les filles, volontaires, se livrent à divers actes sensuels «audacieux» sous l'oeil et la caméra du gentil pornographe intello, lequel s'abstient de participer aux ébats, trop occupé à sa création et à ses interrogations profondes. Évidemment, l'exercice se retournera éventuellement contre lui dans une suite de conflits avec ses jeunes recrues et de malentendus aux conséquences malheureuses. On vous épargne gracieusement le climax.

Pour l'anecdote, rappelons que Jean-Claude Brisseau a lui-même connu son lot d'ennuis, avec la justice, après avoir été reconnu coupable de harcèlement sexuel auprès d'actrices recrutées pour son film Choses secrètes, mais le cinéaste se défend d'avoir voulu se déculpabiliser par l'autobiographie.

Qu'importe le potin, Les anges exterminateurs, dont le titre se référence aux textes bibliques et non au chef-d'oeuvre de Luis Buñuel, fait davantage penser à ces amusantes petites fables coquines, chic et enrobées d'un verni vaguement intello de Just Jaeckin (Emmanuelle) ou David Hamilton (Bilitis) qu'à un véritable essai sur les secrets de la sexualité ou à une réflexion vraiment pertinente sur l'érotisme au cinéma. C'est mignon tout plein, les filles sont impeccablement roulées et s'abandonnent, sous un éclairage feutré, à leurs élans onanistes et saphiques, entre deux témoignages intimes.

Pour la réflexion sur le sexe, mieux vaut revenir aux oeuvres, discutables et dérangeantes mais fascinantes, de Catherine Breillat (Romance) et pour la réflexion sur le cinéma cochon mieux vaut revoir l'excellent Le pornographe de Bertrand Bonello. Les anges exterminateurs est d'une maladroite prétention qui confère à la naïveté, la fausse innocence, la condescendance ou à cette impression d'assurance qui viendrait avec l'âge: l'assurance de l'homme mûr qui a vu, qui a vécu; figure paternelle qui sait parler aux jeunes femmes et qui peut, d'un regard et d'une parole, susciter chez elles des pulsions torrides jusqu'alors inconnues.

En quelques mots ce film, témoignage d'un homme démodé en proie au démon du midi (Brisseau et son «double» François), n'est pas de son temps, pas de son époque. En retard, comme l'était notre Claude Fournier avec Je n'aime que toi. Dans ces cas-là, on aurait envie de ressortir la vieille formule: «Tasse-toi, mon oncle!»

________________________

* *

Les Anges exterminateurs, drame érotique de Jean-Claude Brisseau. Avec Frédéric van den Diessche, Maroussia Dubreuil, Lise Bellynck.

Un cinéaste caresse le projet de pénétrer, par son art, les mystères du désir, du plaisir et de la jouissance au féminin, avec l'aide de jeunes actrices apparemment volontaires.

Un film français érotique et intello, déjà daté dès sa conception.