Voilà la patience du cinéphile montréalais récompensée. Caméra d’or à Cannes, présenté à Toronto et au FNC, Hunger, de Steve McQueen, ne fait pas que combler les attentes : il les dépasse. Avec ce premier long métrage, Steve McQueen signe l’un des films les plus forts des dernières années sur les «troubles» en Irlande.

La force de Hunger ne se limite pas à son sujet, crève-coeur s’il en est. Symbole de la répression policière anti-IRA au début des années 80, la prison de Maze a été le théâtre, en 1981, d’une grève de l’hygiène puis d’une grève de la faim conduite par Bobby Sands. L’enjeu, pour les prisonniers républicains : être reconnus comme des prisonniers politiques.

Le film se divise en trois parties. D’abord, la prison, l’enfermement et la grève de l’hygiène. Nous y sommes conduits par l’un de ses employés (Stuart Graham) et un jeune prisonnier (Brian Milligan). Le corps et ses matières sont l’ultime arme des prisonniers. Les cellules sont maculées d’excréments, les hommes sont nus, les cheveux et les barbes sont longs. Le corps est une oeuvre, une arme, le véhicule, aussi, de papiers cachés en ses recoins, échangés entre prisonniers et visiteurs.

Cette partie presque silencieuse amène ensuite sur un long et fascinant tête-à-tête entre Bobby Sands (Michael Fassbender) et le père Moran (Liam Cunningham). Un seul plan, en 22 minutes, pour une scène décisive : Bobby Sands vient de décider, avec les autres prisonniers, d’entamer une grève de la faim. Un suicide, désapprouve le père Moran, qui plaide pour la négociation et la vie. Un meurtre, pour Bobby Sands.

Retour au silence dans la troisième et dernière partie du film : l’agonie. Bobby Sands entame sa grève de la faim. Le corps, petit à petit, cesse de fonctionner. Comme pour la première partie, Steve McQueen, artiste et vidéaste, scrute avec attention les matières humaines. Jusqu’au dernier souffle.

Au-delà de l’épisode historique dans lequel il s’inscrit, Hunger met brillamment en scène une geôle qui pourrait aussi être Guantánamo. Le soin apporté à la reconstitution minutieuse de la saleté, des matières fécales, des corps toujours brutalisés permet au spectateur de vivre, jusqu’à l’écoeurement, l’enfermement.

Steve McQueen, un Britannique, ne signe pourtant pas un brûlot anti-Thatcher ou anti-Britanniques. La logique meurtrière est présente, dans Hunger, tant du côté des «terroristes» que des forces de l’ordre. Avec une maîtrise tout à fait impressionnante, Steve McQueen montre de façon très crue comment des hommes meurent pour leurs idées.

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Hunger
Un drame de Steve McQueen. Avec Michael Fassbender, Liam Cunningham, Stuart Graham. 1h36.


En Irlande du Nord, durant la grève de la faim et la grève de l’hygiène des prisonniers de l’IRA. La tension est à son comble entre gardiens et prisonniers qui réclament un statut politique.

Une exploration qui va bien au-delà de la prison de Maze et des morts de la grève de la faim : au cœur de l’humain, l’action politique et l’engagement mis à nu. Exceptionnel.