Le contraste est saisissant. Quand Denys Arcand pose son regard sur sa propre génération, comme il l'a fait dans Le déclin de l'empire américain, le portrait ne pourrait être plus juste, plus pertinent. Dans Le règne de la beauté, le réalisateur des Invasions barbares s'intéresse cette fois à la génération des trentenaires. Si l'on se fie à la vision qu'il nous propose, ces jeunes adultes, du moins ceux qu'il met de l'avant dans cette histoire, n'auraient strictement rien à dire. Ni entre eux ni aux autres. Dans ce genre d'exercice, il devient ainsi extrêmement périlleux d'essayer de traduire cette espèce de vide existentiel de façon intéressante.

Aucun des personnages du Règne de la beauté n'a véritablement de chair. Ils évoluent de façon désincarnée dans un environnement d'une beauté à couper le souffle - images signées Nathalie Moliavko-Visotzky - sans jamais prendre leur élan.

C'est un peu comme si l'auteur-cinéaste avait emprunté cette fois une approche plus anglo-saxonne. Le règne de la beauté est d'une froideur qui évoque parfois le cinéma du Canada anglais, particulièrement dans la représentation des rapports sexuels.

Trop lisse

Le très grand souci esthétique avec lequel chaque plan a été composé vient aussi se poser en travers de l'empathie que le spectateur aurait pu éprouver envers les personnages. Tout est trop étudié, trop parfait, trop lisse, trop beau.

En conséquence, les acteurs semblent figés dans leur beau décor. À cet égard, la distribution d'ensemble se révèle inégale, d'autant plus qu'elle ne peut cette fois s'appuyer sur les dialogues brillants auxquels Denys Arcand nous a habitués. On trouvera évidemment ici ou là une réplique bien envoyée, ou un trait de mise en scène vraiment bien dessiné, mais le récit, dans sa construction même, a du mal à poser ses marques.

Même s'il frôle parfois le sublime sur le plan visuel, Le règne de la beauté reste plutôt vide de substance.

Nous y reviendrons le samedi 17 mai.