N'en déplaise au président américain Donald Trump qui parle de « shithole countries », le superhéros de Black Panther est le roi d'un pays florissant et moderne d'Afrique. À forte connotation politique, le plus récent film de la franchise Marvel, Black Panther, se veut un hommage à la culture noire avec une bande originale signée en partie par Kendrick Lamar. La Presse a rencontré les artisans du film à Los Angeles.

LA REVANCHE DE L'AFRIQUE

Black Panther est le premier film de la franchise Marvel Cinematic Universe (MCU) ayant un superhéros principal noir.

Filial et vindicatif, le synopsis est à la sauce Marvel. Après la mort de son père, T'Challa, alias la Panthère noire, retourne chez lui dans le pays africain florissant et technologiquement avancé de Wakanda. Or, son pouvoir sera défié par un ennemi, ce qui compromettra le bien-être de Wakanda, mais aussi l'état du monde.

« Même si c'est fictif, j'aimais l'idée d'une nation africaine non conquise et pure », souligne l'acteur Chadwick Boseman, qui incarne T'Challa.

Alors que le président Donald Trump parle de « shithole countries », l'actrice Danai Gurira - qui incarne une guerrière - voit dans Panthère noire une sorte de revanche. « Je suis mi-américaine, mi-zimbabwéenne, dit-elle. Je connais le potentiel d'où je viens, mais je vois comment le monde en a une fausse représentation. Le film célèbre la richesse de la culture africaine. Sa beauté, ses habiletés et ses ressources. [...] De le voir à grande échelle au cinéma avec le prisme épique de Marvel a été un baume sur mes blessures. »

UN FILM D'ACTUALITÉ

Le film débute alors que le roi T'Challa vient de participer à l'affrontement entre Iron Man et Captain America.

Le jeune réalisateur Ryan Coogler a coécrit le scénario il y a environ deux ans. En entremêlant des thèmes chauds - la politique, la culture afro-américaine, le partage des richesses et l'ouverture des frontières -, il ignorait que l'actualité allait rendre son propos encore plus pertinent. Il louange l'ouverture de Marvel et toute la liberté qu'il a eue pour coécrire le scénario avec Joe Robert Cole. « Marvel m'a permis de faire du divertissement qui fait réfléchir », indique le réalisateur.

DANS L'ESPRIT DE MARVEL

« Tu penses que Marvel est un gros studio intouchable, mais c'est juste Kevin et ses deux amis », blague Ryan Coogler.

Kevin Feige, c'est le directeur de Marvel Studios, qui appartient à Disney. Ses deux « amis » sont Louis D'Esposito et Victoria Alonso.

Kevin Feige rappelle que le personnage de la Panthère noire - d'abord apparu dans un numéro de Fantastic Four - a été créé dans les années 60 par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Jack Kirby dans une période politique agitée. « C'était l'époque du mouvement des droits civiques. Nous nous devions d'être à la hauteur de la portée du personnage. »

DES FEMMES FORTES

Black Panther réunit des femmes fortes, à la fois devant et derrière la caméra. La directrice photo Rachel Morrison est par ailleurs la première femme à obtenir une sélection dans sa catégorie en vue du prochain gala des Oscars, pour son travail sur Mudbound.

Les femmes ont du pouvoir à Wakanda, et la famille est importante. « Je suis si heureuse que cette histoire ait eu le soutien de Marvel, dit Angela Bassett qui incarne la reine du royaume. Le film met en valeur les personnages féminins. »

Letitia Wright joue le rôle de la soeur de T'Challa, une surdouée des technologies dotée d'un grand sens de l'humour.

Lupita Nyong'o et Danai Gurira incarnent des guerrières. « Le film montre comment une société peut être forte si les femmes ont autant de place », dit la première, oscarisée pour son rôle dans 12 Years a Slave. « Enfin des personnages complexes de femmes du continent africain ! s'exclame la deuxième, qui s'est fait connaître dans la série The Walking Dead. Quelle grande fierté j'ai eue à jouer une femme subversive. »

DU VISUEL ÉPOUSTOUFLANT

Black Panther bénéficie d'un énorme engouement.

La veille de la conférence de presse à laquelle nous avons assisté, les acteurs et actrices de Black Panther avaient vu le film pour la première fois à Los Angeles.

Leurs attentes étaient encore plus grandes que celles du public. « C'est un film pour lequel nous avons eu un grand sentiment d'appartenance pendant le tournage, indique Lupita Nyong'o. Or, avec tous les effets spéciaux et la conception graphique, c'est un film où il se passe beaucoup de choses et beaucoup de temps entre le tournage et sa sortie. »

Le résultat aurait pu être décevant. « J'étais nerveux. J'ai même appelé Ryan la veille de la première, dit Michael B. Jordan, dont le personnage de vilain tente de ravir le trône de Wakanda. Mais je ne peux décrire le sentiment de voir le film à l'écran avec ma famille et le public. J'ai eu un grand sentiment d'empowerment. »

DES ÉLOGES POUR RYAN COOGLER

« Je me suis senti béni... béni d'avoir pu faire le film de cette façon », dit le réalisateur Ryan Coogler.

C'est Forest Whitaker qui lui a donné sa chance il y a cinq ans en lui confiant la réalisation du film Fruitvale Station, primé au festival de Sundance.

« Je savais que Ryan pouvait toucher le monde entier, dit Forest Whitaker. Je suis ébloui de voir à quel point il peut être socialement pertinent avec un film que les gens ont envie de voir. »

Andy Serkis et Martin Freeman, les deux rares acteurs blancs du film, sont aussi ravis de leur expérience sur le plateau à grand budget de Coogler.

« Je me souviens quand Ryan s'est avancé pour nous dire : "Je n'ai jamais dirigé deux acteurs blancs auparavant." C'était bizarre, mais c'était vrai », raconte en riant Andy Serkis (connu pour son rôle de Gollum dans Le Seigneur des anneaux), qui reprend Ulysses Klaue, son personnage de mercenaire vu dans Avenger : Age of Ultron. « Ryan est extraordinaire, humble, chaleureux, fédérateur, visionnaire. Je suis honoré d'être dans son film révolutionnaire. »

Black Panther (Panthère noire) prend l'affiche le 16 février.

Les frais de ce reportage ont été payés par Disney.

Photo Mario Anzuoni, archives Reuters

Le jeune réalisateur Ryan Coogler a coécrit le scénario de Black Panther il y a environ deux ans.

Photo Chris Pizzello, archives Associated Press

La directrice photo Rachel Morrison est la première femme à obtenir une sélection dans sa catégorie au prochain gala des Oscars, pour son travail sur Mudbound.