Il nous avait déjà offert, brillamment, son Journal intime. Vingt-trois ans plus tard, Nanni Moretti semble nous proposer un nouveau chapitre du même journal, cette fois à travers le parcours d'un alter ego féminin.

À la fois drôle, tendre, délicat et subtil dans la peinture des émotions, Mia Madre évoque les petits et grands drames de la vie qui s'immiscent dans le quotidien d'une cinéaste, au moment même où a lieu le tournage d'un nouveau film. C'est un peu comme si les thèmes essentiels de l'existence venaient ici recentrer le déséquilibre d'un monde factice.

Margherita (Margherita Buy, habituée des plus récents films de Moretti) doit en effet traverser une épreuve dans sa vie personnelle alors que le tournage de son film à caractère politique, complètement bordélique, accapare toute son énergie. La toute première scène du film, pendant laquelle on voit des grévistes affronter des policiers antiémeutes, sonne d'ailleurs tellement faux qu'on ne s'étonne pas d'apprendre qu'il s'agit en fait d'une séquence que Margherita est en train de filmer. Dans laquelle rien ne fonctionne.

D'une certaine façon, Nanni Moretti nous offre ainsi sa Nuit américaine. Mais si, à l'instar du célèbre film de François Truffaut, le cinéma occupe ici une bonne partie du récit dans sa fabrication même, le chef de file du cinéma italien contemporain ratisse quand même un peu plus large.

Coincée entre les caprices de sa star américaine (formidable John Turturro dans un rôle où il doit nous faire croire qu'il peut être mauvais !) et des défis de mise en scène qui lui semblent insurmontables, Margherita, dont la vie amoureuse traverse aussi une zone de turbulences, doit en parallèle s'occuper de sa mère malade, dont la vie achève. La grande actrice de théâtre Giulia Lazzarini se glisse dans la peau de ce personnage de façon remarquable. Nanni Moretti s'est par ailleurs donné un rôle de soutien, soit celui du frère de la réalisatrice.

SANS PATHOS

Moretti profite évidemment de l'occasion pour satiriser à plein régime sur le monde du cinéma en glissant dans son récit une grande part d'autodérision. Mais il sait aussi se faire pudique - et très touchant - en évoquant les thèmes entourant la perte d'un être cher. Et ce, sans ne jamais tomber dans le pathos ou les excès de sentimentalisme. On sera en outre ému par ces scènes pendant lesquelles Margherita et son frère découvrent une facette inédite de la personnalité de leur mère, qui a enseigné la littérature et le latin pendant des décennies, révélée par les témoignages d'anciens élèves. Cet aspect du récit est d'ailleurs inspiré d'un épisode qu'a directement vécu le cinéaste.

Truffé de clins d'oeil au monde du cinéma, ponctué parfois de moments décalés où Margherita se perd un peu dans ses divagations, Mia Madre se révèle aussi très juste dans l'évocation d'un drame à la fois personnel et universel.

DRAME

Mia Madre

(V.F. : Ma mère)

De Nanni Moretti

Avec Margherita Buy, John Turturro, Giulia Lazzarini, Nanni Moretti. 1 h 46.

Image fournie par Les Films Séville

Mia Madre