L'inoubliable interprète de Ma nuit chez Maud et de La bonne année est l'invitée d'honneur du festival Cinemania. Une occasion de faire le point avec une actrice qui s'est faite très rare chez nous.

Françoise Fabian n'avait pas foulé le sol québécois depuis plus de 45 ans. À l'époque, l'actrice s'était d'abord rendue à New York pour y présenter Ma nuit chez Maud au Lincoln Center. Elle avait ensuite terminé son séjour en Amérique à Montréal.

«Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de travailler chez vous, faisait-elle remarquer hier au cours d'un entretien accordé à La Presse. Après la mort de mon mari, l'idée m'a un moment traversé l'esprit de venir m'installer ici, mais mon agent m'en a découragée en évoquant les longs mois d'hiver. Mes racines plongent dans la Méditerranée!»

Née à Alger au beau milieu du printemps, cette femme de soleil, qui a passé son enfance dans la Ville blanche, est aujourd'hui plus active que jamais, particulièrement sur les scènes de théâtre. Ce qui n'empêche pas les cinéastes de la réclamer aussi. Au cours des plus récentes années, Françoise Fabian s'est notamment illustrée dans Comme les cinq doigts de la main (Alexandre Arcady), Je n'ai rien oublié (Bruno Chiche), Le prénom (Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte), sans oublier, bien sûr, Les garçons et Guillaume, à table! (Guillaume Gallienne).

Récemment, le public français a aussi pu la voir dans le deuxième épisode de Dix pour cent. Conçue par Dominique Besnehard, cette série télévisée à succès entraîne le spectateur dans les coulisses d'une grande agence artistique. Plusieurs vedettes y tiennent leur propre rôle en faisant preuve d'autodérision. Françoise Fabian et Line Renaud se sont d'ailleurs beaucoup amusées à entretenir pour l'occasion une rivalité fictive.

«Nous ne sommes pas dupes de tout ce qui peut se dérouler au sein des agences, mais on ne voit pas tout, indique celle qui compte C.R.A.Z.Y. parmi ses films préférés. Or, tout ce qui se passe à l'intérieur de cette agence est inspiré de faits réels!»

Une actrice se raconte

Françoise Fabian fait aussi l'objet d'un film portrait, pour lequel Dominique Besnehard agit cette fois à titre de réalisateur. Intitulé La Fabian, un surnom qui lui a été donné à l'époque où elle tournait aussi beaucoup en Italie, ce document permet à l'actrice de se raconter, au fil d'une soixantaine d'années de carrière.

«Je n'aurais pas accepté de le faire avec un autre que Dominique, lance-t-elle d'emblée. Je prends mon métier très à coeur, mais je ne me prends pas au sérieux moi-même. Je n'aime pas beaucoup me voir. Or, je redécouvre aujourd'hui des choses que j'avais complètement oubliées, qui ne sont pas trop mal. À l'époque, je ne me suis pas aperçue du tout que j'étais jolie femme. Et je n'en ai pas profité. C'est dommage, hein?»

Venue au cinéma grâce au théâtre, qui a toujours fait partie de sa vie, l'actrice n'a jamais hésité à refuser des rôles qu'elle estimait inintéressants ou qui ne lui convenaient tout simplement pas.

«Avant Ma nuit chez Maud, j'avais déjà fait pas mal de films, mais je ne prenais pas vraiment cela au sérieux. À cette époque, il y avait un clivage entre le théâtre et le cinéma. Cela n'existe plus aujourd'hui. Je privilégiais le théâtre, les grands textes et les grands rôles. Je trouvais qu'on ne m'employait pas pour de bonnes raisons au cinéma. Après Ma nuit chez Maud, on m'a pratiquement tout proposé. J'avais la réputation de refuser beaucoup de choses. Je n'en ai aucun regret.»

Elle attribue à la chance les rencontres marquantes de sa vie.

«C'est un facteur important, explique l'actrice. Je n'ai jamais rien cherché, mais j'ai fait des rencontres. Jacques Becker a déjà voulu me donner un rôle dans un film, mais il ne m'a finalement pas choisie. Il a préféré me garder dans sa vie!»

Quelques favoris

Outre Jacques Becker, son premier mari, elle citera Luis Buñuel, qui l'a fait tourner dans Belle de jour, parmi ses rencontres déterminantes. Des films comme Raphaël ou le débauché (Michel Deville), Salut l'artiste (Yves Robert) ou La bonne année (Claude Lelouch) constituent autant de beaux souvenirs. Elle cite aussi quelques-uns de ses partenaires favoris: Maurice Ronet, Lino Ventura, Marcello Mastroianni.

«Je les ai aimés, dit-elle simplement. Ces hommes me fascinaient. Ils étaient bons comédiens, charmants et pleins d'humour. Personne ne m'a fait plus rire que Marcello. Personne ne m'a touchée davantage que Maurice Ronet. Cela dit, il ne m'est jamais arrivé de tomber amoureuse sur un plateau. Parce que j'étais déjà amoureuse ailleurs!»

Celle qui lance souvent des projets au théâtre se retrouvera bientôt sur les planches de nouveau. Elle reprendra notamment le Tartuffe de Molière, mis en scène par Luc Bondy, au mois de janvier. Récemment, elle a joué dans une adaptation théâtrale de Sonate d'automne (Ingmar Bergman) en compagnie de Rachida Brakni.

«Si on faisait en France des films avec des rôles comme ceux que joue Judi Dench en Angleterre, il est certain que je tournerais davantage, affirme Françoise Fabian. Pour l'instant, on me propose des choses que je ne veux pas faire au cinéma.»

En présence de l'actrice: Ma nuit chez Maud, demain, 14h, à la Cinémathèque québécoise. Dix pour cent, dimanche 8 novembre, 10h, au Cinéma Impérial. La Fabian, dimanche 8 novembre, à midi.