«Nous sommes en 1941 et la France est encore sous la botte nazie. Heureusement, un noyau de résistance a été formé dès l'occupation par un groupuscule de militaires et de civils qui instaurent alors un réseau fort bien organisé par toute la France. Mes grands-parents habitaient alors en Bretagne et comme mon aïeul avait été démobilisé, il se pressa de joindre le maquis (la Résistance) tout en conservant son emploi de mécanicien. Il possédait alors une Peugeot passablement usagée mais en très bonne condition qui, malgré le rationnement, faisait les beaux jours de sa petite famille. Comme il était gérant d'un atelier de réparation à Combourg (patrie de Chateaubriand), il avait le droit de posséder des tickets de rationnement spéciaux.

«Nous sommes en 1941 et la France est encore sous la botte nazie. Heureusement, un noyau de résistance a été formé dès l'occupation par un groupuscule de militaires et de civils qui instaurent alors un réseau fort bien organisé par toute la France. Mes grands-parents habitaient alors en Bretagne et comme mon aïeul avait été démobilisé, il se pressa de joindre le maquis (la Résistance) tout en conservant son emploi de mécanicien. Il possédait alors une Peugeot passablement usagée mais en très bonne condition qui, malgré le rationnement, faisait les beaux jours de sa petite famille. Comme il était gérant d'un atelier de réparation à Combourg (patrie de Chateaubriand), il avait le droit de posséder des tickets de rationnement spéciaux.

«Entre 1940 et 1944, Aloïs et sa femme Albertine menaient une vie tout à fait normale aux yeux des occupants allemands. Mais comme les apparences sont souvent trompeuses, ceux-ci étaient loin de se douter que ces deux paisibles Bretons étaient sérieusement engagés dans des opérations de sabotage qui firent beaucoup de tort aux nazis. La plus remarquable de ces opérations concernait le fameux pont de Couémon, situé tout près du quartier général de l'armée allemande du nord-ouest. Cet endroit stratégique était aussi connu pour être un "nid de guêpes" de la sinistre Gestapo. Aloïs s'était porté volontaire pour faire sauter le pont de Couémon, au grand désarroi de sa femme "Titine", qui n'avait pas tellement le goût d'être veuve à 45 ans. Mais rien n'arrêtait mon pépé qui, sous le couvert d'un médecin gynécologue muni de faux papiers, réussit à traverser les barrages de police au volant de sa "Peugeotte" bourrée d'explosifs en quantité suffisante pour faire sauter le Mont-Saint-Michel, nous raconta ma grand-mère, de nombreuses années plus tard.

«Le plus bizarre est qu'il devait se rendre à une adresse bien réelle tout près de là, afin d'y procéder à un accouchement. Une sage-femme fit tout le travail pendant que des "amis inconnus" s'empressaient de débarrasser la Peugeot de son chargement pétaradant. Puis, dès les premiers cris du nouveau-né, Aloïs reprit tranquillement la route de Combourg...

«Trois jours plus tard, par un lundi pluvieux, le pont de Couémon sauta comme les feux du 14 juillet, entraînant avec lui une bonne partie de la division motorisée. L'hôtel de Loubec, quartier général de la Gestapo, fut également mystérieusement détruit par les bombes incendiaires... Les Allemands ne se doutèrent jamais que cette humble Peugeot et son faux toubib étaient à l'origine de ce carnage qui coupa la ligne de communication entre la Bretagne et la Normandie, épargnant ainsi plusieurs milliers de vies humaines lors du débarquement des Alliés.

«La vaillante Peugeot fut rapidement repeinte en vert caca d'oie afin de passer inaperçue au milieu des nombreux véhicules allemands.

«En juin 1943, le maréchal Hermann Goering avait déjà commencé à "évacuer en lieu sûr" les milliers d'oeuvres d'art dérobées aux pays occupés. La Résistance fut rapidement informée du passage prochain de ce convoi vers l'Allemagne. Lorsque le conducteur de la locomotive vit cette voiture en panne au beau milieu de la voie ferrée, il siffla plusieurs fois et serra les freins. Trop tard! Une explosion fit dérailler le convoi de 12 wagons blindés et sa locomotive qui plongèrent dans le ravin de Guérec. Des résistants cachés tout près réussirent à s'emparer d'une bonne partie du précieux chargement qui, à la fin de la guerre, fut remis aux autorités concernées.

«De la voiture en panne, on ne retrouva qu'une portière. Elle était de couleur vert caca d'oie... La brave Peugeot kamikaze avait joué son dernier rôle jusqu'au bout!

«En 1946, Aloïs et sa femme furent décorés de l'Ordre de la Résistance par nul autre que Charles de Gaulle. J'ai eu la chance de connaître mes grands-parents qui, au soir de leur vie, m'ont remis ces médailles que je conserve précieusement. Un hommage à de braves gens pour qui la France valait bien quelques entourloupettes risquées. Un hommage aussi à cette humble Peugeot qui rêve sans doute encore de missions impossibles au paradis des voitures d'autrefois.»

Plus de 60 ans se sont écoulés depuis ces temps tragiques. Merci, Gilbert, de partager avec nous ces précieux souvenirs de famille. Et bonne route!

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DANS LE RÉTROVISEUR DE LA PEUGEOT 202 1938

Type : Petite berline abordable et économique à vocation familiale mais dotée d'une aérodynamique soignée autorisant une faible consommation et 100 km/h en vitesse de pointe.

Empattement / longueur / largeur / hauteur (cm) : 245 / 411 / 150 / 155

Poids : 890 kg

Moteur : 4 cyl. en ligne, 1,1 L, 30 ch à 4 000 tr/min

Transmission : propulsion, boîte manuelle, 3 vitesses

Freins : tambours

Pneus : 145x400 (métrique)

Vitesse maxi : 100 km/h

Production (1938 à 1949) : 104 100 unités

LA MÊME ANNÉE (1938) :

» Hitler annexe l'Autriche et déclare l'union entre l'Allemagne et l'Autriche.

» Découverte de pétrole au Kuwait qui compte aujourd'hui 20 pour cent des réserves connues au monde.

» Signature des Accords de Munich entre l'Allemagne, l'Italie, la France et la Grande-Bretagne qui autorisent l'Allemagne à scinder la Tchécoslovaquie.

» Aux laboratoires Du Pont de Nemours, des chercheurs découvrent le nylon et le perlon.

» George et Ladislav Biro inventent le stylo à bille.

Pour joindre notre collaborateur : alain.raymond@lapresse.ca