Voici un cas d'autoguérison automobile qui prouve qu'il ne faut pas confondre le tube de Coppertone et la bouteille de Turtle Wax.

 

Deux chimistes viennent d'inventer un additif qui devrait bientôt permettre à la peinture des autos de cicatriser toute seule après une égratignure et ce, en moins d'une heure. Ce nouveau polyuréthane réagit aux rayons ultra-violet du soleil (les mêmes qui peuvent vous donner le cancer de la peau). Une heure au soleil,.et hop! disparue la vilaine égratignure sur votre porte d'auto, que vous avez ramenée du stationnement de l'épicerie.  

La découverte est rapportée dans une étude publiée vendredi dans la revue Science.

 

Les peintures automobiles contiennent depuis longtemps des polyuréthanes qui augmentent leur élasticité et leur résistance, mais un impact assez fort cause quand même des dommages, explique le professeur Marek Urban, de l'Université Southern Mississippi,  dans un podcast aux médias diffusé par Science. M. Marek et un de ses élèves, Biswajit Ghosh, ont cherché dans l'arsenal de la chimie des polymères un ingrédient qui donnerait à la peinture un pouvoir auto-réparateur imitant celui de la peau humaine, une sorte de cicatrisation chimique.

L'additif est un truc microscopique que, franchement, seuls les chimistes comprennent, «un précurseur de chitosane substituteur d'oxétane incorporé dans un polyuréthane à deux composantes», explique le professeur Marek. Il suffisait d'y penser, non?

M. Marek ne craint pas de donner la recette dans le journal : «Des brevets sont en instance», dit-il durant l'entrevue.

 

L'invention des deux chimistes forme une sorte de réseau de mailles microscopique sur toute la surface de la peinture. Quand un impact mécanique (un chariot d'épicerie poussé sur votre porte d'auto) endommage le réseau, les mailles d'oxétane brisées réagissent avec la chitosane et se reforment toutes seules.

 

Ce sont les rayons ultra-violet du soleil qui alimentent cette cicatrisation chimique et la disparition de l'égratignure, que les deux chimistes appellent « un événement moléculaire »

 

Leur invention pourrait avoir d'autres applications --mode, emballage et génie bio-médical-- mais on voit bien que les deux scientifiques avaient l'oeil sur l'automobile dès le départ : ils ont calculé le temps de réaction sous le soleil du sud des États-Unis, durant l'été, qu'ils ont comparé au temps nécessaire dans les États du Nord, durant l'hiver. Résultats : la peinture auto-guérit en une heure l'hiver, mais c'est trois ou quatre fois plus vite dans l'été, dans le Sud.

 

L'étude ne dit pas si une cire appliquée avec amour sur votre auto ralentit le processus.

L'ingrédient-clé, la chitosane, est un dérivé de la chitine, un élément naturel abondant dans les carapaces de crevettes et d'aures crustacés; elle a déjà des applications industrielles nombreuses.

 

Ce n'est pas demain que leur peinture auto-cicatrisante se retrouvera sur le marché, mais le professeur Marek pense que l'invention est commercialement prometteuse : «Nous ne sommes pas dans la business de la peinture, quelqu'un d'autre que nous fera les calculs précis. Mais les composantes ne sont pas chères et sont facilement disponibles dans l'industrie.» Et le procédé n'est pas plus complexe que ce qui se fait déjà dans la production commerciale de polymères automobiles, ajoute-t-il.

 

L'invention pourrait aussi servir dans le textile, explique le professeur Marek.

 

Un autre gros plus, si vous avez aussi déchiré votre siège d'auto en revenant de l'épicerie.

Photo: Revue Science et Université Southern Mississipi

Photos microscopiques (en bas) et infra-rouge (en haut) d'une égratignure qui s'auto-répare, lorsque soumise à la lumière du soleil.