«Je m'en vais à Québec défendre la culture...» Denis Coderre, on le sait, ne manque pas une occasion de s'afficher comme défenseur de la culture. Jeudi, le maire était à la remise du 30e Grand Prix du Conseil des arts de Montréal, dont il a reçu de chaleureux remerciements pour avoir respecté sa promesse (électorale) d'en augmenter le budget de 500 000 $.

Applaudissements mérités pour le maire et Manon Gauthier, ci-devant responsable de la Culture, du Patrimoine, du Design, d'Espace pour la vie ainsi que du Statut de la femme. «Grosse carte de visite», a lancé M. Coderre avec humour.

En ce «jour de budget» québécois, le maire a expliqué sa présence au déjeuner du CAM comme un statement, une expression d'appui inconditionnel, parce que «la culture, c'est important». «Je dois vous quitter dans dix minutes pour me rendre à la présentation du budget. Je m'en vais à Québec défendre la culture...» Autres applaudissements.

M. Coderre est revenu de la capitale satisfait et optimiste: Québec va mettre 15 millions cette année dans la cagnotte des fêtes du 375e et a rétabli les crédits d'impôt pour les entreprises culturelles, comme Montréal en avait fait la demande. Le jour approche aussi où Montréal sera pleinement reconnu au gouvernement comme métropole économique, culturelle et autres.

«Rapprocher la population des arts»

Pendant ce temps, toutefois, administrateurs, avocats et syndics s'affairaient jeudi à préparer les documents de la faillite de la Ligne bleue qui, s'ils n'ont pas été déposés vendredi au moment où l'on écrit ces lignes, le seront aujourd'hui ou demain auprès des instances concernées.

La Ligne bleue est un organisme d'économie sociale qui regroupe une quarantaine de lieux culturels situés à proximité de la ligne bleue du métro qui, dans l'axe longitudinal de l'île, va des stations Saint-Michel à Snowdon. Sa mission: «rapprocher la population des arts» dans les quatre arrondissements de la Ligne, Rosemont-La Petite-Patrie, Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension, Outremont et Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce. La Ligne bleue regroupe des lieux aussi divers que le Patro Le Prévost, le Festival du jamais lu, le Théâtre Outremont et le Centre d'essai de l'Université de Montréal. Diversité...

Depuis sa fondation en 2012, l'organisme n'a jamais pu compter sur un financement récurrent et ses nombreux appels à la Ville de Montréal sont restés sans réponse. Personne au bout du fil... Aujourd'hui, la Ligne bleue se retrouve face à une faillite de... 100 000 $, somme qui lui permettrait de garder sa permanence et de compléter cette étude de planification stratégique qui relancerait son action sur des bases solides.

En janvier, nous écrivions dans cet espace que la Ligne bleue avait «des amis bien placés, comme Manon Gauthier». Avant de faire le saut en politique, la responsable de la Culture de Montréal avait fait entrer dans la Ligne bleue le Centre Segal des arts de la scène qu'elle dirigeait alors. Peu après son arrivée au comité exécutif, Mme Gauthier avait déclaré que la Ligne bleue était son coup de coeur. Et le mois dernier, lors du lancement du document Coup d'oeil 2014 de Montréal métropole culturelle, elle déclarait à La Presse que sa priorité «absolue» était l'inventaire des forces des quartiers culturels des arrondissements, «pour voir comment ces forces peuvent contribuer à élargir l'accès des citoyens à la culture et renforcer l'image de Montréal comme métropole culturelle».

Priorité immédiate, précisait-elle, «maintenant que le Quartier des spectacles est solidement implanté». Montréal octroie 3 millions de dollars par an au Partenariat du Quartier des spectacles.

Okay... Ou l'on n'a rien compris au rôle de la Ligne bleue, ou Mme Gauthier a manqué un lien, politique et culturel, important. Peut-être aussi est-elle mal conseillée... Toujours possible. Pour l'heure, toutefois, à l'instar de certains acteurs de l'OSBL en péril, on peut dire qu'avec des amis comme Manon Gauthier, la Ligne bleue n'a pas vraiment besoin d'ennemis...