Romantique et révolté, le chanteur et compositeur français d'origine espagnole Leny Escudero, mort vendredi à 82 ans, est devenu célèbre dans les années 1960 avec sa ballade Pour une amourette mais son répertoire était surtout marqué par la dénonciation des injustices.

De son vrai nom Joaquim Escudero, l'artiste s'est éteint «des suites d'une insuffisance respiratoire aiguë», a précisé son épouse à l'AFP.Avec ses cheveux tombant jusqu'aux épaules, son visage émacié et son blouson noir, ce franc-tireur orgueilleux, communiste dans l'âme, se flattait d'avoir «fait parfois des concessions, mais jamais de compromis».

Capable de refuser des galas lucratifs pour aller construire un hôpital au Dahomey (Bénin) ou une émission de télévision pour soutenir une grève des caméramans, cet inlassable militant n'a jamais totalement accepté les codes du showbusiness.

On lui doit également des chansons comme À malypenseVivre pour des idéesLe bohémienPetite mèreLa malvenueLe siècle des réfugiés et Le cancre.

Il voit le jour à Espinal, dans la province espagnole de Navarre, le 5 novembre 1932 avant que ses parents, républicains espagnols, ne quittent en 1939 leur pays ravagé par la guerre civile pour trouver refuge dans l'ouest de la France, puis à Paris.

Il grandit dans un quartier populaire de la capitale française, apprenant à lire à l'école publique, à laquelle il voue une reconnaissance éternelle pour lui avoir donné l'instruction dont ses parents furent privés. Le jeune Lény exerce ensuite divers métiers.

En 1962, sa carrière d'auteur-compositeur-interprète débute tambour battant. Son premier essai est un coup de maître: Pour une amourette est un succès. Cette chanson qu'il défend toujours («c'est l'histoire de mon premier amour, je ne vois pas pourquoi je renierais mon premier amour», disait-il) est devenue un classique.

En cette période dominée par le rock et les yéyés, la télévision s'entiche de cet artiste différent, à la voix grave et sincère, aussi enthousiaste sur scène que dans la vie.

«Ceux qui m'ont encouragé, c'est ma concierge qui me disait «Leny j'aime votre voix», le patron de bistrot qui me faisait crédit», raconte cet ami de Georges Brassens, son idole, et de Léo Ferré.

«Je ne passe pas à la radio»

Le succès ne retient pas pour autant l'artiste qui choisit de partir pour l'Amérique du Sud. Il repasse par Paris, le temps d'enregistrer de nouvelles chansons, puis entreprend un tour du monde qui durera cinq ans avec femme et enfants, d'abord dans le confort de ses droits d'auteur, puis en routard. «C'est sûr que pour faire carrière, admettait-il, je ne suis pas quelqu'un de très prudent».

À son retour, il revient à son métier d'artiste, écrivant des textes graves, sur la guerre d'Espagne, les dictatures, la maltraitance. Il se produit sur scène avec un succès mitigé d'abord, puis réel à mesure qu'il persévère.

Après la tournée Âge tendre et un nouvel Olympia (2007) qui fut un triomphe, «le poète troubadour» revient à ses premières amours: la scène et la communion avec le public. On le retrouve, dans un spectacle complet, accompagné de sa fille et de ses petits-enfants, avec ses plus grands succès et des inédits.

«Je ne passe pas vraiment à la radio, puisque je ne fais pas des chansons qu'on appelle formatées. Elles durent parfois six ou huit minutes, ça bouffe la pub», disait-il.

En une quinzaine d'albums, il a connu beaucoup de maisons de disques. Il a effectué quelques apparitions dans des films et des séries télévisées, participé à des bandes originales de films.

Nostalgique, respectueux des valeurs anciennes, il ne se reconnaissait pas dans une société «dont le monde ouvrier a disparu» mais n'était pas pour autant passéiste.

Père de trois enfants, grand-père de jeunes musiciens, il s'était retiré à Giverny, le célèbre village des impressionnistes au nord-ouest de Paris, et venait de publier le deuxième tome de sa biographie, «Le début...la suite...la fin».