«Je voulais me rendre à mon dixième dernier show», lance dans une boutade Clémence DesRochers pour justifier son retour sur les planches. Si cette artiste inclassable a changé d'idée, c'est surtout parce que la scène lui manquait et qu'elle avait le goût de la partager avec Marie Michèle Desrosiers.

Cousines par alliance, Clémence DesRochers et Marie Michèle Desrosiers n'en sont pas à leur première collaboration professionnelle. «Elle m'a demandé de faire l'amante dans le duo L'amante et l'épouse, sur un disque des années 80», se remémore Marie Michèle, qui nous reçoit dans son salon de L'Île-des-Soeurs.

Un peu à l'écart, le nez plongé dans ses feuilles, le pianiste Steve Normandin corrige: c'était en 1975 et l'album s'intitulait Comme un miroir. «Exactement! confirme Clémence. Sur la pochette, j'ai les bras en l'air et une petite robe de coton. C'est Marie Michèle qui chante sur le disque? Ben, voyons donc! C'est une bolle, Steve.»

Une encyclopédie, un fabuleux musicien, un tendre, Clémence et Marie Michèle versent volontiers dans le dithyrambe quand il est question du pianiste qui les a accompagnées tant de fois et qui est depuis dimanche, à Waterloo, le complice essentiel de leur premier spectacle commun. «On voit davantage la tendresse de Clémence et on voit aussi la folie de Marie Michèle, dit ce témoin privilégié. L'une met en relief ce que l'autre n'osait pas montrer.»

C'est Clémence qui a demandé à Marie Michèle de monter sur scène à ses côtés. Comme elle avait demandé il y a quatre ans à Danielle Bombardier, une autre amie, de l'accompagner dans une série de conférences très divertissantes qui fut pour Clémence une manière de donner un spectacle sans le faire officiellement.

«Une personne a le droit de changer d'idée, explique-t-elle. J'avais envie de faire un spectacle avec Marie, ça fait des années que j'y pensais. J'avais dit que je n'en ferais plus, mais je me suis retrouvée dans une espèce de vide intellectuel, moral et physique, et j'avais besoin de faire quelque chose, d'avoir un but.»

Des classiques

À 80 ans bien comptés, Clémence est en forme et ses problèmes de santé ne sont plus que de lointains souvenirs. «Je ne connais personne qui peut faire autant de choses dans une journée; on n'arrive pas à la suivre», affirme sa nouvelle partenaire de scène.

Mais arrive un moment où cette solitude dont Clémence a besoin la «tue», et que la scène et l'amour du public lui manquent vraiment. D'où ce retour, même si elle précise qu'elle n'a rien écrit de neuf, si ce n'est un nouveau monologue, Le carré noir, qui porte sur l'internet.

«J'ai l'impression que j'ai fait ce que j'avais à faire au point de vue de l'écriture, explique-t-elle. C'est pour ça que les numéros reviennent, comme La jaquette en papier. Ce sont des situations qui restent, que j'ai bien exprimées: des classiques. Si tu veux réentendre un Molière, tu réécoutes Molière. Je ne veux pas nécessairement me comparer à lui, je suis ben meilleure que lui...»

Et tout le monde pouffe de rire.

Une invitée spéciale

Marie Michèle connaît bien les chansons de Clémence. Plus encore, c'est Clémence qui l'a aidée à monter son spectacle Marie Michèle se défrise et à enregistrer le disque du même nom dont elle a signé plusieurs chansons.

«Moi, je vois ça comme un spectacle de Clémence dans lequel je suis une invitée spéciale, dit-elle de leur aventure commune. Ce n'est pas vraiment un spectacle en duo. Je faisais déjà un medley de Clémence dans mon spectacle, alors on va en faire un différent. En plus, Clémence a écrit un texte sur ma mère qui souffrait de l'alzheimer, et moi, j'en ai écrit un sur mon père avec Robert Léger.»

Clémence, elle, estime qu'avec la voix de son amie et les arrangements des trois musiciens qui les accompagnent, ses chansons prennent de nouvelles couleurs qui donneront au public l'impression de les redécouvrir. «Marie Michèle est toujours là sur scène, parfois dans la pénombre. Elle fait beaucoup d'harmonies avec moi et elle chante ses chansons à elle.»

Un spectacle comme celui-là, croit Clémence, lui donne l'occasion de montrer qui elle est vraiment: «Je suis un peu frustrée parce que les gens me connaissent très mal. C'est une façon de leur dire: «J'écris, moi. Ce que je fais n'est pas improvisé, c'est travaillé!» »

Puis elle ajoute: «C'est un show d'amitié, un show de tendresse, de folie, pis c'est un show qui dit les vraies affaires. Et en plus, ça va être beau. J'aime ce show, j'ai hâte de le voir.»

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La tournée de Clémence DesRochers et Marie Michèle Desrosiers s'arrêtera au Club du Quartier Dix30 jeudi et fera relâche à la fin mai avant de reprendre à l'automne.