Le gouvernement Couillard a utilisé jeudi le bâillon pour forcer la tenue d'un vote sur le projet de loi 400, qui permettra désormais à La Presse de changer sa structure de propriété sans l'accord de l'Assemblée nationale. Le Parti libéral du Québec, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire ont voté pour ce projet de loi, adopté malgré l'opposition du Parti québécois et de la députée indépendante Martine Ouellet.

Cette loi, qui doit maintenant recevoir la sanction du lieutenant-gouverneur avant d'être en vigueur (une formalité), abroge un article d'une loi privée de 1967 qui donnait à Québec un droit de regard sur le choix de son propriétaire. La Presse pourra désormais poursuivre ses activités et planifier son avenir comme elle l'entend.

« Il s'agit d'une très bonne nouvelle, car cette décision nous permet d'aller de l'avant avec le changement de structure de l'entreprise, une étape cruciale de notre plan stratégique qui vise à assurer la pérennité de La Presse. » - Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse

« Nous aurons ainsi accès à des sources de revenus plus diversifiées, venant des fondations, des grands donateurs, du public et des programmes d'aides gouvernementaux universels, accessibles à toutes les entreprises de presse écrite », a souligné jeudi par voie de communiqué Pierre-Elliott Levasseur, président de La Presse.

« Je tiens à remercier les représentants du Parti libéral du Québec, du Parti québécois, de la Coalition avenir Québec et de Québec solidaire qui avaient tous consenti, en raison de l'importance du dossier, à la tenue du vote d'adoption », a-t-il ajouté.

Le 8 mai dernier, l'entreprise a annoncé qu'elle deviendrait la propriété d'un OBNL.

UNE « MASCARADE », ESTIME OUELLET

Le leader parlementaire du Parti libéral, Jean-Marc Fournier, a expliqué jeudi qu'il avait obtenu le consentement de tous les partis pour aller de l'avant avec un vote final sur le projet de loi, mais que la députée indépendante Martine Ouellet avait refusé d'indiquer si elle s'y opposerait. Puisque le projet de loi 400 a été déposé après le 15 mai, un député pouvait à lui seul ralentir le processus et empêcher son adoption avant la fin de la session parlementaire.

« Contrairement à tous les médias du Québec, La Presse ne peut pas donner suite à son plan d'affaires sans l'abrogation d'une disposition législative d'un autre siècle. La Presse, Power Corporation, la Fédération nationale des communications, le Syndicat des travailleurs de l'information de La Presse, le Syndicat des travailleurs et travailleuses du Québec, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et Le Devoir nous ont tous vivement encouragés à adopter cette loi rapidement et sans réserve. Ces groupes ont tous plaidé et démontré l'urgence d'agir », a rappelé la ministre de la Culture et des Communications, Marie Montpetit.

« Le bâillon [n'était] vraiment pas nécessaire. Le Parti libéral est complètement au service de Power Corporation, des Desmarais et de La Presse. [...] C'est une vraie mascarade », a martelé Mme Ouellet. Le Parti québécois et Québec solidaire ont également dénoncé l'imposition du bâillon.

« Le projet de loi 400 n'est pas un référendum sur les positions éditoriales du quotidien. Malgré toutes les critiques que Québec solidaire a à l'égard des positions éditoriales de La Presse, ce n'est pas l'objet du projet de loi », a toutefois rappelé Gabriel Nadeau-Dubois, qui a voté pour le projet de loi.

LE PQ DÉFEND SON TRAVAIL

Lors de la séance extraordinaire qui a servi à adopter le projet de loi 400 jeudi, le leader parlementaire péquiste Pascal Bérubé a défendu le travail de son parti dans ce dossier. « On travaille pour le bien commun », a-t-il dit, soulignant qu'il souhaitait un bel avenir à La Presse, même si son parti votait contre le projet de loi 400.

Plus tôt cette semaine, le PQ avait également proposé un amendement au projet de loi qui visait à ce que Québec encadre la composition du futur conseil d'administration de l'OBNL que le journal souhaite créer. Or, l'amendement péquiste, comme tous les amendements proposés par Martine Ouellet lors de l'étude détaillée du projet de loi, avait alors été jugé irrecevable par la présidente de la Commission.

« Ça montre qu'ils n'ont aucune ouverture, qu'ils ne répondent qu'à une commande », a déploré jeudi M. Bérubé, qui dresse un parallèle entre la ligne éditoriale fédéraliste de La Presse et la volonté des libéraux d'adopter le projet de loi 400 avant la fin de la session parlementaire.