Quels romans se sont démarqués en 2014? Voici la liste, sans ordre précis, de ceux qui sont restés dans notre mémoire. Un bilan forcément incomplet, qui nous a obligés à des choix douloureux, mais qui, à notre avis, représente bien l'année littéraire qui s'achève. En prime, les coups de coeur de quelques auteurs.

Romans québécois

1- Ma vie rouge Kubrick

Simon Roy

Quoi? Un mélange entre l'essai et le récit personnel qui se construit autour du film The Shining, classique du cinéma.

Pourquoi? Parce que c'est un livre qu'on dévore et qui nous dévore... (Chantal Guy)

2- L'enterrement de la sardine

Patrice Lessard

Quoi? Un écrivain québécois se perd dans les méandres de Lisbonne et de son imagination.

Pourquoi? La ludique et complètement folle trilogie lisboète de Patrice Lessard prend fin avec ce roman à la narration labyrinthique qui sent la sueur et la bière. Jouissif, pourvu qu'on accepte le jeu auquel cet auteur inclassable nous convie. (Josée Lapointe)

3- Nous étions le sel de la mer

Roxanne Bouchard

Quoi? Un hommage à la Gaspésie en forme de quêtes: quête de vérité, de parents biologiques, d'un meurtrier, d'amour, de poissons...

Pourquoi? Pour le rythme et la «sonorité» du texte, les personnages trentenaires ou cinquantenaires, «de souche» ou «émigrés», menteurs ou... menteurs. Et pour la pêche en haute mer. (Marie-Christine Blais)

4- L'angoisse du poisson rouge

Mélissa Verreault

Quoi? Destins croisés d'une jeune Montréalaise trentenaire un peu perdue et d'un rescapé de la Seconde Guerre mondiale.

Pourquoi? Un roman imparfait mais qui a du souffle, aussi généreux qu'ambitieux, qui nous transporte du Montréal d'aujourd'hui à l'Italie d'hier. Parce qu'il faut parfois sortir de soi pour trouver son équilibre. (J. L.)

5- Aux jardins des acacias

Marie-Claire Blais

Quoi? Septième titre de la fresque romanesque commencée depuis Soifs, et qui se déroule dans une île fictive, en suivant le destin de plusieurs personnages.

Pourquoi? Parce qu'il s'agit de l'un de nos romans favoris du projet titanesque de Marie-Claire Blais, monument de la littérature québécoise. (C. G.)

6- Jonas de mémoire

Anne Élaine Cliche

Quoi? C'est l'histoire de Jonas hors de la baleine. Une histoire incertaine, à refaire. Une histoire de beauté, malgré la folie et l'oubli.

Pourquoi? Si on aime les mots, on adoptera rapidement Jonas. Anne Élaine Cliche possède une écriture unique, le sens du rythme et de la métaphore. Avec ses personnages forts et sa poésie, Jonas de mémoire est un trésor d'originalité. (Mario Cloutier)

7- Les variations Burroughs

Sylvie Nicolas

Quoi? Récit ou roman? L'auteure se souvient de son enfance, d'un amour mal terminé. Elle s'évade vers William Burroughs et revient à la filiation.

Pourquoi? On aime ce livre pour l'amour: celui de la vie, des humains, des mots, de la tristesse aussi. La sensibilité de l'auteure se nourrit d'instants d'éternité puisés tout au fond des moindres soubresauts de l'âme. (M. C.)

8- Le silence du banlieusard

Hugo Léger

Quoi? Qu'est-il arrivé à Luc, banlieusard sans histoire disparu sans laisser de trace?

Pourquoi? Mystère, humour noir et observations sociologiques se côtoient dans ce roman à la structure déconstruite, où la banlieue faite de silence et d'asphalte est un des personnages principaux. (J. L.)

9- Le feu de mon père

Michael Delisle

Quoi? Le récit de la relation trouble entre le narrateur et son père, un homme à la fois criminel et religieux.

Pourquoi? Parce que la plume de Michael Delisle, qu'on aime déjà, n'a jamais été aussi précise et troublante. (C. G.)

Romans français

10- Réparer les vivants

Maylis de Kerangal

Quoi? L'histoire d'une transplantation cardiaque, de la mort cérébrale d'un jeune homme jusqu'au premier battement du coeur dans son nouveau corps, 24 heures plus tard.

Pourquoi? On touche à l'essence de l'humain dans ce roman polyphonique aussi précis qu'émouvant. Probablement le livre le plus bouleversant de l'année, qui nous habite des mois après qu'on l'ait refermé. (J. L.)

11- Pas pleurer

Lydie Salvayre

Quoi? L'Espagne libertaire et la guerre d'Espagne (1936-1939), telles que vécues et racontées par la mère de l'auteure et le grand écrivain français Bernanos.

Pourquoi? Écrite dans une langue palpitante, sur un mode à la fois intime et littéraire, cette «histoire» de l'Espagne libertaire méritait tout à fait le Goncourt 2014. (M.-C. B.)

12- La condition pavillonnaire 

Sophie Divry

Quoi? L'histoire de l'enfermement tranquille d'une femme dans les conventions.

Pourquoi? Une réactualisation réussie de la figure de Madame Bovary, qui nous fait réfléchir sur les choix que nous faisons dans la vie. (C. G.)

13- Peine perdue

Olivier Adam

Quoi? Qu'est-ce qui est arrivé à Antoine, laissé à moitié mort devant l'hôpital d'une station balnéaire de la Côte d'Azur désertée par les touristes?

Pourquoi? Un livre choral impressionnant qui réunit 14 personnages, et qui sous des allures de roman noir donne un portrait sombre de la crise sociale française et d'une jeunesse laissée pour compte. (J. L.)

14- La petite communiste qui ne souriait jamais

Lola Lafon

Quoi? La vie imaginée de Nadia Comaneci, petite gymnaste-fée qui a marqué les Jeux olympiques de Montréal, mais aussi femme prisonnière de ses chairs, fuyant le régime de Ceasescu, en 1989. 

Pourquoi? Avant tout pour l'athlète impitoyable cachée dans un corps d'enfant. Pour sa soif de réussite dans une Roumanie communiste. Pour l'écriture aussi agile que les pirouettes de Nadia. (Pascale Fontaine)

15- Terminus radieux

Antoine Volodine

Quoi? Dans une Deuxième Union soviétique qui n'a guère eu plus de chances de survie que la première, les rescapés d'une catastrophe nucléaire tentent de rejoindre des terres épargnées par les radiations.

Pourquoi? Sombre, effrayant, mais magistral: ce roman apocalyptique est une épopée en enfer qui mêle le fantastique au mystique de manière époustouflante. Un prix Médicis bien mérité. (Laila Maalouf)

16- L'amour et les forêts

Éric Reinhardt

Quoi? Portrait d'une femme idéaliste enlisée dans un quotidien fait d'humiliations infligées par son mari.

Pourquoi? Pour les contrastes, les fausses pistes et l'écriture flamboyante de Reinhardt qui décrit la vie intérieure incandescente de son héroïne tout en préservant des zones de pénombre. (Cécile Amarra)

17- Joseph

Marie-Hélène Lafon

Quoi? La vie de Joseph, ouvrier agricole un peu particulier qui, au fil de différents petits boulots sur des fermes françaises, revient sur les moments marquants de son existence.

Pourquoi? L'écriture donne une voix à ces campagnes, où les fermes familiales disparaissent au profit des grandes entreprises, d'une façon touchante, en s'attardant sur les gestes quotidiens. (Jean-François Villeneuve)

Romans étrangers

18- Comment s'en mettre plein les poches en Asie mutante

Mohsin Hamid

Quoi? Un (faux) livre de croissance personnelle pour raconter la vie d'un homme (sur)vivant dans une Asie plongée dans la mondialisation sauvage.

Pourquoi? Coup de poing dans les parties sensibles qui fait hurler de rire: voilà le troisième roman du Pakistano-Britannique Mohsin Hamid. Style narratif inédit, humour corrosif, sujets lourds, rires garantis, réflexions aussi! (M.-C. B.)

19- Meursault, contre-enquête

Kamel Daoud

Quoi? Le monologue du frère de «L'arabe» tué par Meursault dans le célèbre roman L'étranger de Camus.

Pourquoi? Parce qu'il fallait beaucoup d'audace pour interpeller un chef-d'oeuvre, et pour la sensibilité de l'auteur qui met à nu les points de tensions de son pays. (C. G.)

20- L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage

Haruki Murakami

Quoi? Pourquoi les quatre meilleurs amis d'enfance de Tsukuru lui ont-ils tourné le dos, il y a 15 ans, sans explication?

Pourquoi? Et si le banal était lui aussi étrange? Entre Tokyo et Nagoya, portrait en filigrane d'une génération de jeunes Japonais coupés des traditions familiales et ancestrales, dans le style singulier, ensorcelant de Murakami. (M.-C. B.)

21- Les filles peintes

Cathy Marie Buchanan

Quoi? La vie des soeurs van Goethem, en particulier Marie, immortalisée par Degas à qui elle servit de modèle pour La petite danseuse de 14 ans.

Pourquoi? Un quart historique, trois quarts fiction, ce récit éclaire, de façon poignante et sur fond de disparités sociales, les coulisses du Ballet de l'Opéra de Paris et la vie culturelle parisienne des années 1878 à 1895. (Sonia Sarfati)

22- Notre quelque part

Nil Ayikwei Parkes

Quoi? Dans un village perdu du Ghana, on retrouve des restes humains - ou non humains? Meurtre ou magie noire? Conte ou polar? Ancestral ou contemporain? Toutes ces réponses.

Pourquoi? Raconté par un jeune médecin légiste et un vieux chasseur, ce portrait extrêmement subtil du Ghana d'aujourd'hui mêle humour mordant, verve poétique et enquête policière. (M.-C. B.)

23- Le chardonneret

Donna Tartt

Quoi? Quelque 800 pages pour raconter Theo, dont le destin dérape lorsque sa mère meurt dans un attentat dans un musée et que, sous le choc, il quitte les lieux du drame en emportant une toile de Carel Fabritius, Le chardonneret.

Pourquoi? Un roman-fleuve à la fois initiatique et thriller, nerveux en rythme, coloré en personnages, qui vous plonge dans les boutiques d'antiquités de Brooklyn aussi bien que dans les casinos de Las Vegas et les canaux d'Amsterdam. (S. S.)

24- Cataract City

Craig Davidson

Quoi? Duncan et Owen vivent à Cataract City. Autrement dit, Niagara Falls. Le premier sort de prison. Le second est policier. Ils sont (ont été?) amis depuis l'enfance. Retour sur leur passé. Puis, plein feu sur leur présent.

Pourquoi? Merveilleusement écrit et structuré, ce livre est porteur de violence et de beauté, et d'une poésie inattendue dans le contexte - il est question de lutte, de combats et de courses de chien, de contrebande. (S. S.)

25- Théorie générale de l'oubli

José Eduardo Agualusa

Quoi? Nous est conté l'étrange destin de Ludovica, Portugaise exilée en Angola qui, face à la violence de la mue indépendantiste, s'emmure et survit dans un appartement de Luanda plutôt que de regagner sa terre natale.

Pourquoi? Inspiré de faits réels, ce roman restitue une atmosphère de violence et de confinement remarquable. De multiples histoires périphériques s'embrassent pour offrir un panorama unique sur cette période douloureuse de l'histoire angolaise. (Sylvain Sarrazin)

Michel Tremblay a aimé...

Violence à l'origine - une enquête de Victor Lessard, de Martin Michaud

« C'est vraiment très bon, très bien écrit, il est vraiment à la hauteur des auteurs de romans policiers d'ailleurs qu'on aime tant, les Mankell et compagnie. Finalement, Martin Michaud aussi est un auteur de polars du Nord... mais pas du même Nord (rires). »

- J. L. et M.-C. B.

Emmanuel Carrère a aimé..

Un homme amoureux, de Karl Ove Knausgaard

« L'auteur est un Norvégien qui a écrit son autobiographie en six tomes. Le second [tome est] fascinant, surtout que sa vie n'est pas spécialement intéressante, et que le type n'a que 40 ans! Mais il raconte tout ça avec un tel investissement, une telle fièvre, que tout devient passionnant. »

- J. L. et M.-C. B.

Andrée A. Michaud a aimé...

Le feu de mon père, de Michael Delisle

« L'auteur y parle de choses graves dans une langue très simple. Il n'y a aucune forme de complaisance même s'il raconte des choses très intimes sur son père et sur son enfance, et qu'il relate des souvenirs traumatisants. Il réussit à prendre une certaine distance et malgré tout, il touche. »

- J. L. et M.-C. B.

Sophie Bienvenu a aimé...

La vie sur Mars, de Marie-Sissi Labrèche

« On ne sent plus l'auteure avec la peau à vif [comme dans Borderline ou La Brèche], on la découvre presque apaisée, mais sa voix tant aimée y est pourtant bien présente. Et quel plaisir de la retrouver dans un roman qui, pour une fois, ne fait pas mal! »

- J. L. et M.-C. B.