La dette. Il y en a d'argent bien sûr, mais aussi de coeur ou d'honneur, aux dieux et à la société. Et à la Nature.

Margaret Atwood décortique les origines de ce concept façonné au fil de l'Histoire. Il est le fruit d'une notion primitive de la justice, incarnée d'abord par une balance à plateaux qui symbolisait l'équilibre dynamique entre le Bien et le Mal, puis par un glaive lorsque associé à la vengeance, ou au fameux oeil pour oeil, dent pour dent de la loi du Talion.

Ce n'est qu'avec la déesse romaine Justicia que balance et glaive forment le visage à deux faces de la justice.

La notion de dette en découle. Je te rends un service pour lequel tu me dois reconnaissance; tu as fait le mal, tu dois réparation.

Dans une société judéo-chrétienne comme la nôtre, la dette est associée au péché. Il existait même naguère des prisons pour les gens qui ne l'acquittaient pas. Atwood y voit une grande injustice. «L'emprunteur et le prêteur sont conjointement responsables de l'échec de leur entente», plaide-t-elle.

L'équilibre du contrat a inspiré maints auteurs, surtout au XIXe siècle, alors que les rouages de l'argent étaient encore méconnus.

Atwood en fait ses choux gras, mais s'intéresse en particulier à l'avare impitoyable Scrooge, personnage principal d'Un conte de Noël de Dickens. L'homme, on le sait, connaît une rédemption dans les heures précédant la fête de la Nativité après avoir eu trois visions. Il devient généreux et joyeux en comprenant que l'argent n'est pas une fin en soi.

En conclusion, Atwood plonge Scrooge dans la société d'aujourd'hui qui pille la nature sans compter. Le portrait est terrifiant, sans être alarmiste. «Les idées que nous nous faisons de la dette s'inscrivent dans la construction imaginaire qu'est la société humaine, écrit-elle. Il suffit de la «penser» autrement pour changer son fonctionnement.»

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Comptes et légendes (La dette et la face cachée de la richesse), Margaret Atwood, Boréal, 200 pages, 24,95 $